Lettre signée par les présidences des centrales syndicales

Faut qu’on se parle

Le premier ministre du Québec doit indiquer rapidement de quelle façon il entend poser les fondements d’un réel dialogue social avec les acteurs socioéconomiques pour s’assurer d’une véritable adhésion du plus grand nombre de Québécoises et de Québécois.

Depuis le début de la pandémie, on mesure chaque jour l’ampleur de la crise économique à laquelle devra faire face le Québec dans les prochaines années. Plusieurs croient, une fois la pandémie maîtrisée, que le monde reprendra son cours normal. Nous ne sommes pas d’accord avec cette lecture. En plus des victimes de la pandémie, il y aura de nombreuses fermetures d’entreprises, une augmentation importante du chômage, des pans entiers de l’économie à reconstruire, des déficits budgétaires considérables. Malgré le caractère tragique de la crise, nous sommes de celles et de ceux qui y voient l’occasion d’effectuer un virage en matière de stratégie de développement économique. Toutefois, cette stratégie doit être réfléchie, planifiée et mise en œuvre dès maintenant avec tous les partenaires de la société québécoise. Voilà pourquoi nous demandons au gouvernement de François Legault de mettre rapidement en place les balises permettant un véritable dialogue social avec l’ensemble des acteurs concernés.

Nous n’avons certainement pas toutes les réponses, mais nous connaissons quelques questions qui méritent d’être posées. Nous avons également des propositions à mettre de l’avant. Bref, nous voulons être partie prenante de cette relance.

D’emblée, il nous apparaît tristement évident que des milliers de travailleuses et de travailleurs ne retrouveront pas l’emploi qu’ils détenaient il y a maintenant deux mois. D’autres, que ce soit en culture ou dans le secteur touristique, ne le reverront pas de sitôt. Le Québec devra, collectivement, traverser une importante réorganisation de son marché du travail.

La pandémie a révélé le rôle incontournable des services publics et des programmes sociaux. Cependant, cette dernière a aussi révélé à quel point les années d’austérité ont affaibli les réseaux de la santé, de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la petite enfance. De façon plus particulière, le regard lucide que pose chaque jour le premier ministre sur le sort réservé aux aîné-es confirme nos revendications des dernières années et l’urgence de revoir collectivement l’état de l’ensemble du réseau de la santé. Des réinvestissements sont toujours nécessaires, au premier chef pour consolider le réseau de la santé sur le plan des acquisitions, de l’organisation du travail, des conditions de travail, des façons de s’occuper des personnes âgées et vulnérables et des immobilisations.

Nous saluons la décision du gouvernement de contribuer activement à la reprise économique en accélérant de nombreux projets d’infrastructures, notamment en matière de transport collectif. Toutefois, cette décision, seule, n’est pas garante du succès de la relance. De nombreux secteurs auront des besoins particuliers. Des choix importants seront à faire pour soutenir la création d’emplois dans des milieux innovateurs et la nécessaire transition écologique de l’économie.

Ces choix collectifs devront être accompagnés de mesures concrètes qui permettront de soutenir nombre de travailleuses et de travailleurs dans l’acquisition de connaissances en période de transformation du marché de l’emploi. On ne s’invente pas technicien en bâtiment ou électricien du jour au lendemain. Que ce soit en matière de formation continue ou de développement professionnel, l’adéquation du marché du travail ne peut être abandonnée aux seules lois du marché. L’État québécois aura un rôle à jouer à cet égard, particulièrement par l’entremise de son réseau public d’éducation et d’enseignement supérieur — sans sous-estimer le rôle crucial que le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale ainsi que le ministère de l’Économie et de l’Innovation auront à jouer.

Ce qui nous amène à réfléchir aux défis que le gouvernement du Québec aura à relever au cours des prochaines années en matière de finances publiques. Jusqu’à maintenant, il annonce qu’il n’est pas dans son intention de résorber le déficit qui résultera des mesures d’aide aux personnes et de soutien aux entreprises par de subséquentes mesures d’austérité. Par ailleurs, nous devrons soupeser la pertinence de maintenir les transferts au Fonds des générations. Les objectifs de réduction de la dette prévus pour 2026 étant déjà atteints, la crise actuelle nous force notamment à revoir ce choix.

Les mesures temporaires d’appui aux travailleuses et aux travailleurs affectés par la crise, jusqu’ici largement assumées par le gouvernement fédéral, ne seront pas éternelles. Il y aura plusieurs laissés-pour-compte et nous devrons réfléchir à la façon de bonifier le filet de sécurité sociale.

Le gouvernement dévoilera en partie les stratégies qu’il mettra de l’avant lors de sa mise à jour économique prévue pour juin prochain. Malheureusement, rien ne nous indique qu’une véritable consultation des partenaires socioéconomiques du gouvernement québécois ne l’aura précédée.

Le premier ministre du Québec doit indiquer rapidement de quelle façon il entend poser les fondements d’un réel dialogue social avec les acteurs socioéconomiques pour s’assurer d’une véritable adhésion du plus grand nombre de Québécoises et de Québécois.

Faut qu’on se parle. De notre avenir à toutes et à tous.

Daniel Boyer, président de la FTQ
Jacques Létourneau, président de la CSN
Sonia Ethier, présidente de la CSQ
Luc Vachon, président de la CSD

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