Pour la Confédération des syndicats nationaux, bien que plusieurs des objectifs que poursuivra le gouvernement fédéral dans la renégociation de l’ALENA visent juste, la vigilance restera de mise. Ainsi, la CSN s’inquiète des conséquences que pourrait avoir cette entente pour l’épanouissement de la culture québécoise et les services publics. Par ailleurs, la réouverture de l’ALENA doit être l’occasion de renforcer les mécanismes de défense des droits du travail et de protéger la capacité des États à intervenir pour défendre le bien commun sans risquer des poursuites abusives de la part d’investisseurs s’estimant lésés.
La vice-présidente de la CSN, Caroline Senneville, rencontrera demain la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, pour faire le point sur les nombreux enjeux soulevés par la renégociation de l’ALENA. « Des déclarations officielles du gouvernement canadien, nous comprenons que les enjeux liés au travail, à l’égalité entre les genres, aux droits des autochtones et à l’environnement, seront au cœur des priorités canadiennes : c’est une bonne nouvelle, explique Caroline Senneville. Par exemple, les mécanismes prévus actuellement pour défendre les travailleuses et les travailleurs s’avèrent inefficaces dans le contexte de la libéralisation du commerce qui entraîne une pression à la baisse sur les conditions de travail. La ministre reconnaît elle-même que les inégalités de revenu sont une préoccupation pour le Canada et que trop de villes et trop de vies ont été brisées par les fermetures d’usines et par le travail précaire. Il faut nous assurer que les travailleuses et les travailleurs des trois pays signataires profitent du commerce, que ses fruits soient plus équitablement distribués ».
De plus, un traité de libre-échange ne peut remplacer la mise en place d’une politique industrielle proactive capable de générer des emplois de qualité et un véritable développement économique dans les diverses régions du pays.
Marchés publics
Par ailleurs, la CSN sera vigilante face à la volonté affichée des gouvernements d’ouvrir davantage les marchés publics. Il ne faudrait pas que cela mène à une privatisation de facto, sans débat, de nos services publics. L’approvisionnement local, notamment par l’entremise d’exigences de contenu local, ne constitue-t-il pas une pièce maîtresse dans la lutte aux changements climatiques, le maintien des emplois locaux et le développement des régions ?
Des secteurs à protéger
La CSN partage la volonté d’Ottawa de maintenir l’exception culturelle existante à l’ALENA. Toutefois, les nouvelles technologies numériques ont transformé radicalement le paysage culturel depuis la signature de l’ALENA. Par exemple, des géants du Web ont bouleversé le domaine culturel, notamment en réalisant des profits à partir de contenus qu’ils n’ont pas créés, sans contribuer au fonds des médias et à la fiscalité nationale. Le gouvernement fédéral est en train de revoir actuellement les règlementations et les politiques à cet égard et il ne faudrait pas que l’ALENA vienne fermer la porte à tout changement en ce sens.
De même, la CSN appuie la reconduction de la protection de la gestion de l’offre en agriculture, mais déplore l’absence de toute référence à la nécessité d’exclure les services publics des négociations dans le récent discours de la ministre Freeland.
Protection du bien commun
Enfin, la CSN souhaite que la réouverture de l’ALENA permette de retirer le chapitre 11 de l’accord en vertu duquel des entreprises qui se sentent lésées par des lois ou des règlements visant à protéger le bien commun peuvent poursuivre les États. Plusieurs poursuites engagées par les entreprises visent des décisions légitimes prises démocratiquement par les élu-es pour protéger l’environnement ou les droits de la personne. Rappelons la poursuite de 250 millions de dollars de Lone Pine Ressources à la suite du moratoire contre l’exploitation et l’exploration de gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent.
Transparence
« Nous devons souligner que, cette fois, le gouvernement canadien a opté pour une approche plus transparente en consultant les institutions de la société civile, en présentant clairement ses objectifs. Nous saluons cette approche, enchaîne Caroline Senneville. C’est la seule façon de construire l’unité à l’interne et de permettre aux représentants canadiens de demeurer fermes sur les enjeux qui nous tiennent particulièrement à cœur ».