Un récent sondage mené par la CSN est éloquent : la réforme improvisée du gouvernement Legault risque fort de manquer sa cible et d’entraîner des dommages collatéraux qui seront difficiles à réparer.
La CAQ a foncé droit devant avec l’implantation de ses maternelles 4 ans. Dans l’empressement, elle a omis d’en mesurer les effets sur le réseau de la petite enfance, de considérer l’offre régionale de services de garde éducatifs et de bien analyser le profil des enfants qui sont privés d’une place dans le réseau. Et les répercussions de ces négligences seront nombreuses.
Un réseau qui tient à un fil
Le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, avait affirmé vouloir augmenter le nombre de places en CPE et en milieu familial. Il s’agissait d’une sorte de prix de consolation pour faire avaler l’arrivée de 2600 classes de maternelle 4 ans dans les prochaines années. Or, seulement dans les milieux régis et subventionnés, on constate une baisse d’environ 25 % de la capacité d’accueil depuis trois ans ! Chaque fois qu’une RSG cesse ses activités, c’est six places pour les enfants de zéro à cinq ans qui disparaissent.
Le sondage de la CSN, mené auprès de 2700 responsables en services de garde (RSG) régis et subventionnés et membres du personnel en CPE, illustre bien le défi à venir dont les jeunes parents du Québec risquent de pâtir. Les travailleuses et travailleurs du réseau sont à bout de souffle. Il manque de relève et ce manque risque de s’accentuer dans les prochaines années. En ce sens, le gouvernement doit prendre au sérieux la menace d’une pénurie de personnel qui plane sur le secteur.
La mise sur pied du réseau a été une avancée sociale pour le Québec, particulièrement pour les femmes. À ce titre, la représentante du secteur des CPE à la FSSS–CSN, Louise Labrie, s’inquiète. « Le manque de considération pour ce réseau est en train d’éroder les bases sur lesquelles il reposait, soit le personnel qualifié en nombre suffisant. »
Un climat peu invitant
Le débat sur les maternelles 4 ans risque d’ébranler les CPE et les milieux familiaux régis et subventionnés ; il ne fera rien pour inciter plus de jeunes à s’inscrire au programme collégial conduisant à l’exercice du métier d’éducatrice. Karine Morisseau, représentante du secteur RSG à la FSSS–CSN, y voit une contradiction. « Alors que le gouvernement lui-même convient de la nécessité d’augmenter l’offre, il aura bien du mal à faire en sorte que le réseau puisse continuer à accueillir le nombre d’enfants actuel. Ce n’est guère étonnant quand on voit à quel point il le néglige. »
Et l’offre régionale ?
Le gouvernement Legault doit tenir compte des analyses réalisées par son propre ministère de la Famille, en septembre 2019. Il doit ralentir le développement de classes de maternelle 4 ans et adapter leur déploiement en fonction de chaque réalité régionale.
Les cartes du ministère montrent en effet que plusieurs MRC du Québec connaissent des surplus de places en services de garde éducatifs et que de nombreuses autres MRC sont à l’équilibre. Ouvrir rapidement des maternelles 4 ans à ces endroits ne serait pas un déploiement « cohérent » avec le réseau de la petite enfance. Or, le projet de loi 5 adopté en novembre dernier mise sur cette cohérence avec les services existants. Pour y arriver, il faudra cibler les MRC dans le besoin au lieu de développer des classes de maternelle tous azimuts.
Un sondage inquiétant
23 % des répondantes pensent prendre leur retraite ou quitter la profession d’ici deux ans.
44 % affirment que le débat sur les maternelles 4 ans affecte leur moral.
90 % viennent d’un CPE qui peine à recruter des éducatrices ayant suivi une formation collégiale.
27 % indiquent que des postes sont actuellement vacants dans leur CPE.
72 % des RSG soutiennent que la pénurie de remplaçantes les affecte personnellement.
74 % des RSG constatent que des collègues cessent leurs activités.