Portrait

Hélène Nazon : « Dépoussiérer nos projets éducatifs pour contrer le racisme »

Professeure de littérature au Cégep Garneau de Québec depuis plus de dix ans et vice-présidente à l’information au comité exécutif du syndicat des professeur-es depuis 2015, Hélène Nazon, dont les parents sont nés en Haïti, se plaît à répondre qu’elle vient du Nouveau-Brunswick quand on lui demande « d’où elle vient ».

« Quand je réponds ce qui est la vérité, que je suis bel et bien née au Nouveau-Brunswick, on me répond : “Non, mais tu comprends ce que je veux dire…” Je l’ai entendu tellement souvent ! J’ai aussi compris très tôt que je ne serais jamais vraiment vue comme étant “d’ici” aux yeux des autres », débute-t-elle.

Sa lunette de professeure fait en sorte qu’elle aborde les questions reliées au racisme en pensant au milieu de l’éducation en premier. « C’est mon milieu et je pense qu’on peut y faire beaucoup de choses », lance-t-elle.

Selon elle, le fait qu’une bonne partie du corps professoral des institutions d’enseignement supérieur ne représente pas la diversité de la société québécoise démontre que les choses doivent bouger. « On dit qu’on est le reflet de la société dans laquelle nous sommes. À mon département, je suis la seule professeure racisée, sur une quarantaine. Et c’est le deuxième département en importance. Dans le cégep au grand complet, il y a aussi bien peu de professeur-es racisés. Pour les déléguée-s de la FNEEQ, c’est la même chose. Pourtant, la question de la représentativité est importante pour une réelle lutte contre le racisme. Mes deux enfants voient bien peu de gens qui leur ressemblent dans les médias québécois. On ne parle même pas de quand moi j’étais enfant ! Quand les personnes qu’on voit dans les médias ou bien qui nous enseignent ne nous ressemblent à peu près jamais, quel message reçoit-on ? », demande-t-elle.

Les débats autour de la liberté académique en milieu universitaire et les revendications d’étudiantes et d’étudiants appartenant à des groupes minoritaires sont pour elle une occasion à saisir pour forcer des débats nécessaires. « À mon avis, la tangente qu’a pris cette discussion publique reflète à quel point les savoirs enseignés dans nos institutions gagneraient à être revisités et décolonisés. Et soulever ces questions dures, mais essentielles, vient toucher des cordes très sensibles, dans un contexte où notre gouvernement refuse de reconnaître la réalité du racisme systémique », souligne la professeure.

Mobilisé par ces questions, son comité exécutif a proposé à la direction du Cégep Garneau de mettre sur pied un comité de travail sur « sur l’enjeu des sujets sensibles abordés en classe » qui inclurait le syndicat, les professeur-es, la direction et les étudiantes et étudiants. « Ces discussions ne peuvent pas se faire sans eux. Il faut absolument travailler à créer de réels espaces de dialogue où toutes les parties présentes sont ouvertes à la discussion et ne demeurent pas campées sur leurs positions. Il faut voir cela comme une occasion de dépoussiérer le projet éducatif du collège », poursuit-elle.

Pour la professeure et syndicaliste, des organisations comme la CSN sont bien placées pour créer de tels espaces de dialogue. « Ces questions sont partout et ne feront que prendre plus de place avec le temps. Il faut prendre le taureau par les cornes et ne pas céder à la peur d’en parler. J’ai trouvé qu’entre le 65e et le 66e Congrès de la CSN, beaucoup de chemin avait été parcouru. On sent une mobilisation plus grande de la part du comité exécutif de la CSN. C’était important d’inscrire la campagne contre le racisme dans le plan d’action des trois prochaines années, appuyé par le plancher. Ce n’est que le début ! », termine-t-elle.

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