Les deux jours de grève effectués par les 5000 employé-es de la SAQ en avril dernier auront permis d’exposer au grand jour l’une des plus grandes absurdités de notre société d’État : comment une entreprise d’une telle taille peut-elle fonctionner avec si peu d’employé-es permanents ?
En effet, près de 70 % des salarié-es de la SAQ travaillent à temps partiel et sur appel. Ce n’est que dix jours à l’avance, toutes les deux semaines, qu’ils sauront quand ils auront à rentrer au boulot – et si le nombre d’heures prévues sera suffisant pour traverser le mois.
Il leur faudra attendre en moyenne 12 ans avant d’obtenir un poste permanent. Malheureusement, les horaires ne sont guère plus attrayants. « J’ai 14 ans d’ancienneté et je travaille encore tous les vendredis et les samedis soir », nous explique un employé de succursale croisé sur une ligne de piquetage.
Sa conjointe, aussi employée de la SAQ, se voit dans l’obligation de retrancher chaque semaine des quarts de travail afin de pouvoir s’occuper de leurs enfants, amputant du même coup le revenu familial. « Même pour les employé-es permanents, les horaires de travail sont très contraignants », glisse-t-elle dans la discussion.
Prévoir le vide
À la source de cette insatisfaction : le système en place pour planifier les horaires de travail.
Le problème semble idiot tant il est simple. Afin de concevoir les horaires de travail des employé-es permanents, les gestionnaires de la SAQ isolent les deux semaines les moins achalandées de l’année : celles suivant le Jour de l’an. C’est à partir de cette séquence que les « besoins minimaux » en matière de personnel seront attribués aux employé-es permanents… pour l’ensemble des 52 semaines de l’année. Y compris les soirs et les fins de semaine.
L’achalandage, on l’aura compris, sera beaucoup plus grand que les prévisions minimales. Les gestionnaires se voient donc obligés, toutes les deux semaines, d’ajouter des horaires de travail qui seront attribués, à la dernière minute, aux employé-es à temps partiel disponibles.
La planification des horaires de travail est au cœur de la négociation actuelle des 5000 employé-es de la SAQ. Après bientôt 18 mois de négociation, les parties en sont toujours aux aspects normatifs de la convention collective. Le Syndicat des employé-es de magasins et de bureaux de la SAQ (SEMB-SAQ–CSN) a en poche un mandat de 15 jours de grève. Au moment d’écrire ces lignes, deux journées avaient été jusqu’alors exercées. λ