Impacts de la transition énergétique sur la main-d’œuvre

Des effets positifs si le Québec s’y prépare

Alors que les impacts de la transition énergétique sur la main-d’œuvre et les entreprises n’ont pas été réellement pris en compte dans la Politique énergétique 2030 et que le gouvernement travaille actuellement sur la Stratégie de la main-d’œuvre, un groupe de travail multisectoriel dévoile aujourd’hui une étude inédite sur les impacts de la transition énergétique sur la main-d’œuvre et les entreprises québécoises à l’horizon 2030. Les effets anticipés de la transition énergétique seraient largement positifs si le Québec s’y prépare dès maintenant, affirme ce regroupement composé du monde syndical, patronal, de l’environnement, académique et de l’économie sociale. La formation de la main-d’œuvre sera une des clés d’une transition énergétique réussie et inclusive, ainsi que le développement d’entreprises de calibre mondial dans une série de créneaux porteurs. Ces acteurs proposent des solutions pour promouvoir des transformations durables du marché du travail sur le plan économique, environnemental et social.

Cette étude est le fruit d’un important travail de concertation de plus de 10 acteurs québécois des milieux économiques, syndicaux, environnementaux, de la recherche et de l’économie sociale – la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Équiterre, Fondaction, la Chaire de gestion du secteur de l’énergie (HEC Montréal), le Conseil du patronat du Québec (CPQ), le Chantier de l’économie sociale, le Comité sectoriel de main-d’œuvre de la chimie, de la pétrochimie, du raffinage et du gaz (Coeffiscience), le Comité sectoriel de main-d’œuvre de l’économie sociale et de l’action communautaire (CSMO-ÉSAC), le Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement (RNCREQ), le Centre interdisciplinaire de recherche en opérationnalisation du développement durable (CIRODD), le Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG) et la firme COPTICOM.

TROIS SECTEURS CLÉS : LES TRANSPORTS, LE BÂTIMENT ET L’ÉNERGIE
Cette étude est l’une des premières réflexions portant sur les impacts de la transition énergétique au Québec sur les travailleuses et les travailleurs. Le groupe de travail a identifié 3 secteurs susceptibles d’être plus touchés par la transition énergétique en raison de leurs importantes contributions aux émissions de gaz à effet de serre et du nombre d’emplois qui leur est associé, soit celui des transports, du bâtiment et de la transformation et distribution d’énergie.

« Ces 3 secteurs représentent plus de 700 000 travailleuses et travailleurs dans toutes les régions. Il est primordial de réfléchir aux impacts que la transition énergétique aura pour la main-d’œuvre et les communautés afin de s’assurer qu’elle soit la plus inclusive possible », introduit Pierre Patry, trésorier du comité exécutif de la CSN.

Cette étude est le reflet des réalités vécues actuellement par les entreprises, les syndicats, les regroupements et plusieurs autres parties prenantes qui ont participé à l’exercice et se base sur des données dont ils disposent et qu’ils ont choisi de mettre en commun, tirées d’une revue de la littérature, de bases de données, d’entrevues ciblées auprès d’organisations pertinentes et des résultats de réflexions internes au sein de plusieurs des organisations membres du groupe de travail.

DES EFFETS POSITIFS ANTICIPÉS POUR ENRICHIR TOUTES LES RÉGIONS DU QUÉBEC
« La transition énergétique entrainera nécessairement une mutation en profondeur du marché du travail en créant de nouveaux emplois, et ce, dans plusieurs secteurs et sous-secteurs comme la construction, la rénovation des bâtiments, la géothermie, la biomasse ainsi que l’électrification des transports. Il est toutefois primordial de s’y préparer, afin d’en faire profiter toutes les régions de la province, et d’accompagner les secteurs énergétiques plus vulnérables », explique Yves-Thomas Dorval, président-directeur général du CPQ.

Le groupe considère que les gains en efficacité énergétique qui découleront de la transition énergétique pourraient accroître la productivité globale de l’économie québécoise et, par conséquent, contribuer à la richesse du Québec. Peu de pertes d’emplois à court et à moyen terme sont à prévoir globalement pour autant que des mesures soient adoptées rapidement pour réduire la vulnérabilité de certains secteurs et sous-secteurs aux changements qui s’annoncent.

LE NERF DE LA GUERRE : LA QUALIFICATION DE LA MAIN-D’OEUVRE
La transition énergétique favorise l’émergence de nouveaux créneaux à fort potentiel de croissance qui pourraient grandement profiter à la main-d’œuvre, à condition qu’elle y soit adéquatement préparée. Pour les membres du groupe de travail, il ne fait aucun doute que les défis les plus importants à surmonter se situent au niveau de la formation, tout particulièrement dans le contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Il est primordial de développer de nouveaux programmes de formation et de bonifier ceux existants, initiaux ou en entreprise, afin de permettre aux travailleuses et aux travailleurs de s’adapter aux nouveaux procédés et technologies.

