Depuis déjà neuf ans, le gouvernement conservateur s’attaque sans remords aux institutions démocratiques d’un océan à l’autre tout en faisant obstacle aux acteurs de la société civile qui osent lui bloquer le chemin. Sur le plan environnemental, le premier ministre éprouve toutefois des difficultés à contourner la résistance des peuples qui refusent sa vision de l’exploitation pétrolière et qui s’opposent au transport non réglementé des hydrocarbures.
Le 11 avril dernier, plus de 25 000 personnes ont pris d’assaut les rues de Québec pour se porter à la défense de l’environnement et pour s’opposer au programme de Stephen Harper et de ses amis de l’industrie pétrolière. Les manifestants ont enjoint les élu-es canadiens à mettre en place des politiques favorisant la réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) pour respecter les objectifs établis en 2009 lors du Sommet COP15 de Copenhague. Cette marche s’est ajoutée à une vague de contestations des politiques d’exploitation hypercapitalistes du gouvernement Harper.
« Coule pas chez nous »
Malgré sa réélection en 2011 et l’obtention de son premier gouvernement majoritaire, le premier ministre n’arrive pas à mettre en œuvre le développement d’oléoducs pour faciliter la commercialisation du pétrole des sables bitumineux de l’Alberta. La construction de l’oléoduc Keystone XL, projet chouchou du gouvernement, a été mise sur la glace grâce à la pression de mouvements citoyens provenant des deux côtés du 49e parallèle. L’oléoduc Northern Gateway a connu un sort semblable en 2014 face à une forte résistance des peuples autochtones de la Colombie-Britannique. Au Québec, le projet Énergie Est a récemment été reporté au moins jusqu’en 2020 après que TransCanada ait plié sous les cris des citoyennes et des citoyens qui s’opposaient à la construction d’un port méthanier en plein cœur d’une pouponnière de bélugas.
Pour Melina Laboucan-Massimo, membre de la Première nation des Cris du Lubicon et responsable de la campagne Halte aux sables bitumineux pour Greenpeace, il s’agit d’importantes victoires qui méritent d’être célébrées. « Il y a dix ans, ces conversations ne faisaient pas partie du débat public. Mais la population commence à comprendre l’urgence de la situation et à se rallier aux cris d’alarme des groupes autochtones et environnementalistes. »
Tout n’est pas joué
Selon le dernier rapport de la commissaire à l’environnement et au développement durable du Canada, le gouvernement s’écarte de ses obligations internationales de réduction de GES. Il s’est également attaqué au ministère de l’Environnement en lui imposant d’importantes compressions financières ainsi que l’abolition de quelque 300 postes, principalement de scientifiques. Les conservateurs ont éliminé la protection de la majorité des cours d’eau canadiens : des 2,5 millions de lacs et de rivières protégés, il en reste tout juste 159 qui le sont conformément aux lois fédérales.
« C’est une attaque aux droits ancestraux et aux droits issus des traités. Nos communautés sont les plus frappées par ce racisme environnemental parce qu’elles sont les plus près de l’extraction néocoloniale des ressources naturelles. Plus personne ne peut pratiquer la médecine traditionnelle parce que tout est contaminé : l’eau, le sol, les plantes. Nos jeunes comme nos vieux sont en train de mourir de cancers qu’on n’a jamais connus auparavant », dénonce Mme Laboucan-Massimo.
La lutte pour préserver l’environnement devra maintenant faire face à la criminalisation de la dissidence avec l’adoption du projet de loi C-51, mais « malgré l’adoption de cette loi orwellienne, nous devons continuer à nous battre. Le Canada doit assurer la transition vers les énergies renouvelables et la création d’emplois verts » , conclut Melina Laboucan-Massimo.