Intervenant devant la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise, aujourd’hui, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) livrera un plaidoyer pour contribuer à réhabiliter la fiscalité et qu’elle soit vue pour ce qu’elle est : l’expression de la solidarité d’une société. « La fiscalité n’est surtout pas qu’une affaire d’argent, précise le président de la CSN, Jacques Létourneau. Elle permet à un État d’assurer des services et des programmes qui participent à distribuer la richesse, à établir une meilleure égalité des chances, à développer les régions, à créer des emplois. »
En ce sens, la CSN dénonce l’approche prise par le gouvernement de Philippe Couillard de réduire l’ensemble des missions de l’État québécois à des dépenses et la fiscalité à un fardeau. « Les libéraux restreignent la portée du régime fiscal et tracent le chemin pour arriver à leurs fins : une consultation plus que partielle sur leur vision de l’État avec à la clé, des mesures d’austérité.
« Au fond, la question qui devrait être posée ici est : quel Québec voulons-nous ? Il est désolant de constater l’absence de dialogue social et de débats ouverts, transparents et larges pour permettre à toutes les composantes de la société d’y répondre. La présente consultation et un site Web, ce n’est certes pas suffisant ! Le Parti libéral n’a pas été élu pour détruire le Québec et sa campagne électorale n’a jamais traité de ces sujets sous l’angle de l’austérité », poursuit Jacques Létourneau.
Un tableau noirci de la dette
Pour atteindre ses objectifs de ramener le Québec à une province canadienne comme les autres en matière de programmes sociaux et de services publics, le gouvernement libéral brosse un tableau catastrophique de l’état des finances publiques. Le Québec n’aurait plus les moyens de se payer, dit-il, les services de santé et d’éducation, par exemple. Il faudrait donc sabrer près de 6 milliards $ sur deux ans pour atteindre le déficit zéro.
« Or, la situation à cet égard n’est pas si sombre, plaide le trésorier de la CSN, Pierre Patry. La dette est sous contrôle et les déficits courants en proportion du PIB sont faibles. Rien ne justifie l’entreprise de démolition de l’État social qui est en cours. Au contraire, le Québec s’est mieux tiré d’affaire que les autres États nord-américains lors des dernières crises financières, justement en raison de son interventionnisme et de l’ensemble des protections sociales qui permettent de réduire les inégalités et d’assurer des services partout sur le territoire. »
Des orientations sur la fiscalité
La CSN estime que l’équilibre budgétaire doit être atteint non pas par des compressions budgétaires tous azimuts. Selon elle, il importe par-dessus tout de préserver le Québec qui a été construit à partir des années 1960 en lui donnant les moyens de son action. « Une réforme de la fiscalité et des politiques visant à stimuler une croissance économique durable doivent permettre d’accroître les revenus de l’État pour financer adéquatement les choix de la population afin d’assurer la pérennité des services publics et des programmes sociaux », mentionne Pierre Patry.
Dans le mémoire déposé à la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise, la CSN présente plusieurs orientations en ce sens visant les particuliers et les entreprises. Ces dernières pourraient certes contribuer davantage au financement des missions sociales de l’État : instauration d’un impôt minimum, révision de certains crédits d’impôt, lutte efficace contre les paradis fiscaux et l’évitement fiscal. Au cours des dernières décennies, les entreprises ont aussi vu leur impôt diminuer sans que la croissance économique et l’investissement privé ne s’en ressentent. Le gouvernement libéral devrait donc envisager une hausse de l’impôt sur leurs revenus.
Il en va de même de l’impôt des contribuables les plus riches qui a aussi diminué de façon importante ces dernières années avec une totale inefficacité sur la croissance économique. Le gouvernement devrait considérer d’accentuer la progressivité de l’impôt sur le revenu des particuliers et revoir à la baisse certains avantages fiscaux, comme les déductions pour gains de capital liés à la spéculation et pour options d’achat d’actions. Il doit aussi envisager d’instaurer un impôt minimum sur les successions de grandes fortunes. Enfin, le gouvernement doit abandonner l’idée de hausser la TVQ pour financer une diminution de l’impôt sur le revenu des particuliers, puisque cela réduirait l’équité du régime fiscal.
Le fédéral : mettre fin au déséquilibre fiscal
Le gouvernement du Québec doit aussi œuvrer de concert avec les autres provinces pour obtenir un financement conséquent du gouvernement fédéral, et mettre fin au déséquilibre fiscal afin de couvrir les politiques sociales qui relèvent de ses compétences. Des analyses récentes montrent que ce déséquilibre prendra de l’ampleur lors des prochaines années si le gouvernement central ne transfère pas une partie de ses ressources excédentaires aux provinces qui doivent faire face à des dépenses croissantes de leurs services sociaux.
Depuis plus de 25 ans, les services publics et les programmes sociaux sont sous-financés, alors que la population doit assumer privatisations et tarifications qui découlent de politiques restrictives. La CSN plaide pour un véritable débat social permettant de définir le Québec qui répondra le mieux aux exigences d’égalité et de partage de la richesse. Pour y arriver, elle estime que le gouvernement doit reporter l’atteinte du déficit zéro et suspendre le versement au Fonds des générations.
Jacques Létourneau : « Depuis les dernières semaines, la population mesure très bien la portée des politiques d’austérité du gouvernement de Philippe Couillard et, en l’absence de tribune pour faire valoir son point de vue à l’égard des missions fondamentales de l’État, c’est dans la rue qu’elle pourrait bien vouloir se faire entendre. Nous serons avec elle. »