INVITÉS INTERNATIONAUX AU CONGRÈS DE LA CSN

« Négocier, obtenir des droits pour les salarié-es, c’était ça l’objectif »

Délégué représentant au congrès de la CSN, le plus grand syndicat français, la Confédération française démocratique du travail (CFDT), Pascal Catto, nous raconte son parcours professionnel et syndical et livre des clés pour comprendre la crise des retraites dans l’hexagone.

Originaire du nord de la France, Pascal Catto vient aussi de l’industrie du transport de devises. « L’employeur était un ancien militaire qui ne nous respectait pas, alors on est allés voir un syndicat. Mon grand-père était un cheminot membre de la CFTC (une majorité issue de la CFTC a créé la CFDT en 1964). Négocier, obtenir des droits pour les salarié-es, c’était ça l’objectif ».

Enjeux de sécurité au travail
Une épidémie de « braquages » violents touche alors la France au début des années 2000. Plusieurs camarades la paieront de leur vie, assassinés au travail. Pour être enfin respectés, les « convoyeurs » entament 15 jours de grève pour améliorer leur sécurité. « On a beaucoup travaillé pour renforcer la sécurité des blindages, de l’armement, on a négocié des primes de risque, créé des certificats de qualification professionnelle avec formation au tir et augmenté les salaires. » Nicolas Sarkozy – alors ministre de l’Intérieur – est à l’écoute. La CFDT obtient que des technologies (comme la « valise intelligente » qui asperge les billets d’encre en cas de vol) soient développées et financées par les banques. Vingt ans plus tard, la sécurité dans l’industrie est telle que les vols à main armée de fourgons de transport ont presque disparu.

Secrétaire général local dans la commune de Boulogne-sur-Mer pendant sept ans, Pascal devient représentant régional dans le nord de la France en 2002 avant d’intégrer le Bureau national confédéral en 2010. « Le nord a connu beaucoup de fermetures du jour au lendemain comme celle de MetalEurop Nord (filiale de Glencore, propriétaire de la Fonderie Horne au Québec) ». Par le dialogue social et la consultation, la CFDT élabore alors avec les gouvernements successifs des plans de reclassement économique et d’aide aux chômeuses et aux chômeurs qui sont désormais la norme.

Du nord de la France aux îles du Pacifique
Pascal est actuellement chargé du dialogue avec neuf espaces français d’outre-mer, dont le plus proche de nous est Saint-Pierre-et-Miquelon, dans le golfe du Saint-Laurent. L’outre-mer désigne une mosaïque de cultures, sur les deux hémisphères et sur quatre océans, héritées de l’empire colonial français. Là-bas vivent 2,8 millions d’habitants, soit 4 % de la population française. « Les réponses ne peuvent pas venir de Paris. Mon travail, c’est de construire avec les habitants de ces territoires un peu abandonnés, de les former et de les aider, de faire remonter leurs problèmes ». Ces territoires sont marqués par des enjeux rappelant parfois les territoires autochtones canadiens : des taux de chômage extrêmement élevés, la vie chère, des enjeux de dialogue social entre cultures, des défiscalisations qui ne profitent qu’aux riches, des problèmes environnementaux et d’accès à l’eau.

Retraites et crise démocratique
Analysant la mobilisation record contre la réforme des retraites françaises, Pascal déplore que le gouvernement ait choisi de financer d’autres budgets avec les régimes de retraite en faisant fi des sujets de société comme l’emploi des aîné-es. « Le gouvernement a pris le problème à l’envers, avec son totem de l’âge qui est un non-sens, car il pénalise les emplois pénibles commencés jeunes, malgré une durée de cotisation réalisée. Aujourd’hui, différents régimes coexistent et les salarié-es ne travaillent plus dans la même entreprise pendant 40 ans. Ce qui fait que des tas de salarié-es passés d’un régime à l’autre se voient pénaliser pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Pour ces raisons, la CFDT demande un régime universel par points. Passée en force par un pouvoir plus impopulaire que jamais malgré une mobilisation “jamais vue de mémoire de syndicaliste”, la loi retraite (refusée par 90 % des salarié-es) est validée par le Conseil constitutionnel. Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, parle de “grave crise démocratique”. La CFDT est régalienne, nous prenons acte de la décision. Mais on se rend compte que le gouvernement est en train de sortir des décrets en corrigeant ses erreurs, donc on est en train de gagner des choses sur ces questions ».

Promettant de rouvrir des discussions sur des sujets négligés comme l’usure au travail, la CFDT souhaite revoir le dialogue social. « On veut un accord de méthode avec le gouvernement sur les discussions qui vont s’ouvrir. La CFDT travaille toujours en intersyndicale à la mobilisation du 6 juin pour appuyer l’initiative de parlementaires visant à annuler la réforme ».

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