TROIS PISTES D’ACTIONS POUR CRÉER ET MAINTENIR DES EMPLOIS DÉCENTS
Les membres du groupe de travail identifient 3 grandes pistes d’actions pour stimuler une transition énergétique inclusive et qui repose sur la création et le maintien d’emplois décents : (1) assurer le développement de programmes de formation de la main-d’œuvre, y compris pour les travailleurs et travailleuses déjà en emploi (2) favoriser l’émergence d’entreprises et de technologies de calibre mondial et une meilleure collaboration entre les secteurs public, privé et celui de l’économie sociale et (3) adapter le cadre réglementaire afin d’accroître sa cohérence et son efficacité et d’anticiper les impacts potentiels de la transition énergétique sur la main-d’œuvre et les entreprises.

« En tant qu’institution dédiée à la finance responsable et au développement durable, la transition vers une économie sobre en carbone est en cohérence avec nos valeurs et nous devons nous assurer que celle-ci contribue au maintien ou à la création d’emplois de qualité dans les régions du Québec », explique Léopold Beaulieu, président-directeur général de Fondaction.

SECTEUR DU TRANSPORT : NOUVELLES FILIÈRES EN CROISSANCE ET BESOINS EN FORMATION
« Le secteur du transport est au centre des stratégies gouvernementales visant à atteindre les ambitieux objectifs de réduction de GES que s’est fixés le Québec à l’horizon 2030. Pour ce faire, il faut accompagner la création d’emploi dans les nouvelles filières et répondre aux besoins de formation dans les domaines en croissance comme la réparation et l’entretien des véhicules électriques, et la fabrication et l’assemblage de matériel de transport collectif », précise Sidney Ribaux, directeur général d’Équiterre.

D’autres sous-secteurs seront à surveiller, comme celui de la mobilité partagée où les gains écologiques et sociétaux pourront aussi s’accompagner de pertes d’emplois comme dans l’industrie du taxi. De plus, la diminution graduelle souhaitée du parc automobile pourrait avoir un impact sur l’emploi dans la vente et l’entretien des véhicules.

« Par ailleurs, on oublie souvent les coûts importants liés aux systèmes de consommation d’énergie actuels, notamment en transport. D’importants gains d’efficacité et de productivité pourraient survenir avec la transition énergétique, ne serait-ce qu’en gérant mieux les déplacements, par la réduction de la congestion et des dépenses en véhicules individuels », mentionne Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal.

SECTEUR DU BÂTIMENT : DES TRANSFORMATIONS IMPORTANTES QUI NÉCESSITENT UNE MAIN-D’OEUVRE BIEN FORMÉE
Le secteur du bâtiment sera en pleine mutation au cours des prochaines années, notamment avec l’émergence de nouvelles normes en construction et rénovation et technologies qui favorisent les bâtiments durables. Ces transformations pourraient entrainer de nombreux emplois dans plusieurs domaines tels que la mécanique du bâtiment. Toutefois, le manque de formation pour les entrepreneur(e)s et la main-d’œuvre demeure un enjeu important. Encore peu de programmes de formation existent dans certains créneaux comme celui de la domotique, alors que des opportunités intéressantes de création d’emplois existent.

SECTEUR DE L’ÉNERGIE : ÉVOLUTION LENTE ET CONTRASTÉE À PRÉVOIR
La transition énergétique suppose une évolution du secteur de la transformation et de la distribution d’énergie. « Le secteur de l’énergie sera appelé à évoluer au cours des prochaines décennies. Ainsi, considérant les objectifs du gouvernement du Québec en matière de réduction de la consommation de pétrole, nous pouvons anticiper le développement de créneaux tels que la chimie verte et le bioraffinage qui pourraient mener à la création de nouveaux emplois à faible impact carbone. Cette évolution devra néanmoins s’appuyer sur la formation continue et sur des investissements technologiques afin d’éviter la délocalisation des emplois hors du Québec », conclut Guillaume Legendre, directeur général de CoeffiScience.

Dans les prochains mois, le groupe de travail sur la main-d’œuvre compte amorcer une série de rencontres avec les représentants gouvernementaux du Québec et du Canada afin de faire part des principaux constats issus de leurs travaux.

Pour consulter le rapport du groupe de travail : http://bit.ly/2mBinNZ

Origine du Groupe de travail sur la main-d’oeuvre
À l’automne 2016, des intervenants des milieux de l’économie verte et de l’économie sociale se rencontraient afin d’amorcer une réflexion sur les implications de la transition énergétique pour la société québécoise à laquelle ont participé initialement la Caisse d’économie solidaire Desjardins, le Chantier de l’économie sociale, le CIRODD, la CSN, le CPQ, COPTICOM, la Fondation David Suzuki, le Mouvement Desjardins et le RNCREQ. Les participants ont identifié trois chantiers de réflexion sur lesquels portent plus précisément leurs travaux, soit (1) les marchés publics ; (2) l’impact de la transition énergétique sur la main-d’oeuvre ; et (3) l’endettement et la surconsommation. Une première collaboration en 2016 a donné lieu à une série des recommandations afin d’optimiser le rôle des marchés publics comme levier au développement économique durable et solidaire.

Le Groupe de travail sur la main-d’œuvre s’est ensuite créé pour produire un rapport qui se veut un tour d’horizon des enjeux soulevés par le deuxième chantier.

 

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