Les 2 et 3 novembre derniers, la CSN tenait deux journées pour souligner l’importance des groupes d’entraide en milieu de travail. Mélanie Dufour-Poirier, Ph.D. et professeure agrégée à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal, y a participé. Voici le fruit de ses réflexions.
La professeure explique d’emblée : les réseaux d’entraide agissent en prévention tertiaire, quand les humains sont rendus à bout. Or, des processus de prévention primaire et secondaire doivent être investis syndicalement pour éviter que des gens ne tombent au combat. La création des réseaux d’entraide est essentielle dans les milieux de travail : il faut toutefois pouvoir aussi agir en amont des problèmes structurels qui poussent les gens vers le burnout ou vers des problèmes de consommation divers, entre autres écueils.
Au Québec, plus de 30 % des réclamations en invalidité auprès des assureurs renvoient à des enjeux liés à la santé mentale. C’est énorme.
Le problème doit être pris de front : les employeurs et les syndicats ont tous les deux un rôle à jouer dans les milieux de travail. « Je dis souvent qu’il nous faut guérir le travail et le repenser. S’il rend les gens malades et que les problématiques deviennent récurrentes, on ne peut pas simplement prétendre que ces enjeux sont d’ordre individuel. »
Comme c’est le cas pour la santé physique, les syndicats ont un devoir de représentation en santé mentale, poursuit Mélanie Dufour-Poirier. À leurs revendications classiques doivent s’ajouter des propositions de solutions aux problèmes structurels qui envoient des tonnes de personnes en dépression majeure et qui en conduisent vers le suicide, dans les cas les plus graves. Cette question en est une de société et ne se limite pas au milieu de travail. Car quand cette détresse se transforme en violence conjugale ou en rage au volant, par exemple, cela nous concerne toutes et tous.
Mobiliser les membres
Si, dans chaque milieu syndiqué, on explique bien les liens entre l’organisation du travail, la culture de gestion, les pratiques organisationnelles et la santé mentale, les membres comprendront qu’il s’agit d’enjeux de mobilisation et de négociation syndicales en bonne et due forme.
À cette fin, leur parole doit se libérer pour replacer les humains au centre de notre action syndicale et mettre des mots sur des maux, de manière à briser le silence et à politiser les enjeux de santé mentale.