De passage aujourd’hui en commission parlementaire sur le projet de loi 53 sur l’actualisation de la Loi sur les décrets de convention collective, la Centrale des syndicats démocratiques (CSD) et la Confédération des syndicats nationaux (CSN) ont présenté près d’une dizaine de recommandations visant à préserver le consensus sur la question, dégagé au sein d’un sous-comité du Comité consultatif du travail et de la main-d’œuvre (CCTM). Les deux centrales syndicales considèrent notamment que le projet de loi confère trop de pouvoir au ministre du Travail qui pourrait passer outre l’obligation de consensus entre les parties.
De façon générale, la CSD et la CSN appuient le projet de loi tout en recommandant quelques amendements pour protéger la négociation entre syndicats et patrons. Bien que les deux centrales représentent des salarié-es dans des secteurs industriels protégés par des décrets, notamment dans le secteur des services automobiles, elles appuient le maintien de la loi également pour des raisons de justice sociale car elle donne accès à de meilleures conditions de travail à quelque 75 000 salarié-es, syndiqués ou non.
Rappelons que cette loi est une pièce législative remontant à 1934. À l’époque, la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC), ancêtre de la CSN et de la CSD, promeut activement une telle intervention législative pour contrer l’appauvrissement des travailleuses et des travailleurs confrontés à une très grave crise économique. L’idée, importée d’Europe, consiste à étendre à l’ensemble d’un secteur industriel les tenants et aboutissants d’une entente collective intervenue entre un syndicat et un employeur. En 2016, bien que la proportion de salarié-es couverts soit beaucoup moins importante, il demeure que la loi garantit encore de meilleures conditions de travail car en uniformisant les conditions de travail, les entreprises doivent chercher à se démarquer autrement que par une course à la baisse dans les conditions de travail.
Actualisation
Ainsi, la CSN et la CSD appuient l’actualisation de la loi mais souhaitent en préserver l’esprit original favorisant la négociation entre les parties. Or, plusieurs passages du projet de loi 53 octroieraient trop de pouvoirs au ministre du Travail, ce qui aurait pour effet d’affaiblir l’obligation actuelle de consensus entre les parties. La CSN et la CSD considèrent qu’un tel virage serait dommageable pour l’avenir de ces secteurs et elles soulignent dans leur mémoire conjoint que leurs vis-à-vis patronaux au CCTM partagent la même orientation, et ce malgré certaines interventions publiques de quelques lobbies patronaux réclamant jusqu’à l’abrogation pure et simple de la loi.
« Nous considérons que ce serait un recul majeur que d’affaiblir ce régime de concertation et de dialogue qui a permis au fil des années de prendre de véritables décisions structurantes pour ces secteurs, explique le président de la CSD, François Vaudreuil. Ce régime a fait la preuve qu’il peut permettre l’évolution et l’adaptation des industries concernées de façon consensuelle, tout en assurant des conditions décentes aux travailleuses et aux travailleurs ».
« Pour nous, l’erreur principale des ministres du Travail qui se sont succédé au cours des dernières décennies aura été de ne pas défendre suffisamment ce régime, ce qui explique en partie que de moins en moins de salarié-es soient couverts, souligne la vice-présidente de la CSN, Francine Lévesque. L’histoire nous a enseigné que la sempiternelle rengaine du néolibéralisme – l’Eldorado de l’emploi se pointe à l’horizon de la déréglementation – est fausse : les salarié-es de l’industrie du vêtement peuvent témoigner du fait que l’abrogation des décrets dans ce secteur n’a jamais produit les milliers d’emplois que certains promettaient. Nous pensons qu’il faut maintenir ce régime et surtout protéger ce qui fait son plus grand succès, c’est-à-dire laisser aux parties négociantes le soin de dégager des pistes satisfaisantes pour toutes et tous ».
À propos
La CSD et la CSN représentent près de 400 000 travailleuses et travailleurs œuvrant dans tous les secteurs d’activités sur l’ensemble du territoire québécois.