Le mot du président
C’est dans un contexte de profondes mutations de l’économie et de nos milieux de travail, qui changent la nature même du travail ainsi que notre rapport à celui-ci, que se tiendra en mai prochain le 66e Congrès de la CSN.
Notons d’abord les changements démographiques importants que traverse le Québec actuellement. Le vieillissement de la population et les nombreux départs à la retraite subséquents ont entraîné l’une des plus grandes vagues de renouvellement de main-d’œuvre de notre histoire récente. Les employeurs, tous secteurs confondus, se butent à de réels problèmes de pénurie et de rareté de main-d’œuvre. Les conséquences pour les travailleuses et les travailleurs sont loin d’être négligeables : hausse du recours aux heures supplémentaires, augmentation des charges de travail, pression pour augmenter l’âge de la retraite, pour ne nommer que celles-là.
On serait porté à croire que le mouvement syndical, dans un tel contexte, puisse tirer son épingle du jeu et améliorer les conditions de travail des travailleuses et des travailleurs. Il est vrai que certains employeurs concèdent actuellement des augmentations salariales de 4 %, 5 %, voire 6 %, afin d’améliorer leur capacité à recruter de la main-d’œuvre, mais cette situation est-elle généralisée ? D’un autre côté, doit-on craindre que les salarié-es, forts de leur propre pouvoir de négociation (« octroie-moi des vacances, boss, sinon je vais travailler chez ton concurrent »), puissent être tentés de délaisser l’action syndicale collective pour privilégier l’approche individuelle ?
Au même moment, la révolution technologique modifie grandement nos façons de travailler. L’arrivée du numérique, de la robotique et de l’intelligence artificielle n’a pas entraîné les pertes d’emplois que certains craignaient, mais elle transforme la nature même du travail ainsi que les modèles d’affaires des entreprises.
Le fait que certaines et certains profitent très bien de cette situation (avec des emplois nécessitant une forte scolarisation), alors que d’autres sont condamnés à des emplois de plus en plus précaires (parce qu’ils ne bénéficient pas de la formation professionnelle requise pour s’adapter aux nouvelles réalités du travail), risque fort d’entraîner une polarisation et une accentuation des inégalités.
Par ailleurs, le déploiement de plateformes numériques – on n’a qu’à penser aux Uber de ce monde – s’accompagne de nouvelles formes de travail atypiques qui ne cadrent pas avec les lois du travail et qui remettent en question nos formes de représentation collective et nos modèles de syndicalisation.
On l’a vu ces derniers jours avec la manifestation monstre qui a mobilisé un demi-million de personnes dans les rues de Montréal et des dizaines de milliers dans la capitale et les régions du Québec, la conscientisation sur l’urgence d’apporter des solutions aux changements climatiques n’a jamais été aussi élevée. Des transformations radicales s’imposent, non seulement dans nos comportements de consommation, mais également dans nos modes de production afin de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Dans certains cas, les changements pourraient considérablement bouleverser nos façons de travailler et la nature de nos emplois. Le mouvement syndical devra être excessivement proactif afin de s’assurer que les travailleuses et les travailleurs reçoivent une formation adéquate pour s’adapter à ces changements et que cette nécessaire transition énergétique soit juste pour toutes et tous. De toute évidence, les compétences et les expertises qui seront exigées seront fort différentes.
Si l’essence même du travail est appelée à se transformer en fonction des bouleversements technologiques, démographiques et climatiques, il va sans dire que l’on doit repenser le sens de notre action syndicale, que ce soit en matière de négociation, de mobilisation ou de syndicalisation. Personnellement, je ne vois pas de meilleure fenêtre de réflexion pour les syndicats de la CSN que notre prochain congrès. C’est pour cette raison que je vous invite à y participer en grand nombre