Services essentiels

Nous libérer des entraves juridiques au droit de grève

Le droit de grève est désormais reconnu comme un droit fondamental. On ne peut en jouir à temps partiel.

Par François L'Écuyer

Le 12 juin dernier, la CSN déposait à la Cour supérieure une requête visant à faire invalider de nombreuses entraves juridiques au droit de grève dans le secteur public, notamment dans le réseau de la santé et des services sociaux.

Le pourvoi en contrôle judiciaire vise à faire déclarer inconstitutionnels certains aspects de la Loi sur les services essentiels ainsi que les modalités restreignant le droit à la libre négociation et à la grève dans le cadre des négociations locales, qui ont cours présentement dans les établissements de santé. Dans ses prétentions, la CSN s’appuie particulièrement sur l’arrêt Saskatchewan, une décision de la Cour suprême rendue en janvier 2015 qui reconnaît pour la première fois que le droit de grève est protégé par la Charte des droits et libertés.

Le président de la CSN, Jacques Létourneau, estime qu’il est plus que temps que le cadre législatif québécois s’adapte à cette nouvelle jurisprudence. « La Loi sur les services essentiels doit être revue afin de permettre un réel rapport de force pour les travailleuses et les travailleurs du réseau de la santé. Jamais nous ne remettrons en question la nécessité d’offrir des services essentiels à la population, et loin de nous l’idée de mettre sa santé et sa sécurité en danger. Néanmoins, la loi doit être revue afin de respecter le droit de grève de ces salarié-es, sans entraves à l’esprit de la Charte. »

Droit de grève brimé
L’imposition d’un seuil unique de services devant être rendus lors d’une grève dans le réseau de la santé, sans égard au rôle et aux fonctions de chacun des salariés — qu’ils fassent partie d’une unité de soins intensifs ou encore d’un service administratif, par exemple —, constitue une entrave législative au droit de grève contraire à la Charte des droits et libertés. Aussi, la CSN vise-t-elle à faire invalider certaines dispositions de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives des secteurs public et parapublic (communément appelée loi 37) en regard de la négociation des stipulations locales des conventions collectives.

Alors que l’ensemble des syndicats du réseau de la santé sont actuellement en négociation locale, dans la foulée des fusions d’établissements imposées par la réforme Barrette, la loi 37 leur interdit de faire la grève. De plus, une fois ces stipulations locales négociées, l’employeur n’a aucune obligation de se rasseoir à la table de négociation dans le futur, un autre aspect contesté par la CSN.

« On ne peut jouir d’un droit constitutionnel à temps partiel, souligne Jacques Létourneau. D’importants aspects des conventions collectives sont en jeu dans les négociations actuelles, notamment la question des horaires de travail, la conciliation famille-travail et la notion de port d’attache. En interdisant le droit de grève, la loi 37 brime des droits fondamentaux des travailleuses et des travailleurs du réseau de la santé. »

En août 2017, une décision du Tribunal administratif du travail (TAT) avait déclaré « constitutionnellement inopérantes » les dispositions de l’article 111.10 du Code du travail, qui prévoient les pourcentages minimaux de services devant être rendus lors d’une grève. Toutefois, la décision ayant été rendue par le TAT, elle ne s’applique qu’aux quatre établissements de santé où le recours avait été logé. En s’adressant aujourd’hui à la Cour supérieure, la CSN vise à faire déclarer inconstitutionnelles ces dispositions, pour l’ensemble du Québec.

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