«La CSN a un trésor archivistique considérable. Nos journaux, produits sur plus de 75 ans, illustrent l’histoire de la CSN et les messages qui ont été portés au cours de cette période riche en événements sociaux et syndicaux. Ils racontent, depuis 1942, le quotidien des travailleurs et des travailleuses, mais aussi leurs espoirs et leurs souhaits. Cette presse syndicale est leur voix. Comment en auraient-ils une autrement ? »
À l’occasion des Journées de la culture, en septembre 2017, le secrétaire général de la CSN, Jean Lortie, n’était pas peu fier de présenter l’imposante collection des journaux officiels de la confédération. À cette occasion, elle a également rendu publiques plus de 10 000 pages de ces journaux qui ont été numérisées pour les rendre accessibles depuis son site Internet.
« En jetant un œil à ces publications, on peut y lire le point de vue de ces femmes et de ces hommes sur des moments qui ont marqué le Québec, des moments dont ils ont été les principaux acteurs et actrices et qui n’ont pas toujours été rapportés par l’histoire officielle, renchérit Jacques Létourneau, président de la CSN. Les batailles, les grandes négociations, les mobilisations qui ont permis des avancées majeures pour l’amélioration de leurs conditions de vie, mais également pour la société québécoise et canadienne, y sont racontées. La CSN est une organisation de lutte et ses journaux en sont le reflet. »
Précurseur et longévité
En publiant un journal sur une base régulière depuis plus de 75 ans, la CSN fait figure de précurseur, qui témoigne de cette volonté de faire connaître à ses membres les positions votées par ses instances et de partager largement leurs luttes. « En excluant la presse écrite, dont les magazines, il y a peu d’éléments de comparaison au Québec et au Canada pour les organisations qui ont publié sans interruption, et sur une période aussi longue, un média pour ses membres, tout en rendant cette information accessible au grand public », mentionne Jacques Létourneau.
Cette tradition s’est poursuivie en 1995, alors que la CSN a été parmi les toutes premières organisations à se doter d’un site Internet au Québec. « Il y a là un réel souci de transparence, d’éducation populaire sur les grands enjeux sociaux, autant que cette nécessité de promouvoir une solidarité concrète au sein de la classe des travailleuses et des travailleurs. »
L’information syndicale connaît dans les années 1940 une véritable popularité qui n’est certainement pas étrangère aux nombreuses luttes pour la reconnaissance syndicale et pour l’amélioration des conditions générales de travail, notamment celles en santé et en sécurité du travail.
Ainsi, dans Portrait d’un mouvement, publié par la CSN en 2000, on note qu’en 1948, Le Travail double son tirage, de 25 000 à 50 000. En 1950, Le Travail passe de mensuel à hebdomadaire et en 1954, sous la direction de Gérard Pelletier, son tirage de 60 000 exemplaires le place au premier rang de la presse syndicale au Canada. En outre, en 1965, le journal officiel de la CSN, redevenu mensuel et comptant pas moins de 32 pages, est envoyé au domicile des quelque 225 000 membres, une opération qui ne pourrait très certainement pas être reprise aujourd’hui pour des raisons budgétaires et de logistique.
Le Service de l’information a réussi un véritable tour de force en produisant mensuellement Le Travail dès 1978, tout en diffusant un hebdomadaire, Nouvelles CSN, qui est devenu le journal officiel de la CSN en 1981. À l’époque, la publication présentait des résumés des communiqués de presse du mouvement et recensait les nombreux conflits de travail. Bimensuel paraissant 18 fois par année, Nouvelles CSN a été publié pour la dernière fois le 14 juin 2001, soit après 508 numéros. L’année suivante, il est remplacé par Perspectives CSN, un magazine de 36 pages distribué quatre fois par année. Après 58 numéros, il cède aujourd’hui sa place au Point syndical, un tabloïd de 16 pages qui sera publié cinq fois par année.
Catholicisme, anticapitalisme, combativité
Des journaux syndicaux, il s’en publiait avant janvier 1942. Lorsque la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC), l’ancien nom de la CSN, lance Le Travail et la Vie syndicale, les conseils centraux de Québec et de Montréal, notamment, diffusent déjà leur publication à leurs membres depuis les années 1920. C’est le 6 mai 1939 que le comité exécutif de la CTCC adopte une résolution pour doter la centrale syndicale d’un organe officiel et « que ce journal doit être un journal d’opinion ».
Le premier numéro publié au milieu de la Seconde Guerre mondiale en témoigne. Le soutien à l’effort de guerre, notamment dans les usines métallurgiques, et l’emprise du catholicisme dominent. Dans le tout premier éditorial, le président de l’époque, Alfred Charpentier, ne laisse aucun doute à ce sujet : « La responsabilité nationale et tout ce que ces mots comportent de compréhension mutuelle et de collaboration entre employeurs et ouvriers, puis entre ces deux groupes et l’État, surtout en ces temps difficiles, voilà la tâche urgente à laquelle la CTCC veut se consacrer plus que jamais. »
Le traitement de la nouvelle et des positions confédérales change au lendemain de la guerre, lorsque le président nouvellement élu, Gérard Picard, lance une campagne de promotion pour faire davantage connaître Le Travail, publié dès 1946. Les luttes ouvrières y sont abondamment traitées et le ton n’est plus caractérisé par cette complaisance à l’endroit des élites politiques et économiques.
Qu’on en juge à la page frontispice de l’édition de juin 1949 : « Les mineurs d’amiante n’ont pas déclaré la grève pour plaire à leurs officiers ou aux dirigeants de la CTCC. Ils veulent en finir avec l’arrogance des compagnies minières, les seigneurs féodaux de l’industrie capitaliste moderne qui voudraient régner sur la misère ouvrière comme sur leur montagne d’or. »
Et que dire de cette manchette à la une de l’édition de septembre 1949 : « Il faut remplacer le capitalisme. » Mgr Desranleau, bien connu pour avoir bruyamment appuyé en 1937 les grévistes de Sorel contre l’une des familles les plus riches et les plus puissantes au pays, les Simard, y déclare : « C’est ce capitalisme qui est la cause de toutes nos misères. Nous devons travailler contre, non pas pour le transformer, il est intransformable, non pas pour le corriger, il est incorrigeable, mais pour le remplacer. »
Bien qu’appuyées par la faction la plus combative du clergé, ces manchettes annoncent la déconfessionnalisation de la CTCC — alors présidée par Gérard Picard —, qui deviendra la CSN en 1960 et qui sera enrichie du syndicalisme de combat ainsi que du deuxième front théorisé par Marcel Pepin.
Des moyens diversifiés
En plus des nombreux conflits de travail qui se déroulent aux quatre coins du Québec, Le Travail relaie les positions sociales de la confédération pour améliorer les conditions générales de vie de ses membres, mais aussi celles de la population : un régime d’assurance-automobile (1947), un régime public et gratuit de santé et d’éducation incluant la gratuité scolaire (1958), une législation touchant les sociétés de finance, véritables requins qui égorgent les familles ouvrières (1964).
L’information est toujours au cœur de l’action de la CSN pour bien renseigner ses membres sur les revendications et les luttes syndicales autant que sur les positions votées par les instances du mouvement. Si la presse imprimée garde sa pertinence, les moyens déployés aujourd’hui sont à l’image des technologies qui ne cessent de se développer. À l’ère numérique, la CSN diffuse aujourd’hui des vidéos, une infolettre, des blogues et des nouvelles, depuis son site Web et dans les médias sociaux. En outre, elle offre aux syndicats des sites Internet conviviaux pour qu’à leur tour, ils profitent de ces avancées et puissent mieux informer leurs membres.