Depuis quelques années, je contribue à la chronique « À la librairie CSN ». Ça fait partie de ma job, pourrais-je dire : je travaille à la Documentation–CSN. Alors que j’étais plongée dans une lecture, disons cérébrale, j’ai appris que la CSN s’apprêtait à publier les écrits d’un gars de notre organisation. Je vous avoue que je n’ai pas été tentée spontanément : le titre me parlait peu (et si c’était écrit en joual, ai-je pensé). Mais c’était avant d’avoir la plaquette entre les mains… Puis, j’ai été conquise ! Tout sourire, j’ai commencé à lire.
Les mots d’un gars de shop, c’est un recueil de 28 chroniques et quelques nouvelles parues entre 2001 et 2016, dans le journal du Conseil central de Lanaudière–CSN. Le gars, c’est Alain Longpré, de Saint-Gabriel-de-Brandon, élu du conseil central depuis près de 20 ans. La shop, c’est la Bridgestone-Firestone, mais ç’aurait pu être ailleurs : il arrive que la conscience ouvrière ouvre la voie à l’action syndicale. La trentaine de textes, c’est autant de cadeaux qui mettent en relation l’individu dans sa communauté avec les forces agissantes qui le forment, le transforment et donnent sens à sa vie.
Dans chaque histoire se raconte l’humanité : la dignité écorchée, la bonté et la générosité exprimées, l’humilité du geste posé, la colère manifestée, l’injustice dénoncée, la sensibilité à l’Autre, la solidarité. La phrase est simple et courte, syncopée ; l’image, forte, comme celle d’une chanson réaliste. Mais aussi le plaisir des sens, renouvelé : au gré des pages, j’ai entendu Lucette parler à sa pigeonne ; j’ai senti, puis goûté la pluie fine au travers des arbres ; j’ai touché la pierre d’Alphonse sur laquelle des ouvriers ont gravé le mot solidarité ; et au garage Brousseau, j’ai vu, moi aussi, mon premier Attikamek. En filigrane, on voit poindre les enjeux qui tiennent en alerte notre gars, toujours prêt à s’indigner, pour mieux dénoncer. Parce que Les mots d’un gars de shop, ce n’est pas qu’un Longpré tranquille.