Blogue de Pierre Patry
Au cours des dernières semaines, les différentes mesures annoncées par les gouvernements fédéral et provincial illustrent bien combien il est légitime de douter de leur réelle volonté d’effectuer un changement de cap sur les questions environnementales.
Le gouvernement libéral de Justin Trudeau a fait siennes les cibles de réduction des gaz à effet de serre (GES) peu ambitieuses du gouvernement Harper. Si l’on veut atteindre les objectifs de l’accord historique de Paris adopté lors de la COP21 en 2015, cette cible doit être considérée comme une valeur plancher qui devra devenir plus contraignante. Pire encore, en approuvant des projets d’oléoduc comme celui de Kinder Morgan, le gouvernement nous éloigne de ces cibles. Enfin, la décision controversée de Justin Trudeau d’aller de l’avant sur les questions d’oléoduc sans le consentement éclairé des nations autochtones va à l’encontre de ses engagements électoraux sur le mode de gouvernance et la réconciliation avec les premiers peuples du Canada.
Au Québec, ce n’est guère mieux. Bien que nous nous soyons dotés de cibles ambitieuses de réduction de GES, le gouvernement de Philippe Couillard vient d’adopter sous le bâillon une loi qui favorise l’exploitation des hydrocarbures, ce qui est totalement incompatible avec ces cibles. Pourtant, plusieurs voix s’étaient élevées pour demander de scinder en deux le projet de loi afin d’adopter rapidement la partie sur la transition énergétique et de prendre le temps de débattre du volet concernant l’exploitation des hydrocarbures. Encore une fois, le gouvernement a fait la sourde oreille et a fait fi des règles démocratiques élémentaires.
Conférence des parties (COP) et emplois
La communauté internationale s’est réunie le mois dernier à Marrakech pour la 22e ronde des négociations climatiques de la Conférence des parties (COP) des Nations unies. Après l’adoption de l’entente de la COP21 pour limiter la température mondiale au-dessous des 2 °C, le travail ardu et technique pour réaliser cet objectif devait se mettre en branle lors de cette rencontre.
Cette rencontre s’est déroulée dans le contexte particulier où les Américains ont élu un climatosceptique grandiloquent à la présidence des États-Unis, le lendemain même de l’ouverture de la COP22.
Le temps de parler de la transition juste
La Confédération des syndicats nationaux (CSN), de même que la Confédération syndicale internationale (CSI), est présente lors des négociations climatiques de la COP depuis 2009. Une des priorités du mouvement syndical sur la question environnementale est la mise en application d’une « transition juste » qui se ferait avec l’appui, l’expertise et la participation des travailleuses et des travailleurs afin de décarboniser notre économie et d’ouvrir la voie à des énergies renouvelables.
Bien que la CSN et la CSI martèlent l’importance d’une transition juste depuis plusieurs années, ce n’est que récemment que la place des travailleuses et des travailleurs dans la lutte contre les changements climatiques suscitent l’intérêt d’un nombre important des acteurs concernés lors des négociations climatiques. Antérieurement, nos ateliers sur la transition juste peinaient à attirer les délégué-es des COP. Avec l’inclusion de la transition dans le préambule de l’entente de Paris, il y a de plus en plus d’appétit de la communauté internationale pour débattre sérieusement de la question. D’ailleurs, une conférence qui touchera uniquement la question de la transition juste se tiendra dans quelques mois à Bonn en Allemagne.
Cette vague d’intérêt s’explique par le fait que les acteurs politiques ne peuvent plus ignorer les craintes légitimes des travailleuses et des travailleurs œuvrant dans les secteurs polluants visés par le passage à une économie plus verte. L’élection du controversé magnat de l’immobilier à la présidence des États-Unis en est une illustration. Il a su exploiter l’insécurité économique des mineurs de charbon et des travailleurs du secteur pétrolier. Son élection est due en partie à l’échec de nos mouvements et des politiciens progressistes à bien articuler la nature même de la transition juste. Les travailleuses et les travailleurs ne veulent pas être des spectateurs ignorés lors de la mise en œuvre des efforts titanesques que les pays doivent entreprendre pour diminuer les effets dévastateurs des changements climatiques sur la planète.
Comment allons-nous nous assurer que ces travailleurs pourront recevoir les formations nécessaires pour combler les besoins de nouveaux emplois nés de cette transition écologique? Quelles mesures financières allons-nous proposer pour que les travailleurs à la veille de la retraite ou qui éprouvent des problèmes d’apprentissage ne se retrouvent pas dans une situation économique précaire à la suite de la décroissance de leurs secteurs d’emploi? La probabilité de garder le réchauffement climatique à moins de 2 °C demeurera à risque sans l’adoption de politiques pour répondre à ces questions et préoccupations de millions de travailleurs. L’heure est à l’action et la CSN continuera de proposer sur toutes les tribunes pertinentes des pistes de solution pour résoudre cette problématique d’envergure.