Dans son ensemble, la CSN accueille favorablement les modifications proposées à la Loi sur les normes du travail (LNT). Cependant, lorsqu’il est question des normes du travail, il importe de regarder les problèmes sous plusieurs angles afin de trouver les solutions les plus appropriées. C’est pourquoi la CSN, de passage à la commission parlementaire sur les modifications à la LNT adopte une approche proactive et propose d’aller un peu plus loin sur certains enjeux précis.
« D’entrée de jeu, on constate qu’un chantier sur la conciliation famille-travail-études a été lancé dans le cadre de cette réforme, explique Caroline Senneville, 1re vice-présidente de la CSN. Nous saluons le travail du gouvernement qui fait un pas dans la bonne direction en imposant la rémunération pour deux des dix jours de congé pour maladie ou obligations familiales prévus à la loi. La LNT constitue le contrat de travail des salarié-es les plus vulnérables de la société et nous sommes d’avis que toute perte de revenu constitue un obstacle majeur à la prise de congé pour plusieurs d’entre eux. Nous croyons que le gouvernement devrait même aller un peu plus loin et augmenter le nombre de journées rémunérées, afin de donner une réelle chance aux travailleuses et aux travailleurs qui se retrouvent sans traitement alors qu’ils doivent prendre soin de leur santé ou de celle de leur famille. »
« Pour ce qui est des horaires et des heures de travail, nous sommes heureux de constater qu’une personne salariée pourra refuser de travailler plus de deux heures au-delà de ses heures habituelles quotidiennes, plutôt que l’actuel “quatre heures”, souligne Caroline Senneville. Cependant, la LNT ne prévoit toujours pas qu’on puisse refuser ces heures sans condition, un problème qui pourrait être réglé aisément. D’un autre côté, nous croyons que la modification voulant que les employé-es aient maintenant le droit de refuser du travail offert moins de cinq jours à l’avance est insuffisante. La loi doit prévoir une mécanique claire permettant aux travailleuses et aux travailleurs de connaître leur horaire de travail cinq jours à l’avance. Pour l’instant, le projet de loi fait reposer le choix de refuser des heures de travail sur les épaules des salarié-es, et la LNT ne prévoit aucune garantie que les heures ainsi refusées pourront être reportée. Dans une optique d’amélioration de la conciliation famille-travail-études, il faut que la LNT permette réellement aux salarié-es d’organiser leur vie familiale à l’avance. Finalement, concernant les heures de travail, le gouvernement doit mettre en place des règles de déconnexion, faisant en sorte qu’un salarié ait le droit d’être coupé de toutes communications relatives à son travail en dehors de ses heures de travail. Le projet de loi privé sur le droit à la déconnexion est une avenue intéressante à ajouter aux modifications à la LNT. »
« La conciliation famille-travail-études est une réalité du travail d’aujourd’hui qui prend de plus en plus de place, notamment avec l’arrivée des jeunes sur le marché du travail et la réalité de plusieurs emplois qui changent et qui comportent des horaires élargis et une connexion permanente avec les employé-es. Dans ce contexte, le travail de réforme du gouvernement est intéressant, mais ce dernier doit pousser sa réflexion jusqu’au bout et faire les choix qui s’imposent pour réellement donner à la main-d’œuvre d’aujourd’hui une loi claire qui la protège sans retenue », ajoute Caroline Senneville.
Autres modifications à la LNT
Le projet de loi ne se limite pas qu’à la condition famille-travail-études, plusieurs autres aspects sont abordés. Sans entrer dans le détail pour chacun de ces points, la CSN tient à en souligner quelques-uns.
« Pour ce qui est des pourboires, nous réitérons qu’il est impensable de modifier l’article 50, insiste Caroline Senneville. Ce qui est perçu par certains comme une mesure de valorisation des métiers aurait comme conséquence de répartir les pourboires de façon arbitraire. Des solutions plus appropriées sont mises de l’avant par la CSN et permettraient de répondre adéquatement aux problèmes d’attraction et de rétention dans ce milieu. »
« La CSN appuie également plusieurs mesures concernant les disparités de traitement, poursuit Caroline Senneville. Nous saluons notamment la modification qui interdirait que le taux de salaire, la durée et l’indemnité de vacances soient réduits uniquement sur la base de la différence de statut entre des salarié-es travaillant à temps partiel ou à temps plein. Il en va de même pour l’élargissement de la loi afin que l’ensemble des avantages sociaux soit pris en considération lorsqu’il est question de disparité de traitement. Cependant, nous considérons que l’article 46 du projet de loi continue de légitimer certaines situations discriminatoires et illégales existantes. Cette situation maintiendra des iniquités pour plusieurs travailleuses et travailleurs qui les subissent. Sans que les mesures de la LNT soient applicables de manière rétroactive, nous croyons que les modifications devraient comprendre une mention claire selon laquelle la distinction fondée sur la date d’embauche concernant les régimes de retraite ou les avantages sociaux doit se résorber rapidement. »
« Finalement, la CSN apprécie l’effort consenti par le gouvernement pour mieux encadrer les agences de placement et élargir la défense des travailleurs étrangers temporaires, continue Caroline Senneville. Par exemple, l’ajout de mesures qui assurent aux salarié-es d’agence un taux de salaire identique à celui payé à celles et ceux de l’entreprise cliente pour effectuer les mêmes tâches dans le même établissement est un pas dans la bonne direction. Cela dit, en ce qui concerne les agences, la loi prévoit actuellement que le gouvernement pourra établir des règlements concernant plusieurs aspects de la relation entre agence et entreprise cliente. Nous croyons que toutes les mesures devraient être encadrées par la loi plutôt que par voie réglementaire afin d’uniformiser les conditions applicables aux agences, aux entreprises clientes et aux travailleuses et travailleurs des agences. »
« La CSN défend les travailleuses et les travailleurs du Québec et reconnaît qu’un effort est fait pour améliorer la protection minimale qu’offre la LNT, mais il faut aller plus loin », conclut Caroline Senneville.