Contrairement aux guerres conventionnelles — économiques, politiques et/ou idéologiques —, celle-ci est menée en grande majorité par les femmes. De tout temps, les femmes sont allées au front lorsque des crises sanitaires ont frappé la population. Au Québec, les emplois dans les services publics sont occupés aux deux tiers par des femmes, et sur les quelque 275 000 salarié·e·s du RSSS, plus de 80 % sont des femmes. Ce sont elles les principales combattantes dans la guerre contre la COVID-19.
Mais notre armée ne se bat pas à armes égales. Depuis des années, le travail de l’ensemble des personnes salariées du réseau et l’importance du système public de santé et de services sociaux ne sont pas reconnus à leur juste valeur. Les coupes budgétaires, la diminution de l’offre de services en période d’austérité et les nombreuses réformes, la dernière en particulier, ont complètement désorganisé et fragilisé le RSSS, entraînant une surcharge de travail insoutenable pour plusieurs d’entre elles. Le terrain était miné avant même le début de l’urgence sanitaire. Le nombre de personnes salariées dans le réseau qui ont recours à l’assurance salaire ou qui reçoivent des prestations d’invalidité de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a explosé au cours des dernières années.Avant la bataille, notre armée était déjà épuisée.
Pire encore, on envoie cette armée au front sans avoir suffisamment de matériel sanitaire et de protection. Combien de personnes, en très grande majorité des femmes, seront infectées par la COVID-19 avant que l’on ait mis en place les mesures de santé et de sécurité nécessaires? À la peur de contracter le virus s’ajoute celle de contaminer leurs proches et les personnes auxquelles elles prodiguent des services. Résultat : plutôt que de mettre toute notre énergie à les soutenir et à les protéger, nous devons négocier les mesures essentielles pour assurer leur sécurité.
Cette armée est sous-valorisée, sous-payée. Au Québec, le salaire des femmes et du personnel du secteur public, qui procurent des soins et des services de santé essentiels dans cette crise, accusait un retard de 6,25 % en 2019 comparé à celui des autres salarié·e·s, ce qui inclut le salaire, le régime de retraite et les autres avantages sociaux.
Cette pandémie met en lumière la valeur de notre système public de santé et de services sociaux et de celles qui en constituent sa force. Il faut arrêter de tenir pour acquis le dévouement de ces femmes qui, malgré les dangers et le manque d’équipement, se présentent chaque jour à leur poste, au front. Nous avons des troupes d’élite, traitons-les comme elles le méritent.
Signataires
Andrée Poirier, présidente, Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)
Caroline Senneville, vice-présidente, Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Sonia Éthier, présidente, Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Nancy Bédard, présidente, Fédération Interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)
Sylvie Nelson, vice-présidente, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)