Point de rencontre

Donner une voix à la diversité

Depuis sa fondation, la CSN en a fait du chemin en matière d’ouverture à la diversité.

Par Julie Mercier

De la catholique et « canadienne française » Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC) à la plus moderne Confédération des syndicats nationaux (CSN), l’organisation s’est ouverte à la diversité culturelle, nationale, sexuelle et de genre.

Dans les années 20, le clergé est fermé à l’immigration de confession non catholique, qu’elle soit francophone ou anglophone. Les décennies qui suivent sont marquées par une plus grande ouverture de la CTCC. Les dirigeants voient bien qu’il s’agit d’une question de survie et que plane le risque de perdre notamment la grande région de Montréal.

Entre le 1er décembre 1951 et le 1er octobre 1952, le service des immigrants de la CTCC accueille dans ses bureaux de Montréal environ 6 000 immigrantes et immigrants à qui l’on fournit des renseignements, des lettres de recommandation, voire une aide financière et des emplois. « Un tel effort d’assistance a valu à la CTCC de nombreuses adhésions de ces Néo-Canadiens », peut-on lire dans Le travail en 1952.

Toujours de son temps
À la fin des années 80, la majorité des travailleuses et des travailleurs immigrants touchent encore un salaire qui ne correspond pas à leur formation et sont victimes de pratiques discriminatoires au travail. En 2019, la CSN adopte la Déclaration contre le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie. Cette année coïncide avec l’arrivée de Ramatoulaye Diallo à la trésorerie du Conseil central du Montréal métropolitain–CSN. L’implication syndicale de la femme originaire de la Guinée remonte à 2007, après qu’elle se soit fait « passer un sapin » en devant travailler à Noël et au Jour de l’An. Cet horaire contrevenait à sa convention collective, qui prévoyait une seule journée de travail lors de ces deux jours fériés. « Les immigrants cumulent souvent les emplois et n’ont pas le temps de s’impliquer », souligne-t-elle. « Des outils sont de plus en plus créés pour faciliter leur intégration sociale et leur inclusion syndicale. Il faut éviter qu’il y ait deux catégories de travailleurs ! » Cette préoccupation est croissante dans les syndicats CSN, alors que le marché du travail favorise la précarité et l’inégalité des droits des personnes immigrantes en faisant appel au programme de travailleuses et de travailleurs étrangers temporaires plutôt qu’à l’immigration permanente.

Femme de chambre lors d’une manifestation dans l’hôtellerie, dans les années 1980.

Dès 1993, le président de la CSN de l’époque, Gérald Larose, ainsi que Romeo Saganash, alors grand chef adjoint du Grand Conseil des Cris de la Baie James, dirigent le Forum paritaire québécois-autochtones dans le but d’établir un nouveau contrat social entre les deux peuples. Au début des années 2000, des ententes sont signées entre la CSN et des groupes de défense des droits des autochtones. « Ces initiatives ont permis de développer la solidarité au niveau local », résume la directrice générale de l’Observatoire québécois des inégalités, Nathalie Guay, qui a œuvré à la CSN comme conseillère à la recherche et adjointe au comité exécutif.

La CSN a aussi joué un rôle actif dans l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones par le Canada et le Québec.

Fierté syndicale
Tout au long de son existence, la CSN a multiplié les tribunes pour faire valoir les droits des gais et des lesbiennes. Line Chamberland a fait partie des toutes premières luttes en ce domaine. En 1988, la professeure du cégep Maisonneuve prend part à la fondation du premier groupe gais et lesbiennes de la CSN. Le comité se voit ainsi confier un mandat d’enquête pour mettre en lumière la réalité des gais et des lesbiennes. « À cette époque, juste aller aux rencontres du comité, c’était un coming-out. On voulait sortir du silence, briser le tabou », se rappelle Mme Chamberland.

Fierté Montréal, août 2019. // Laurence Philemon

L’enquête du comité révèle des faits troublants. Outre les moqueries et les paroles dénigrantes dont ces personnes sont fréquemment la cible, plusieurs gais et lesbiennes sont victimes de congédiements, de refus d’embauche ou de mesures disciplinaires pour des raisons fallacieuses. L’absence de reconnaissance des conjointes et conjoints de même sexe mène à de tristes injustices. Des gens se voient refuser une journée de congé pour assister aux funérailles de leur conjoint. D’autres perdent même la garde de leurs enfants.

En 1988, le Front commun arrache la reconnaissance des conjoints de même sexe dans la fonction publique. Or, la discrimination, la violence et le harcèlement règnent toujours dans certains milieux.

En outre, toutes les communautés, qu’elles soient gaie, lesbienne, bi, trans ou non-binaire, vivent leur lot de difficultés. Les revendications prennent donc de nouvelles formes et encore bien des batailles restent à mener. « Des aménagements tels que des congés de paternité pour les deux pères d’un couple ou des congés médicaux pour les gens qui font une transition de genre pourraient être mis en place », précise l’ex-titulaire de la Chaire de recherche sur l’homophobie de l’Université du Québec à Montréal.

 

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