Lutte pour l'environnement

De la santé à la transition juste

Sans l’ombre d’un doute, la lutte pour une transition juste occupera aussi une place importante dans les priorités du mouvement au cours du prochain siècle.

Par Mathieu Murphy-Perron

En luttant pour leur santé, les travailleurs de l’amiante ne se doutaient pas que leur préoccupation était annonciatrice des luttes actuelles sur les droits du travail et de la justice climatique. Plus contemporain, le combat des travailleurs sylvicoles pour de meilleures conditions de travail concerne aussi la question de la transition juste. Fenêtre ouverte sur l’évolution des revendications de la CSN en matière d’environnement.

La grève de l’amiante de 1949 a marqué l’his­toire de la CSN et du syndicalisme au Québec. Les images de la résistance acharnée des mineurs, de l’intransigeance des patrons, de la violence inouïe du gouvernement Duplessis ainsi que des confrontations avec les forces de l’ordre et les scabs se sont imprégnées dans l’imaginaire collectif. Oui, ces travailleurs luttaient surtout pour de meilleurs salaires, mais ils revendiquaient aussi des mesures pour limiter la poussière d’amiante qui les rendaient malades.

« Les décès liés à l’exposition à l’amiante sont très pénibles, » explique Anne Lagacé Dowson, journaliste et militante syndicale détenant une maîtrise en histoire du syndicalisme. « Avant la grève de l’amiante, il était inconcevable de négocier des dispositions pour protéger la santé des travailleurs. Ces luttes ont permis aux syndicats de faire le lien entre l’environnement et la santé de leurs membres. »

Les mineurs ont attendu près de vingt ans avant d’obtenir des gains concernant les dangers environnementaux rattachés à leur travail. En 1975, une étude révèle que 61 % d’entre eux souffrent d’amiantose. L’amiante n’est pas seulement dommageable pour les travailleurs, elle l’est également pour la population de la région. La grève est déclenchée et servira d’élé­­ment catalyseur à la création de la Loi sur la santé et la sécurité du travail ainsi qu’aux mouvements citoyens pour l’environnement.

L’avenir est en jeu
Les dangers posés par les contaminants toxi­ques dans les milieux de travail continuent d’être un enjeu d’envergure pour le mouvement syndical, tel qu’illustré par les débats autour de la Fonderie Horne. Sans l’ombre d’un doute, la lutte pour une transition juste occupera aussi une place importante dans les priorités du mouvement au cours du prochain siècle. En effet, le chaos climatique imposera des changements importants dans divers secteurs d’emplois. En ce sens, les travailleuses et les travailleurs doivent être à la table pour contribuer à la sortie de crise.

Et la sylviculture ?
Au Québec, peu de secteurs sont aussi touchés par les bouleversements climatiques que celui de la sylviculture. Pourtant, la forêt a un rôle primordial à jouer pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. C’est la raison pour laquelle les gouvernements souhaitent planter une énorme quantité d’arbres au cours des prochaines années. En 2019, Justin Trudeau visait 2 milliards d’arbres de plus au Canada d’ici 2030. Or, en 2021, moins de 0,5 % de la cible était atteinte.

Les canicules ne sont pas le seul obstacle auquel les travailleurs sylvicoles sont confrontés. La relève n’est pas au rendez-vous en raison de la dévalorisation de leur métier et des piètres conditions de travail. Cette lutte pour de meilleures conditions ne date d’ailleurs pas d’hier. Dans une lettre datée de 1948, Mgr Labrie, évêque du diocèse du Golfe Saint-Laurent, déplorait déjà la destruction des forêts et le mépris de la profession de bûcheron. En réponse à ces enjeux, il recommandait « des programmes scolaires pour favoriser la conservation des ressources grâce aux méthodes de sylviculture et une reconnaissance professionnelle des bûcherons ». Cette proposition fut reprise par le congrès de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (ancêtre de la CSN).

Serge Desrosiers, président du Syndicat national de la sylviculture–CSN, conclut : « C’est nous, les travailleurs sur le terrain, qui comprenons les problèmes et qui avons des solutions à apporter. Mais ça fait des décennies que les décideurs n’écoutent que les employeurs. Et on s’étonne que personne ne souhaite faire ce métier ? C’est pour ça qu’il nous faut une transition juste : pour qu’on ait une place à la table afin de discuter de l’avenir de nos jobs. On ne le dira jamais assez : rien sur nous, sans nous.

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