Le tribunal d’arbitrage vient de rendre une décision selon laquelle, en vertu des nouvelles normes du travail, une usine ne peut forcer ses employé-es à faire des heures supplémentaires lorsque ceux-ci sont en congé, à moins de leur donner un avis de cinq jours. Bien que la notion d’urgence puisse toujours être invoquée par l’employeur pour exiger un rappel au travail, elle ne s’appliquait pas dans le cas soumis au tribunal pour l’usine de Rio Tinto Fer et Titane de Sorel.
Le litige portait sur l’interprétation de la clause 59.0.1 de la Loi sur les normes du travail entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2019. Cette clause permet à un travailleur de refuser de travailler s’il n’est pas informé au moins cinq jours à l’avance. Malgré l’argumentation du patron qui invoquait l’urgence de la situation, l’arbitre a conclu que le travailleur n’avait pas un devoir de disponibilité au sens de la loi. Un employeur qui veut forcer une travailleuse ou un travailleur à rentrer au travail doit donc l’aviser au moins cinq jours à l’avance.
Le Syndicat des Ouvriers du Fer et Titane–CSN a donc obtenu gain de cause contre l’employeur qui voulait forcer un travailleur à rentrer au travail pour faire des heures supplémentaires, malgré le refus de ce dernier.
Pour comprendre la nature de la décision, il faut se remettre dans le contexte. L’employeur opère ses usines avec un personnel minimal et même en sous-effectif depuis des années. Au début de 2019, il est incapable de trouver un travailleur pour combler son manque de personnel. Il contacte donc le plus jeune syndiqué en lui ordonnant de rentrer travailler. « Le syndicat s’est toujours battu afin que les heures supplémentaires se fassent sur une base volontaire. Un grief a été déposé à cet effet et a cheminé jusqu’en arbitrage », explique Dominique Blais, trésorier du syndicat.
Le 20 septembre 2020, le syndicat obtient gain de cause avec le jugement de l’arbitre Rosaire S. Houde. « L’employeur ne peut pas forcer un salarié en congé, même le salarié comptant le moins d’ancienneté, à effectuer des heures supplémentaires s’il ne lui a pas donné cinq jours d’avis », écrit l’arbitre dans sa conclusion.
Manque de personnel et de formations
« On a toujours dénoncé le boss quand il veut combler ses besoins de base par des heures supplémentaires au lieu d’embaucher. Le patron doit arrêter de gérer le manque de personnel avec les heures supplémentaires », soutient Dominique Blais.
Ce dernier précise que ce n’est pas d’hier que le syndicat dénonce un manque de formation pour certains postes clés, ce qui limite parfois à quelques personnes seulement les employé-es en mesure de remplacer un absent. On observe aussi un changement de mentalité des travailleuses et des travailleurs, qui sont moins enclins à effectuer des heures supplémentaires.
Pour le syndicat, cette question est un enjeu majeur. « Cette section de l’usine fonctionne avec le minimum d’employé-es possible, il n’y a personne de prévu pour remplacer les vacances. Ajoutez-y le fait que l’employeur, pendant des années, n’a pas complété les formations prévues et ça explique mieux l’enjeu que représentent les heures supplémentaires », explique le trésorier du syndicat.
L’employeur a déjà signalé qu’il entend contester le jugement. Il devra toutefois démontrer qu’il y a eu une erreur de droit de la part de l’arbitre.