Peu trouvent l’argument convaincant, d’autant que les pratiques budgétaires reprochées au gouvernement de Dilma sont fréquentes. Mais c’était la seule manœuvre qui pouvait permettre à ses adversaires de renverser le gouvernement alors que le PT perdait ses appuis politiques, un objectif devenu évident au courant de la dernière année.
Le contexte politique récent a été marqué par le scandale de Petrobras, la compagnie nationale de pétrole, dans lequel plusieurs élus des différents camps font l’objet d’une enquête, ou sont déjà derrière les barreaux pour avoir reçu des pots-de-vin. Le tout survient dans un contexte économique très difficile, après des années d’attaques des partis de droite et des grands médias contre le PT qu’ils tentent de discréditer pour cause de corruption et pour leur gestion de l’économie et des finances publiques.
Le gouvernement de Dilma n’a pas échappé au scandale de la corruption, pas plus que les forces qui en ont finalement eu raison ! Eduardo Cunha, président de la Chambre des députés, est accusé de corruption et de blanchiment d’argent en Suisse. Michel Temer du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB), allié du PT jusqu’à la fin mars 2016, accède maintenant à la présidence du pays. Il fait également l’objet d’une enquête dans le scandale de Petrobras.
Pour plusieurs organisations brésiliennes, dont nos camarades de la Centrale unique des travailleurs (CUT), c’est un véritable coup d’État que subit la jeune démocratie brésilienne. Elles dénoncent vertement les manœuvres d’une droite impatiente de reprendre le pouvoir après 14 ans de gouvernement du PT. Certes, le bilan du PT n’est pas parfait et les critiques fusent aussi à gauche : alliance avec la droite empêchant des réformes importantes (terres agricoles, système électoral, communications), sommes astronomiques dépensées pour la Coupe du monde et les Jeux olympiques, etc.
Des avancées majeures
Mais il y a aussi bon nombre de réalisations positives depuis 14 ans qui ont permis de diminuer les inégalités. Ainsi, 22 millions de personnes ont fui la pauvreté extrême et 35 millions d’autres ont rejoint les rangs de la classe moyenne, des centaines d’écoles et 14 universités ont été construites, 20 millions d’emplois officiels ont été créés, etc. Le gouvernement du PT a aussi encouragé l’intégration régionale en Amérique latine sur la base d’un autre modèle de développement économique et social, ainsi que le renforcement du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, South-Africa/Afrique du Sud) face au bloc dominant contrôlé par les États-Unis dans la joute géopolitique mondiale.
Le nouveau gouvernement a déjà annoncé qu’une de ses priorités était l’adoption d’une loi qui permettra la sous-traitance dans toutes les entreprises et dans le secteur public. Ainsi, nos camarades craignent non seulement une régression de la démocratie au Brésil, mais aussi des reculs quant aux conditions de vie et de travail, des obstacles à l’action des mouvements sociaux et du mouvement syndical et un changement d’orientation qui amènerait le Brésil, ainsi que d’autres pays de la région où la droite a repris le pouvoir (Argentine) ou pourrait le récupérer (Venezuela), à intégrer l’Amérique latine dans l’alliance néolibérale dominée par les États-Unis, qui se consolide notamment avec de nombreux accords commerciaux.
Le démantèlement du bloc progressiste au Sud, le seul véritable dans le monde, risque de renforcer l’alliance néolibérale et de réduire le nombre d’États qui défendent les droits de la personne et syndicaux face aux entreprises, dans les institutions internationales, mais surtout dans leur pays. Mais ne sous-estimons pas la force et la vitalité des mouvements sociaux brésiliens et argentins, ainsi que leur détermination à freiner les avancées de la droite.