Régime de négociation dans le secteur municipal

La CSN demande le retrait du projet de loi 110

Intervenant à la Commission de l’aménagement du territoire ce midi, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) demande le retrait du projet de loi 110 sur le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal.

« Avec ce canon législatif, le PL110 mettrait en péril l’équilibre des forces dans ce secteur, dénaturerait les relations de travail et brimerait le droit de négocier des travailleuses et des travailleurs des municipalités, dénonce le président de la CSN, Jacques Létourneau. Le gouvernement Couillard n’a absolument aucun motif d’agir ainsi. »

Arguant « équilibrer le rapport de forces » entre les municipalités et leurs salariés, le gouvernement s’apprête plutôt à saboter les relations de travail dans ce secteur. En outre, il favoriserait outrancièrement les municipalités et renforcerait les pouvoirs du ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire (MAMOT) dans le domaine des négociations collectives, où il ne détient aucune expertise, en créant un régime d’exception au Code du travail. En effet, le MAMOT se substituerait au ministère du Travail sur les questions de supervision des processus de négociation et d’arbitrage, le plaçant clairement en conflit d’intérêts en faveur des municipalités.

Contraintes à la libre négociation
En fait, sous le couvert d’une loi voulant faciliter le règlement des différends, le PL110 ouvre une voie de contournement à la libre négociation et au droit d’association en limitant dans le temps les pourparlers, en définissant certains paramètres et en donnant le mandat au ministère de nommer un « mandataire spécial » qui, à la suite du rapport qu’il déposerait, pourrait conduire le gouvernement à imposer les conditions de travail. Or, la mission du MAMOT touche l’administration et le développement des municipalités, donc l’intérêt de ces dernières et non ceux des travailleuses et des travailleurs.

« Or, rien ne justifie d’agir ainsi, déplore le président de la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP–CSN), Denis Marcoux. Lors des négociations dans les municipalités, l’exception est le conflit de travail. Depuis l’an 2000, plus de 539 conventions collectives ont été signées par les 118 syndicats CSN et seulement 19 l’ont été à la suite d’une grève. On peut donc parler de paix industrielle, contrairement aux scénarios catastrophes clamés en chœur par certains représentants des villes et du gouvernement. »

Droit de grève bafoué
En plus de la menace de nommer un « mandataire spécial » en cas de grève, le PL110 prévoit l’imposition d’un médiateur après 120 jours de négociation, sans pouvoir de convocation péremptoire des parties. Ainsi, plutôt que de laisser libre cours à la négociation, le projet de loi introduit un tiers qui ne détiendrait ni l’expertise ni les connaissances du milieu de travail aussi bien que celles et ceux qui y œuvrent au quotidien, mais qui aurait un impact déterminant sur leurs conditions de travail. Et c’est le ministère qui, à la demande de l’une des parties, nommerait le mandataire en question. Le pouvoir du MAMOT dans la négociation serait alors déterminant, puisque la voie serait ouverte pour imposer les conditions de travail.

« Quel intérêt auraient ainsi les représentants municipaux à négocier sérieusement avec un tel délai et l’impossibilité pour les syndiqué-es d’exercer leur droit de grève, pourtant reconnu par la Cour suprême du Canada ?, questionne Jacques Létourneau. Les employé-es municipaux négocieraient avec une épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur tête et le processus de négociation perdrait beaucoup de crédibilité. »

La CSN estime que si le droit de lock-out et l’imposition des conditions de travail ont été refusés aux municipalités, elles ont tout de même finalement atteint leurs objectifs.

Avec la Loi sur la gestion et le contrôle des effectifs des ministères, des organismes et des réseaux du secteur public ainsi que des sociétés d’État (loi 15), qui a causé des reculs importants à la rémunération des travailleuses et des travailleurs, ces derniers se verraient de nouveau frappés avec le PL110 qui déséquilibrerait le rapport de force en faveur des employeurs et qui imposerait un tel carcan au processus de négociation que leur droit de négocier s’en trouverait nié.

ISQ : une méthodologie incomplète
Une étude de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), qui a établi que les personnes œuvrant dans ce secteur auraient une rémunération globale de 39,5 % plus élevée que celles œuvrant dans la fonction publique québécoise, est à l’origine de la perception de déséquilibre qui jouerait en faveur des salarié-es municipaux.

Selon la CSN, la méthode de calcul de l’ISQ est hautement contestable puisqu’elle écarte pas moins de 96 % de l’ensemble des municipalités, soit celles qui comptent moins de 25 000 habitants. Il a pourtant déjà été démontré par l’ISQ lui-même que les employé-es de ces dernières bénéficiaient d’une rémunération inférieure à celle qu’offraient les plus grandes municipalités. De plus, plusieurs emplois ont été exclus de cette comparaison parce qu’ils n’ont pas d’équivalent dans le privé. Finalement, la CSN estime qu’il faudrait plutôt dire que 16,9 % des employés de l’administration publique québécoise ont un retard salarial de 18,8 % et qu’il existe un écart de rémunération globale de 39,5 % avec un pourcentage inconnu d’employés des municipalités de plus de 25 000 habitants.

« Certains maires ont fait preuve de beaucoup d’opportunisme en prétextant cette étude de l’ISQ qui a peu à voir avec la réalité », dénonce Denis Marcoux.

À propos
La CSN représente quelque 325 000 travailleuses et travailleurs regroupés dans près de 2000 syndicats de tous les secteurs d’activité, dont 11 200 dans les municipalités membres de 188 syndicats affiliés à la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP–CSN).

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