La carte professionnelle de Kari Thompson du syndicat étasunien United Electrical, Radio & Machine Workers of America (UE) en dit long : The Members Run This Union / Los miembros dirigen esta unión. Les membres dirigent ce syndicat ! Cette philosophie guide l’organisation syndicale de 60 000 membres depuis sa fondation en 1936, mais elle prend davantage d’importance dans le climat politique particulièrement difficile que connaissent les États-Unis depuis les élections du 8 novembre 2016. Bien que l’arrivée de Donald Trump au bureau ovale soit inquiétante, pour Mme Thompson et l’UE, ce n’est qu’une expression de la montée de l’extrême droite, du néolibéralisme et du capitalisme sauvage qui grugent de plus en plus de terrain dans la conscience politique américaine depuis plusieurs décennies. Mais dans les faits, la résistance au pouvoir du capital ne date pas d’hier, et elle ne disparaîtra pas non plus après la destitution du 45e président des États-Unis ou même après l’élection d’un candidat démocrate lors des prochaines élections.
Dans les faits, le gouvernement fédéral ne représente qu’une seule partie du casse-tête cauchemardesque auquel le mouvement syndical étasunien fait face. Plusieurs États sont sous le règne des républicains qui se font un grand plaisir de nuire à la capacité des travailleuses et des travailleurs de s’organiser et de négocier collectivement. En Iowa, qui est déjà un État dit right-to-work, les législateurs ont récemment décidé d’imposer des contraintes invraisemblables sur les sujets qui peuvent être abordés lors d’une négociation. « Pour l’instant, les employeurs n’ont pour seule obligation que de négocier le salaire de base avec les syndicats », explique Mme Thompson. « Même les discussions entourant les horaires de travail et les heures supplémentaires sont interdites. C’est absurde ! Ça vaut quoi, précisément, un salaire de base si ces autres éléments sont soustraits du calcul ? »
Quels autres cadeaux les républicains ont-ils offerts aux patrons d’entreprises de l’Iowa ? Eh bien, il est maintenant contre la loi de négocier les régimes de retraite, les assurances collectives, et même la cotisation à la source. Il va de soi que le chemin est long et la pente très rude pour ces travailleurs dépourvus du Midwest, mais malgré tout, Kari Thompson garde espoir.
« Le climat actuel nous donne la chance de susciter l’intérêt de certains groupes de travailleurs qui s’inquiètent des contraintes que le gouvernement fédéral risque de leur imposer, ou du manque de réglementation en environnement, santé et sécurité au travail. Il y a peut-être un regain d’intérêt dans ces milieux de travail et nous devons saisir l’occasion de les aider à formuler des solutions à ces préoccupations dans des conventions collectives, surtout si elles ne seront pas prescrites dans la loi. »
Aller de l’avant
Le prochain congrès de l’UE se tiendra en août à Pittsburgh, un premier depuis l’élection surprise de Donald Trump. Kari Thompson s’attend à surmonter la scission politique qui est aussi présente au sein du membership de son organisation que dans la population en général, en dépersonnalisant le débat et en se concentrant sur les effets que les politiques de l’administration auront sur la vie des travailleuses et des travailleurs. « C’est certain que nous avons des membres qui ont voté pour Trump ! So what ? Ce n’est plus ce qui est important et l’on n’avancera pas en s’acharnant sur ce fait. En tant que représentant syndical, l’important est d’être à l’écoute pour trouver un terrain commun sur lequel nous pouvons échanger. Montrez-leur que vous écoutez et que vous avez des pistes de solutions aux problèmes auxquels ils font face. Il faut que la conversation soit enracinée dans un enjeu précis. Plus on est dans l’abstraction, plus les noms de politiciens surgissent dans la conversation, plus la conversation risque de tomber à l’eau. Ne nous concentrons pas sur la personne à la tête du pays, mais sur ce que les effets pratiques de ses choix politiques représentent : ça veut dire quoi quand la composition du National Labor Relations Board est dominée par des conservateurs qui ont toujours été contre le droit d’association ? Quel sera l’impact de ces nominations sur notre capacité de négocier nos contrats collectivement ? Et qu’en est-il des nouvelles compressions au Occupational Health and Safety Administation qui était déjà une agence sous-financée ? Le résultat est clair : nos milieux de travail seront moins sécuritaires. Voilà la réalité dans laquelle nous nous trouvons. La façon dont vous avez rempli votre bulletin de vote il y a quelques mois n’est plus importante aujourd’hui. Comment allons-nous aller de l’avant maintenant ? »
Pour Mme Thompson, une partie de la réponse à sa question repose sur les regroupements progressistes comme Our Revolution, et Democratic Socialist of America (DSA). « Le DSA a 50 000 nouveaux membres depuis l’élection de Trump, dont la plupart ont joint l’organisation sans avoir été sollicités. Pour moi, ça représente 50 000 nouveaux organisateurs. C’est très encourageant. Alors oui, j’en ai de l’espoir. Si on n’en avait pas, que faisons-nous même ici ? »