Budget du Québec

Des réinvestissements qui ciblent les mauvaises priorités

Le premier budget de la Coalition avenir Québec, déposé en mars dernier, en a surpris plus d’un : les réinvestissements budgétaires ont été plus grands qu’anticipés. La CSN se questionne toutefois sur les priorités du gouvernement et le cycle budgétaire annoncés par le nouveau ministre des Finances.

Par François L’Écuyer

La scène avait ce quelque chose d’ironique : à peine quelques minutes après qu’Éric Girard eut présenté son budget aux représentants des médias, reclus près de l’Assemblée nationale, les députés libéraux Carlos Leitão et Gaétan Barrette tentaient de convaincre ceux-ci qu’ils auraient tout autant dépensé les surplus budgétaires que le nouveau gouvernement. Normal, affirmaient-ils aux journalistes, il s’agit des surplus qu’ils ont eux-mêmes engendrés. Alors, hein ?

Force est d’admettre que le ministre des Finances, après avoir scrupuleusement respecté ses obligations quant au remboursement de la dette à la hauteur de 2,5 milliards, a utilisé la totalité des 1,7 milliard de surplus budgétaires à sa disposition.

Mais pour le président de la CSN, les priorités du gouvernement ratent la cible : elles n’apportent pas les solutions durables qui permettraient de renflouer le réseau public et de régler les problèmes qui l’accablent.

« Il faut d’abord reconnaître qu’une très grande partie des réinvestissements répond à trois promesses électorales de la CAQ : les maternelles 4 ans, les maisons pour les aîné-es et la réduction de la taxe scolaire, affirme Jacques Létourneau. Or, ces choix sont encore grandement débattus au Québec et sont loin de faire l’unanimité. Le premier ministre n’est plus en campagne : il doit aujourd’hui gouverner pour l’ensemble de la société québécoise. »

À elles seules, fait-il remarquer, les maisons pour les aîné-es accaparent près de la moitié des réinvestissements en santé pour ne créer que 2600 places. La réduction de la taxe scolaire, bien que totalement assumée par Québec, amputera néanmoins son budget, à terme, de l’ordre de 800 millions de dollars. Par ailleurs, le déploiement des maternelles 4 ans force le ministre des Finances à anticiper d’importants investissements immobiliers afin de prévoir les salles de classe nécessaires.

« Nous n’avons jamais été contre les maternelles 4 ans. Nous croyons néanmoins que son déploiement mur à mur est loin d’être la meilleure façon d’aider nos tout-petits. Imaginez si toutes ces sommes avaient été investies pour créer de nouvelles places en CPE et en milieu familial ; ce réseau possède les installations nécessaires et peut compter sur le personnel le plus qualifié pour répondre aux besoins de la petite enfance. Le gouvernement aurait pu embaucher des centaines de spécialistes pour détecter les troubles d’apprentissage dès le plus jeune âge. Le choix de François Legault d’investir dans du béton pour respecter à la lettre une promesse électorale largement contestée est regrettable », se désole le président de la CSN.

« Les libéraux ont coupé dans nos écoles, dans nos hôpitaux et dans nos CHSLD pour parvenir à ces surplus. On a supprimé des postes, on n’arrive plus à recruter de la main-d’œuvre et tout ça finit par alourdir la tâche des salarié-es du secteur public. Oui, le gouvernement réinvestit les surplus, mais vraiment pas aux bonnes places ! », laisse tomber Jacques Létourneau.

Du go-and-stop ?
En prévoyant une croissance des dépenses de l’ordre de 5,4 % en santé et services sociaux et de 5,1 % en éducation, le gouvernement couvre l’expansion des coûts liés à ces systèmes, estiment les analystes. Le hic, pour Pierre Patry, trésorier de la CSN, est que cette croissance des dépenses n’est bonne que pour la première année.

« Dès 2020-2021, les caquistes prévoient une croissance des dépenses qui ne parviendra pas à couvrir les coûts de système et le vieillissement démographique. Après le stop-and-go auquel nous avaient habitués les libéraux, la CAQ nous annonce du go-and-stop, c’est-à-dire une forte croissance des dépenses cette année et un nouveau ressac budgétaire dès l’an prochain. En somme, une nouvelle période d’austérité où l’État québécois, en fonction de la croissance normale des dépenses, ne parviendra plus à offrir le même panier de services à la population », souligne Pierre Patry.

L’environnement est le grand perdant de ce budget, déplore le trésorier. « Il est atterrant de constater qu’après avoir abandonné les objectifs de 2020, aucune cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre ne figure à l’ordre du jour du nouveau gouvernement. »

La CSN voit néanmoins d’un bon œil le relèvement de l’enveloppe d’Investissement Québec, qui pourrait avoir jusqu’à cinq milliards à investir dans plusieurs secteurs de l’économie. De cette somme, un milliard pourrait être consacré à protéger les sièges sociaux québécois et favoriser les entreprises stratégiques.

« François Legault semble répondre adéquatement à ses engagements économiques, reconnaît Pierre Patry. Le gouvernement doit s’assurer de pouvoir jouer un rôle interventionniste afin de préserver nos emplois et nos entreprises, particulièrement dans un contexte où les accords internationaux minent sa capacité à favoriser nos industries locales. Nous l’avons vu avec Bombardier, avec SICO et avec Vélan, encore tout récemment. François Legault se définit comme nationaliste économique, il doit aujourd’hui en faire la preuve. »

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