Pour plusieurs d’entre nous, c’était notre première participation au Forum social mondial (FSM). Et pour tout vous dire, nous avons été impressionnés. Nous sommes des militantes et des militants pour la plupart de longue date, mais ce que nous avons appris en une semaine à Tunis a dépassé nos attentes et se résume en quelques mots : changer le monde reste possible. Et c’est plus que jamais nécessaire.
Dans un monde désormais ouvert aux accords de libre-échange, le néocapitalisme, agissant en pouvoir supranational, impose ses lois sur les marchés et dicte sa volonté aux gouvernements. Un mot d’ordre ? : le profit d’abord. En quinze ans, le clivage socioéconomique a dépassé tout entendement. Ce capitalisme à outrance, par son caractère mondialiste, n’a engendré que la pauvreté, le chômage, la violence, la destruction de l’environnement, le terrorisme et les guerres. Dans ce contexte, la tenue du FSM a toute sa pertinence et son sens?: dénoncer cet état désastreux du monde qui, par des pratiques impérialistes et néocolonialistes effrénées, risque de conduire l’humanité au désastre. Quatre-vingts individus vivant sur notre planète disposent en 2015 d’une fortune estimée, selon un rapport d’Oxfam, à plus de 7000 milliards de dollars. Il s’agit d’un revenu équivalent à celui dont disposent les 3,5 milliards d’individus les plus pauvres. Inimaginable.
À Tunis, du 24 au 28 mars 2015, plus de 45 000 personnes de 120 nations sont venues exprimer leur mécontentement face au mépris qu’affiche le système capitaliste à l’égard des populations les plus démunies. C’est au nom de la dignité humaine et des droits fondamentaux que la lutte se poursuit, jusqu’à l’établissement d’une justice mondiale fondée sur le partage équitable des richesses entre les citoyens du monde.
Quelques jours après les attentats du Bardo, nous sentions une Tunisie déterminée à se tenir debout devant un acte aussi inutile que violent. Au cours des jours qui ont suivi, nous avons entendu à maintes reprises des mots de reconnaissance pour notre présence, interprétée comme un geste de solidarité.
Bougie d’allumage du printemps arabe, les réformes souhaitées par la société tunisienne se font attendre aujourd’hui. Le pouvoir d’achat continue à se détériorer depuis la révolution et les femmes n’ont pas rattrapé le terrain qu’elles ont perdu si rapidement sous Ennahda. Nous avons entendu les jeunes dénoncer leur difficulté à faire entendre leur voix. Il semble par ailleurs que la Tunisie soit un bassin florissant pour le recrutement de jeunes hommes que l’État islamique incite à se «?former?» à l’extérieur du pays (dont ici, au Canada) pour y revenir par la suite. Selon plusieurs analyses, ces faits sont la conséquence directe de la pauvreté mondialisée. Capitalisme et patriarcat se renforcent. La Tunisie est cependant toujours debout et au front pour défendre ses droits.
La lutte continue et la résistance s’organise. Des milliers de jeunes, dans un élan d’unité dans la diversité, à l’image du monde qu’ils voudraient construire, ont répondu présents à l’appel de Tunis. Ils étaient là pour condamner un système qui ne procure à l’humanité que désolation et misère. C’est à eux qu’appartient le changement du monde. Opposer au mondialisme l’intermondialisme, c’est possible.
La délégation CSN-CCMM-FNEEQ : Ghassan Hélou, Linda Boisclair, Renée Levasseur, Jean Murdock, Alain Ouimet, Rock Beaudet, Wedad Antonius, Sylvie Dupont, Julie Marquis et Nathalie Guay