Bien que des centaines de militantes et de militants provenant d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie ont vu leurs demandes de visa refusées ou bloquées, près de 35 000 personnes ont participé à l’édition montréalaise du FSM, une première dans un pays du Nord.
Le blocus du mouvement libre
Le succès du FSM est indéniable à plusieurs égards, mais la vague de refus de visas a jeté une ombre sur l’ensemble des activités de ce rassemblement historique. Si Justin Trudeau affirme vouloir faire rayonner le nouveau visage accueillant et souriant du Canada, son manque de leadership dans la tenue du forum a entaché la réputation du pays pour les milliers de participantes et participants venus à Montréal discuter autour de possibles solutions pour créer un monde meilleur, et surtout pour ceux qui n’ont pu s’y rendre.
L’indifférence d’Immigration Canada et du gouvernement fédéral a été vivement dénoncée par le Collectif FSM 2016 et plusieurs acteurs de la société civile, incluant la cinéaste, auteure et militante altermondialiste, Naomi Klein. « Ceci n’est pas le premier Forum social mondial dans un pays du Nord. C’est le premier Forum social du premier monde », a-t-elle dénoncé lors de sa grande conférence Changer le système, non le climat. « Le comportement des autorités canadiennes est complètement honteux et ne soyons pas surpris si ce FSM est le dernier dans le Nord. »
Malgré sa colère sur la question des visas, la célèbre altermondialiste et environnementaliste convient tout de même de la nécessité d’organiser des espaces de convergence comme celui du FSM. « Au Canada, nous luttons pour stopper un avenir économique défini par l’extractivisme. Le FSM nous permet de constater que nous ne luttons pas uniquement contre ces projets au Canada, mais également contre ce que les compagnies minières canadiennes font à l’étranger, notamment en Amérique latine et en Afrique. Nous nous devons d’être solidaires avec les gens qui risquent leur vie pour contrer ces compagnies minières », poursuit Naomi Klein. Ici, au FSM, nous avons l’occasion de tisser des liens entre nos mouvements et de défendre notre vision du monde. Nous avons très peu de lieux où nous pouvons discuter de ce que nous voulons amener comme solutions de rechange. Donc, un espace comme le FSM a énormément de valeur. C’est chaotique, oui, mais c’est tellement nécessaire ! »
Quartier ouvrier solidaire
Pour sa part, le mouvement syndical québécois a accueilli plus d’une soixantaine d’organisations syndicales internationales dans le cadre des activités du FSM. Les groupes du Quartier ouvrier (QO) ont organisé plus de 125 événements touchant le monde du travail, dont le revenu décent, la transition écologique juste, les paradis fiscaux, la conciliation famille-travail-études, la privatisation des services publics, la lutte de la classe ouvrière palestinienne et les défis de la solidarité syndicale Nord-Sud.
La CSN et ses organisations affiliées étaient au front des activités du QO, agissant en tant qu’organisatrices ou participantes dans une quarantaine d’ateliers, de conférences et d’assemblées de convergence. L’atelier organisé par la Fédération de l’industrie manufacturière (FIM–CSN) examinant le rapport de force des alliances syndicales internationales fut l’une des activités marquantes du Quartier ouvrier. La FIM, accompagnée de la Confédération des syndicats chrétiens (CSC) et des Métallos, a rappelé à la salle le succès impressionnant du Syndicat des travailleurs de Kronos à Varennes (FIM–CSN) qui a conclu sa négociation grâce à la solidarité des travailleuses et des travailleurs de Belgique, de Norvège, d’Allemagne, et du syndicat de Rio Tinto à Alma.
L’importance de s’ouvrir au monde
Pour Mélanie Turcotte, vice-présidente à l’information du syndicat des travailleuses et des travailleurs de l’Hôpital Charles-Lemoyne en Montérégie (FSSS–CSN), le FSM s’est avéré une expérience enrichissante dont elle se souviendra longtemps. « J’ai eu l’occasion de rencontrer des syndicalistes d’un peu partout : de la Tunisie, de la Belgique, du Maroc, de l’Algérie. Ça fait énormément de bien de savoir que nous ne sommes pas seuls dans les combats que nous menons, explique Mélanie Turcotte. À travers le monde, les gens se mobilisent pour les mêmes enjeux sociaux, économiques et démocratiques. Le forum, ça nous donne un regain d’énergie, ça ravive notre flamme syndicale. J’espère participer à la prochaine édition, peu importe où elle se tiendra. »
L’heure du bilan
Malgré les difficultés liées aux visas, le Collectif FSM 2016 se dit satisfait de la tournure du forum à Montréal et applaudit la volonté des participantes et participants de passer de la réflexion à l’action, tel qu’il a été convenu dans les plans d’action adoptés à l’Agora des initiatives lors de la clôture du forum. « Décider où et quand nous allons entamer les actions de transformations sociales pour que nous puissions relever les défis qui nous attendent est une étape clé dans le processus des forums sociaux », indique Raphaël Canet, co-coordonnateur général du FSM 2016. Au total, 22 assemblées de convergence se sont tenues pour traiter d’une multitude de thèmes, notamment sur la destruction des services publics, le racisme systémique, la migration, le droit à l’éducation, et la justice fiscale. Ce processus de convergence a abouti à la proposition de plus d’une centaine d’activités tant sur le plan local qu’international, dont des états généraux sur l’éducation au Québec au printemps 2017, la Journée mondiale pour l’abolition des paradis fiscaux le 10 juin 2017, et la Journée internationale pour le travail décent, en appui à la campagne pour un salaire minimum à 15 $ l’heure, le 17 octobre 2016.
Quant à la possibilité d’une future édition du FSM dans un pays du Nord, le collectif ne trouve pas l’idée si farfelue. « Au bout du compte, il n’y a pas de pays développés ou sous-développés. Il n’y a que des pays mal développés », rappelle Raphaël Canet.
1000 bénévoles
15 000 heures de bénévolat
35 000 participantes et participants de 125 pays
1200 activités autogérées
200 activités culturelles
22 assemblées de convergance