La Cour suprême du Canada renverse une décision de la Cour d’appel de la Saskatchewan et rend constitutionnel le droit de grève.
En 2008, la province de la Saskatchewan a adopté deux lois, l’une qui imposait des services essentiels aux employé-es de l’État qui étaient en grève, et l’autre qui rendait l’accréditation des syndicats un peu plus difficile. La Saskatchewan Federation of Labour (SFL) et de nombreux autres syndicats ont contesté la constitutionnalité de ces lois, faisant valoir qu’elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Charte canadienne des droits et libertés, notamment la liberté d’association et la liberté d’expression.
En cour d’appel, la SFL avait été déboutée, le juge décrétant que ces deux lois n’entravaient en rien les droits des travailleurs.
La Cour suprême vient toutefois d’infirmer cette décision. Cinq juges contre deux ont estimé que le droit de grève est désormais constitutionnel, et que la loi votée en 2008 pour en limiter l’exercice est inconstitutionnelle.
Jugement historique
Dans ce jugement historique, il est écrit : « Advenant la rupture de la négociation de bonne foi, la faculté de cesser collectivement le travail est une composante nécessaire du processus grâce auquel les travailleurs peuvent continuer de participer véritablement à la poursuite de leurs objectifs liés au travail. [… ] Le temps me paraît venu de le consacrer constitutionnellement. »
La Cour suprême précise même que « les salariés du secteur public sont tout autant visés. Ceux d’entre eux qui assurent des services essentiels ont certainement des fonctions dont le caractère unique est susceptible de militer en faveur d’un mécanisme moins perturbateur que la grève […] mais ne saurait justifier l’absence de tout mécanisme de règlement des différends. Parce qu’elle supprime le droit de grève d’un certain nombre de salariés sans le remplacer par un tel mécanisme, la loi saskatchewannaise en cause est inconstitutionnelle ».
« C’est un pas de géant pour les droits du travail. Un combat de plusieurs décennies vient d’être remporté aujourd’hui par les travailleurs et les travailleuses au pays. La Cour suprême protège de façon très importante le droit de grève qui ne saurait dorénavant être refusé aux employé-es syndiqués », clame Jean Lortie, secrétaire général de la CSN.
Services essentiels
Le tribunal demande aussi au gouvernement de la Saskatchewan de refaire ses devoirs, lui donnant un an pour élaborer une nouvelle loi sur les services essentiels, qui n’entrave pas le droit de grève des travailleurs et travailleuses.
« Au Québec, ce jugement pourrait servir la cause des travailleurs et des travailleuses touchés par le projet de loi 3 sur la pérennité des régimes de retraite. Ces syndiqué-es sont soumis à la loi québécoise sur les services essentiels et n’ont pas le droit de grève durant les négociations avec les employeurs. Leur droit d’association est, selon nous, bafoué à plusieurs égards. Est-ce qu’un tribunal pourrait leur donner raison? », questionne M. Lortie.
Voter pour se syndiquer
La deuxième loi votée par le gouvernement de la Saskatchewan obligeait la tenue d’un vote secret pour l’obtention d’une accréditation syndicale. La Cour suprême considère que cette loi ne va pas à l’encontre des droits des travailleurs. La CSN est d’avis que la formule de syndicalisation avec la signature de cartes d’adhésion pour obtenir une accréditation est la meilleure façon de faire puisqu’elle permet d’éviter toute influence ou intimidation patronale. La Confédération déplore donc la décision de la Cour suprême puisqu’elle vient valider une loi qui est une entorse directe au droit d’association.