Les lendemains de la pandémie risquent de faire mal au Québec. En effet, ce que plusieurs craignaient semble être en train de se produire : après avoir tant décrié le règne de l’austérité libérale et après avoir affirmé, en mai, qu’il ne se dirigeait pas vers des mesures d’austérité, le gouvernement caquiste se préparerait à imposer à son tour son propre régime minceur à nos finances publiques.
Ce n’est nul autre que le ministre des Finances, Éric Girard, qui l’a reconnu dans une entrevue accordée à Radio-Canada le 1er juin dernier, en affirmant qu’après les déficits importants causés par la crise actuelle, Québec « […] va rapidement se mettre sur une trajectoire de déclin de la dette ». En d’autres mots, et plus clairement, cela veut dire que l’austérité sera de retour au Québec.
Une bien mauvaise stratégie
Cette perspective de nouvelles compressions budgétaires est inquiétante à plusieurs égards! Pourtant, il existe un certain consensus voulant qu’une fois la crise sanitaire maîtrisée, les politiques fiscales et budgétaires devront continuer à soutenir les ménages, les entreprises et l’économie en général, et ce, pendant plusieurs années. En choisissant de s’attaquer à la dette, le gouvernement Legault vise la mauvaise cible et risque de causer plus de dégâts que de bien à la société québécoise et à son économie. En décidant de limiter ses interventions au cours des prochains mois et des prochaines années sous prétexte de vouloir éliminer les déficits et la dette, le gouvernement pourrait aggraver encore plus les dommages causés par cette tempête. À l’heure actuelle, et considérant la forte réduction du ratio dette/PIB au cours des dernières années, la dette ne doit pas faire partie de la liste des préoccupations prioritaires d’un gouvernement responsable. La seule et unique priorité doit être le bien-être de toutes les Québécoises et de tous les Québécois.
L’ouragan de la COVID-19 nous a frappés de plein fouet et a révélé à quel point le Québec était vulnérable et en position de faiblesse pour faire face à une crise sanitaire de cette ampleur. Nous avons tous constaté dans quel état de désorganisation et de désœuvrement les mêmes politiques budgétaires poursuivies à Québec depuis 25 ans ont laissé notre système public de santé et de services sociaux. Nous avons vu mourir, en quelques semaines et dans des conditions inhumaines, des milliers de nos aînés qui n’ont pas eu droit aux soins pour lesquels ils avaient pourtant contribué toute leur vie par leurs impôts.
Les gens avant la dette
Pourquoi en a-t-il été ainsi? Parce que, depuis 25 ans, le Québec a eu droit à des gouvernements qui se préoccupaient plus de la dette et de réductions d’impôt que du bien-être des familles et des aînés. Le gouvernement Legault doit aujourd’hui tirer les leçons de ce qui s’est passé et agir en conséquence.
Ce n’est pas d’un retour à l’austérité que le Québec a besoin. Nous avons besoin de services de santé et services sociaux, de services d’éducation, de la petite enfance à l’enseignement supérieur, et de services gouvernementaux forts, autant pour assurer le bien-être de la population que pour contribuer à une économie dynamique.
Un meilleur chemin que l’austérité
Il existe un bien meilleur moyen que l’austérité pour lutter contre la dette : intervenir pour stimuler le retour à une économie vigoureuse. Pour ce faire, le gouvernement doit non seulement soutenir les initiatives privées, mais il doit également développer un secteur public fort qui contribue ainsi à l’essor d’une économie québécoise performante. Une fois ce dynamisme revenu, le ratio dette/PIB pourra reculer tranquillement de lui-même, sans que nous ayons eu recours à ces mesures néfastes.
Nous invitons donc le ministre des Finances à ne pas agir dans la précipitation. Malgré la grave crise qui nous a frappés, la situation du Québec est loin d’être catastrophique et périlleuse. Les finances publiques, avant la crise, étaient solides et prometteuses. Notre posture actuelle demeure nettement meilleure qu’après l’écroulement financier de 2008-2009.
L’austérité a conduit le Québec sur le bord du gouffre au cours des dernières semaines. Elle a littéralement coûté la vie à des centaines de nos concitoyennes et concitoyens. La situation aurait pu être encore pire sans le combat acharné livré aux premières lignes notamment par les travailleuses et les travailleurs du secteur public. Celles et ceux-là mêmes qui ont le plus souffert, au cours des dernières années, des coupes et compressions imposées sans relâche par les gouvernements, causant depuis trop longtemps de l’épuisement, du décrochage ainsi que d’innombrables lésions professionnelles dues au manque de ressources.
Le gouvernement Legault et son ministre des Finances doivent faire mieux que leurs prédécesseurs : ils s’y sont engagés envers les Québécoises et les Québécois. C’est pourquoi il faut dès maintenant et plus que jamais saisir l’occasion pour une relance concertée à la faveur d’investissements massifs dans les services publics.
Daniel Boyer, président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
Jacques Létourneau, président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Sonia Ethier, présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ)