Santé et services sociaux

La commercialisation des services de soutien à domicile ne rime pas avec des services de qualité

Blogue de Jean Lacharité

Aux prises avec un sous-financement chronique des services de soutien à domicile, les établissements de santé et de services sociaux se tournent de plus en plus vers le secteur privé à but lucratif. Il y a quelques années, le recours au privé par les établissements dans le soutien à domicile était encore marginal. Or, nous avons récemment appris que les établissements de la grande région de Montréal et de Laval ont donné à forfait près de 1,3 million d’heures de services par année à l’entreprise privée Placement Premiers Soins. Cela équivaut au travail à temps complet de 730 auxiliaires en santé et services sociaux du réseau public.

Ce glissement est extrêmement préoccupant tant pour la qualité des services que pour les conditions de travail des préposé-es à domicile.

Rappelons que les bénéficiaires du soutien à domicile comptent parmi les plus vulnérables de la société. Il s’agit en majorité de personnes aînées en perte d’autonomie, mais également de personnes vivant avec un handicap.

Le contrat conclu avec Placement Premiers Soin prévoit que les établissements verseront en moyenne, 17,79 $ par heure de services fournis. Cela comprend tant les frais administratifs et la marge de profit de l’entreprise, que le salaire des employées. C’est donc dire que ces dernières, majoritairement des femmes, souvent immigrantes, majoritairement non-syndiquées, toucheront le salaire minimum ou à peine plus. Cela peut représenter jusqu’à 10 dollars l’heure de moins que le salaire versé aux ASSS dûment formées du réseau public. S’ensuivront inévitablement des difficultés importantes de recrutement et de rétention de main-d’œuvre compétente.

Quel choc et quelle insécurité pour les bénéficiaires des services de soutien à domicile ! Leur ASSS avec qui ils ont développé des liens de confiance, sera remplacée par une ou des nouvelles personnes dont la formation et l’expérience ne seront pas nécessairement garanties. Il y a fort à parier qu’il y aura un plus grand roulement de personnel. Ce n’est certainement pas l’idéal pour la prestation de soins à la personne. Qui souhaiterait se voir donner des soins d’hygiène chaque fois par une nouvelle personne ? C’est pourtant ce qui arrivera !

Par ailleurs, ce personnel non syndiqué subit une pression constante pour être plus « productif », c’est-à-dire effectuer des visites les plus courtes possible auprès du plus grand nombre d’usagers possible. Le temps de déplacement ne leur est souvent pas payé, pas plus que le temps qu’elles prendraient pour socialiser un peu avec l’usagère. Ces quelques minutes de contact humain peuvent pourtant faire la différence dans la vie des personnes seules ou isolées.

Les ASSS du réseau public sont non seulement dûment formées pour ce travail exigeant qu’est la prestation de services de soutien à domicile, mais elles sont les yeux et les oreilles du réseau auprès de ces personnes vulnérables puisqu’elles font partie d’une équipe multidisciplinaire réunissant des professionnels de tous horizons. En cas de dégradation de l’état d’un bénéficiaire, elles sont mieux en mesure que quiconque de le signaler rapidement à l’intervenant compétent.

Le Québec en retard
Le retard pris par le Québec quant au financement du soutien à domicile ne date pas d’hier. Il est toutefois de plus en plus urgent d’y remédier. La privatisation des services n’est pas une solution ni pour les bénéficiaires, ni pour les prestataires. Nous invitons donc le ministre de la Santé et des Services sociaux Gaétan Barrette à mettre immédiatement un terme à ce glissement vers la privatisation et à plancher sur une solution pérenne afin que le réseau public puisse répondre adéquatement aux besoins de la population en matière de soutien à domicile. C’est tout le Québec qui y gagnera.

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