Ils rêvent de l’eldorado canadien, mais le réveil est plutôt brutal pour les milliers de travailleuses et de travailleurs étrangers qui arrivent au Québec. Originaire de l’île Maurice, aujourd’hui secrétaire général de son syndicat chez Unidindon, Lloyd Sham est venu en témoigner aujourd’hui au 32e Congrès du Conseil central des Laurentides. Il était accompagné de Fançois Proulx-Duperré, secrétaire général du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches, qui a décidé de militer en faveur d’une meilleure intégration de nos frères et sœurs issus d’ailleurs.
« Immigrer au Canada : un rêve ou un réveil brutal ? », ironise d’entrée de jeu Lloyd Sham. Pour le boucher industriel, recruté par une agence contractée par Olymel afin d’embaucher de la main-d’œuvre étrangère, le fossé est énorme entre les attentes qu’il partageait avec le groupe d’une douzaine de travailleurs mauriciens, en 2021, et la réalité à laquelle lui et ses collègues sont confrontés depuis leur arrivé à l’usine de volaille de Saint-Jean-Baptiste.
Déjà, leur départ de l’île Maurice a été retardé à deux semaines d’avis. Alors qu’il avait quitté son emploi en prévision de sa nouvelle vie, Lloyd a dû gruger une bonne part de ses économies, alors que le départ, toujours « imminent », était sans cesse reporté.
« Comment pouvait-on savoir que la crise du logement était susceptible d’avoir un impact sur notre embauche ? », se demande-t-il aujourd’hui.
Ses compatriotes et lui ont vite déchanté quand ils ont reçu leur première paye. Incapables de saisir le pourquoi de l’ensemble des retenues, plus nombreuses qu’à l’île Maurice, on peut comprendre. « On n’avait même pas de talon de paye, impossible d’y voir clair », déplore-t-il aujourd’hui.
Ils ont vite réalisé que les prévisions qu’ils s’étaient faites avant leur départ ne correspondraient pas à la réalité et ne pourraient atteindre les objectifs de transferts financiers vers la famille, restée au pays.
D’autant plus que l’inflation post-covid avait grandement gonflé le coût de la vie, notamment à l’épicerie.
« Ça ne faisait pas partie du discours des professionnel-les de la firme de recrutement qui nous a convaincus de venir ici », fait-il remarquer.
De plus, ses collègues mauriciens et lui ont vite déchanté quand ils se sont rendu compte qu’ils pourraient difficilement accumuler des heures supplémentaires leur permettant de retourner voir leur famille, après deux ou trois ans.
Par ailleurs, personne ne les avait avisés de la fermeture annuelle de deux semaines en juillet. Les conséquences financières sont grandes pour ces détenteurs de permis de travail fermés, qui ne peuvent aller travailler ailleurs pendant cette fermeture annuelle.
L’intégration, un défi syndical
Lloyd Sham a décidé qu’il pouvait changer les choses. Il s’est rapidement joint à l’équipe syndicale en place dans son milieu de travail. Plus récemment, des vagues de recrutement d’Olymel posent de nouveaux défis, compte tenu de la barrière linguistique de ces travailleurs hispanophones.
Des liens ont également été développés avec la mairie de Saint-Jean-Baptiste, municipalité de la Montérégie où est situé l’abattoir de volaille d’Unidindon. À l’initiative des travailleurs mauriciens, une journée de la diversité culturelle a été instaurée. Et plus récemment, à la demande de la mairesse, ils ont été invités à concevoir… un char allégorique pour le défilé de la Saint-Jean-Baptiste.