Les slogans retentissent au son des crécelles et des nombreux klaxons devant la totalité des centres hospitaliers du Québec. Même si les travailleuses et les travailleurs en santé et services sociaux doivent maintenir des services essentiels durant les journées de grève, leur nombre sur les lignes de piquetage est impressionnant lorsqu’on le compare aux précédentes grèves dans ce secteur.
Les dispositions législatives encadrant les services essentiels ont été modifiées en 2019 grâce aux démarches entreprises par la CSN, alors que la Cour suprême du Canada reconnaissait la constitutionnalité du droit à la grève. Non seulement le temps de travail est abaissé pour la majorité des salarié-es, mais de nouvelles dispositions obligent tous les cadres à « descendre sur le plancher » pour prendre en charge des tâches essentielles. En résulte une augmentation marquée de la participation des membres à leur conflit de travail ; pour une première fois depuis longtemps, ces derniers ont l’occasion de faire de la grève un levier puissant.
Les effets de cette augmentation du temps de grève se font sentir sur tout le réseau de la santé et des services sociaux. Des rendez-vous sont annulés, des cliniques de consultation externe réduisent la cadence de leurs activités, les blocs opératoires reportent des chirurgies non urgentes et les visiteurs n’ont plus accès aux services alimentaires. La pression est considérable et pour les gestionnaires, elle débute avant même le déclenchement d’une journée de grève.
En effet, à la réception des avis de grève envoyés environ 10 jours avant le débrayage, les employeurs doivent se mettre à pied d’œuvre pour transmettre à la partie syndicale toutes les données afin que le temps de grève soit identifié pour chaque membre. L’affaire peut sembler simple, mais ce serait mal connaître le réseau. Les formats des horaires reçus par les syndicats ne sont pas toujours conformes et il faut intégrer rapidement les changements d’horaires qui surviennent souvent quelques heures à peine avant le déclenchement de la grève.
Derrière l’effervescence des lignes de piquetage, ce sont des dizaines de militantes et de militants qui redoublent d’ardeur, travaillant jour et nuit, souvent dans l’ombre, pour ajuster les heures de grève de milliers de membres et pour corriger les erreurs des directions, qui soumettent souvent des documents brouillons. Pire encore, des employeurs décident parfois de faire fi des décisions du Tribunal administratif du travail, obligeant les syndicats à prendre des mesures légales pour faire respecter leur droit de grève.
Ce sont toutes ces personnes qui ont permis de redonner à la grève ses effets souhaités dans un secteur rempli de contraintes.