Puisque c’est la rentrée, ce n’est pas un, mais deux titres qui vous sont proposés. Dans l’ordre ou le désordre, les chapitres entremêlés de deux essais québécois, a priori aux antipodes, s’unissent finement en un seul filet d’huile — l’une plus piquante, incisive et lyrique, l’autre plus philosophique, à la fois théorique et pragmatique. Les luttes fécondes — Libérer le désir en amour et en politique, de Catherine Dorion, et Agir ensemble — Penser la démocratie syndicale, de Christian Nadeau, se combinent fort bien pour alimenter la réflexion quant à notre démocratie syndicale.
Si Dorion place l’individu avant tout au cœur des luttes à mener, c’est qu’elle croit fermement que sa mobilisation passe par la prise de conscience de cette énergie — nommée désir, contenue en chacun de nous, et qui n’aspire qu’à être libérée pour se déployer, créer et lutter. Nadeau, de son côté, faisant le constat que « nos démocraties marchent sur une seule jambe », parce qu’elles s’expriment surtout par les mécanismes représentatifs au sein de nos instances syndicales, plaide pour davantage de mécanismes délibératifs, c’est-à-dire de participation. Cela « implique de construire des lieux d’échanges indépendants, dynamiques et novateurs » en marge des instances formelles. Pour le philosophe, les principales menaces au monde syndical sont internes : il fait la démonstration qu’en alliant ces deux modèles, on pourrait en atténuer les effets. « Le syndicalisme est une lutte collective. Pour agir ensemble, il faut penser ensemble. Et penser ensemble implique de parler entre nous. » Ainsi, c’est par la voie des interactions entre individus que peut s’exprimer l’action collective. Voilà qu’apparaît la trame commune aux deux ouvrages.
Bien que leurs parcours diffèrent grandement (l’une davantage artiste, l’autre professeur), les deux militants semblent ici poursuivre le même but : réformer par l’intérieur (l’organisation, l’individu) en laissant s’exprimer le désir de participer au changement, de « transformer la discontinuité en continuité, les petits points isolés en étendue », et aussi permettre aux « révolutions de prendre pied » (Dorion).