Projet de loi 141

Le consommateur en sort-il gagnant?

Dans un article paru le 8 mai dernier dans le quotidien Le Devoir, le journaliste François Desjardins présente le point de vue du ministre des Finances du Québec, Carlos Leitão, concernant le projet de loi 141 (PL 141) sur l’encadrement du système financier. Rappelons qu’il s’agit d’un projet de loi monstre qui vient modifier plus d’une cinquantaine de lois qui touchent de près ou de loin différents aspects du système financier. Le PL 141 vient notamment permettre la vente en ligne d’assurance sans l’entremise d’un représentant certifié, que ce soit un courtier d’assurance, ou encore, un agent d’assurance lorsque l’on appelle directement chez l’assureur.

Nous pouvons lire dans l’article de M. Desjardins que, selon le ministre, « ceux qui concluent à un affaiblissement de la protection des consommateurs font une mauvaise lecture du projet de loi », et que la position du gouvernement « ne fait aucun compromis sur la protection du consommateur ». La Confédération des syndicats nationaux (CSN) et la Fédération du commerce–CSN sont en désaccord avec le ministre.

Nous représentons plus de 1000 travailleuses et travailleurs qui exercent fièrement le métier d’agent d’assurance au sein de la SSQ. Leur quotidien consiste à bien informer et à conseiller consciencieusement le consommateur, afin qu’il obtienne le produit d’assurance qui convient le mieux à ses besoins.

Les conséquences liées à une couverture d’assurance inadéquate peuvent s’avérer catastrophiques financièrement pour l’assuré, pouvant même parfois entraîner la faillite. Cette situation peut d’autant plus survenir s’il se croit couvert à tort. Le domaine de l’assurance est extrêmement complexe. Par exemple, saviez-vous que dans le domaine de l’assurance automobile, qui apparaît pourtant simple au premier abord, il existe un total de 42 avenants rattachés au seul formulaire des propriétaires (FPQ no 1)? Savez-vous lesquels sont pertinents pour vous?

C’est pourquoi au fil des ans, la loi a conféré un rôle important aux représentants d’assurance. En présence d’un représentant certifié, le client bénéficie d’une protection non négligeable. En effet, le représentant doit réussir un examen et obtenir un permis de pratique de l’Autorité des marchés financiers (AMF); il doit également se conformer à un code de déontologie qui l’assujettit à un comité de discipline en cas d’infraction; enfin, il doit suivre 20 heures de formation continue tous les deux ans.

Avec la vente de produits d’assurance en ligne sans représentant, la tentation sera grande de naviguer sur un site Internet de comparaison d’assurances et de cliquer sur l’offre la plus abordable sans comparer la portée des protections offertes et des exclusions des différents produits proposés sur le marché. Avec le PL 141, certaines responsabilités additionnelles ont été dévolues aux assureurs pour encadrer la vente en ligne, mais cela n’est pas suffisant. Visiblement, la manière dont la vente d’assurance en ligne sera encadrée créera deux standards de protection distincts pour le consommateur, soit l’assurance est distribuée en ligne sans l’entremise d’un représentant certifié, soit elle l’est par un moyen traditionnel (rencontre en personne ou téléphonique avec un représentant).

Certains diront que la formule envisagée donne le choix au consommateur, puisqu’en tout temps lors du processus en ligne, il pourra contacter un agent d’assurance pour obtenir des conseils. Or, l’agent d’assurance n’est pas seulement là pour répondre aux questions des consommateurs ; son rôle consiste aussi à vérifier certains éléments d’information et à poser des questions pour clarifier les besoins du client, qui ne s’y connaît pas nécessairement en matière d’assurance.

Si le ministre Leitão souhaite réellement ne faire aucun compromis sur la protection du consommateur, le seul choix qui lui reste, selon nous, est d’encadrer la vente d’assurance en ligne de manière à ce que le client maintienne l’accès aux conseils des représentants d’assurance.

Nous déplorons par ailleurs le fait que cet important enjeu soit noyé dans un projet de loi aussi volumineux. Nos gouvernements doivent mettre fin à cette habitude qu’ils ont depuis quelque temps de se servir de projets de loi « mammouth » pour faire avaler des décisions politiques qu’ils savent délicates ou impopulaires.

La menace qui pèse sur les emplois dans le secteur des assurances crée une grande inquiétude chez les travailleuses et travailleurs. Mais qu’ils soient rassurés, la CSN et la Fédération du commerce–CSN poursuivront leurs interventions pour dénoncer les effets néfastes du PL 141.

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