Au cœur de la forêt, bien en amont des scieries et des usines de pâtes et papiers, les travailleurs et les travailleuses sylvicoles s’activent afin de rendre possible l’industrie forestière. Disséminés partout dans la province, travaillant au centre de zones forestières éloignées, ces ouvriers et ces ouvrières créent de nouvelles forêts, les entretiennent et en font la coupe. « Nous sommes des bâtisseurs de forêts ! », lance Thierry Charbonnel, sylviculteur et trésorier du syndicat.
Pourtant, leur travail est méconnu tout comme les conditions difficiles dans lesquelles ils l’exercent. Cette année, le Syndicat national de la sylviculture (SNS-CSN) mène une négociation coordonnée pour que leurs conditions soient ajustées à la réalité du 21e siècle.
En finir avec des conditions d’une autre époque
C’est sur ce thème que les travailleuses et travailleurs ont amorcé leur négociation coordonnée, car à plusieurs égards, leurs conditions sont dignes du siècle dernier. En effet, leur rémunération est dépendante de leur rendement et les dépenses pour l’acquisition et l’entretien des outils de travail sont à la charge des salarié-es. Considérant qu’il s’agit d’un travail saisonnier, le travail à forfait les force à pousser leur cadence au maximum, quitte à ignorer leur santé et leur sécurité.
Bien que le SNS-CSN ait fait certains gains par le passé, notamment sur la question des équipements de sécurité (un montant est versé sur chaque paie), les patrons sont souvent très réfractaires à l’idée d’en accorder davantage. Il faut savoir que les différents employeurs sont subventionnés par le gouvernement. Ici aussi, l’austérité frappe les travailleurs et les travailleuses. Malgré cela, en plus de certains gains locaux, le syndicat a réussi à obtenir 2 % supplémentaires en vacances pour les salarié-es ayant plus de 20 ans d’ancienneté et des libérations syndicales en période de négociation.
Le paradoxe sylvicole
Malgré les conditions très difficiles dans lesquelles ils œuvrent, et bien qu’ils soient tous très critiques envers celles-ci, aucun des travailleurs sylvicoles rencontrés ne voudrait changer de travail. René Martel, président du SNS-CSN, pointe le paysage et s’exclame : « C’est notre quotidien, le bois, les montagnes et les animaux, que veux-tu de mieux ? » La quiétude de la forêt contraste avec les difficultés de leur emploi. Richard, un ancien col bleu, insiste : « Je ne retournerais plus travailler en ville, ici c’est dur, mais t’as la paix. Pas de boss, tout seul dans le bois ! »
Les sylviculteurs sont fiers, ils étaient heureux d’exposer leur quotidien et de nous en parler. La rancœur face à leurs conditions de travail laisse parfois la place à leur passion pour la forêt. Toutefois, alors que les ficelles du métier se transmettaient autrefois de génération en génération, la chaîne semble se briser. « J’aime ma job, mais je ne voudrais pas que mes enfants suivent mes traces, je leur souhaite mieux. » C’est à travers ces mots, lancés par un délégué en pleine assemblée syndicale au mois de mai, que le paradoxe sylvicole s’exprime le mieux.