Les progrès technologiques touchent particulièrement certains emplois de l’industrie de la construction. Par exemple, il y a une vingtaine d’années, les arpenteuses et les arpenteurs travaillaient toujours en équipe de deux sur les chantiers. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Avec l’informatisation des équipements, l’utilisation de robots, de drones et des technologies de localisation comme le GPS, ils travaillent maintenant seuls. Et ce n’est pas sans conséquence.
Le vice-président de la CSN–Construction, Jean-Louis Simard, est bien placé pour en parler : il ne cumule pas moins de 60 000 heures sur les chantiers québécois. « Les arpenteurs doivent maintenant transporter seuls tout leur matériel, souligne-t-il. Il n’y a plus de transfert de connaissances entre les plus anciens et les nouveaux. C’est une source de stress importante pour les plus jeunes, puisqu’on sait qu’une seule erreur, en arpentage, peut coûter très cher. C’est aussi un risque accru d’accident, car toute ton attention est portée sur la machine et forcément moins sur l’environnement autour. »
Pour la CSN–Construction, qui place la santé-sécurité au sommet de ses priorités, c’est un enjeu bien réel. « Les employeurs sont prêts à investir dans les nouvelles technologies, mais malheureusement, pas mal moins dans la santé et la sécurité », déplore-t-il.
Pourtant, la technologie peut aussi servir à assurer la sécurité de toutes et de tous sur les chantiers. Il mentionne, par exemple, un système utilisé sur celui de l’échangeur Turcot : tous les salarié-es portent un capteur spécial dans leur casque, lequel est relié aux véhicules lourds. Ainsi, si un risque de collision est détecté, le véhicule tombe automatiquement au neutre. Une belle innovation, trop peu répandue.
Jean-Louis Simard croit qu’on verra de plus en plus d’automatisation complète de certaines tâches, et pas seulement dans l’arpentage. Pensons au travail de forage du tunnel du REM, sous le Mont-Royal, effectué par une machine téléguidée à partir d’un bureau. Le vice-président de la CSN–Construction se garde bien de rejeter ces nouvelles technologies. Il souligne que celles-ci peuvent faciliter certaines tâches et diminuer le risque d’erreur de calcul.
GPS
Lorsqu’on parle de nouvelles technologies dans la construction, on ne peut faire fi de l’introduction d’un nouveau système de compilation des heures qui a été au cœur d’un conflit de travail ces dernières années. Les syndicats s’opposaient à l’obligation pour les travailleuses et les travailleurs d’installer une application de pointage sur leur téléphone personnel. Les syndicats, dont la CSN–Construction, n’ont pas pu en empêcher le déploiement. Toutefois, ils ont forcé la mise en place de plusieurs balises afin de protéger la vie privée des salarié-es, dont l’obligation pour l’employeur d’obtenir le consentement écrit de la personne salariée.
Réforme annoncée
Les prochains mois ne seront pas de tout repos à la CSN–Construction. En effet, le gouvernement a annoncé son intention d’augmenter la « versatilité » sur les chantiers. À ses yeux, cela implique de revoir l’organisation de l’industrie, notamment en ce qui a trait à la distribution des tâches entre les différents métiers. Le gouvernement demande à la Commission de la construction du Québec (CCQ) de trouver un terrain d’entente entre les syndicats et les employeurs.
De tels changements doivent d’abord être débattus au Comité sur la formation professionnelle dans l’industrie de la construction, un lieu paritaire. Car plusieurs questions sont en jeu, notamment celle de la formation pour les futurs salarié-es comme pour celles et ceux qui sont déjà dans l’industrie. De plus, il faudra s’assurer que ces changements n’auront pas comme effet de diminuer la rémunération pour certains d’entre eux, puisque les taux de salaire ne sont pas les mêmes dans tous les métiers… Des discussions sont en cours, mais personne ne peut prédire actuellement si un consensus pourra émerger.
Si le gouvernement et les patrons ont tendance à dénoncer « l’immobilisme syndical », il faut rappeler que les syndicats ont déjà accepté, dans le passé, de procéder à certains changements, par exemple en permettant aux apprenti-es dans certains métiers de procéder au ramassage de débris, ce qui était auparavant réservé aux manœuvres de l’industrie. Rappelons également que les syndicats ont déjà accepté de réunir les métiers d’opérateurs de machinerie lourde et de pelle mécanique. Si ce changement n’est pas mis en œuvre actuellement, cela s’explique surtout par la vétusté du système informatique de la CCQ, datant de 1972…