Le 7 septembre 2015, jour de la Fête du travail, l’Organisation internationale du travail (OIT) affirmait que le précariat devient la norme dans le monde du travail. Les travailleuses et les travailleurs du secteur public québécois ne font pas exception : la sécurité d’emploi s’érode de plus en plus dans toutes les catégories d’emploi.
Les salarié-es à statut précaire représentent 35,5 % du personnel dans le secteur public, alors que 16 % d’entre eux travaillent à temps partiel. C’est donc dire que 51,5 % des salarié-es n’ont pas de sécurité d’emploi. Pour Eve-Lyne Couturier, chercheuse à l’Institut de recherche et d’information socio-économique (IRIS), « il y a un gros problème avec l’obtention de la permanence dans le secteur public. Pour certaines personnes, la précarité prend la forme de contrats de travail de six mois ou d’un an qui peuvent se renouveler durant 15, voire 20 ans », affirme-t-elle.
Les effets de la précarité d’emploi sont très néfastes pour les travailleuses et les travailleurs, et ce statut comporte des conséquences qui peuvent s’avérer dramatiques : perte d’autonomie professionnelle, incapacité d’entreprendre des projets à long terme, insécurité financière, stress et détresse psychologique. « Lorsqu’on a un emploi précaire, on est beaucoup plus dépendant de la performance à court terme, ce qui crée une pression énorme. Avoir un horizon d’emploi sur le long terme permet de mieux répartir son travail dans le temps et ainsi de mieux gérer son stress. La solution la plus efficace pour régler ce problème serait d’ouvrir davantage de postes permanents », ajoute Mme Couturier.
La chercheuse estime que même si les précaires sont syndiqués et biens défendus par leur syndicat, individuellement, ils ressentent davantage de pression que leurs collègues permanents. « Il est aussi plus difficile de faire valoir ses droits. Un travailleur précaire hésite beaucoup plus à prendre des congés ou à porter plainte lorsqu’il est victime d’une injustice dans son milieu de travail », conclut-elle.
La formation continue dans le réseau collégial
Les enseignants de la formation continue donnent des cours le soir et sont souvent livrés à eux-mêmes. Pour Isabelle Bouchard, enseignante au cégep de Jonquière, « le secteur de la formation continue carbure à la précarité, on n’y trouve presque pas d’enseignants permanents ». À une certaine époque, les chargé-es de cours se servaient de la formation continue comme revenu d’appoint et travaillaient à temps plein ailleurs. Cette tendance s’est inversée. « L’étude que nous avons récemment réalisée démontre que 50 % des enseignants de la formation continue sont les mêmes profs précaires qu’on retrouve au régulier », confirme Isabelle Bouchard.
Les chargé-es de cours de la formation continue ne sont payés que pour leur enseignement. « Lorsqu’ils assistent à des réunions, ils sont payés de différentes façons, parfois on paie leur lunch ou on leur donne des jetons échangeables contre de l’argent. Les employeurs considèrent cette pratique comme de la rémunération. C’est scandaleux ! », s’indigne l’enseignante.
Précarité rime avec incertitude et stress. Les chargé-es de cours vivent cette pression chaque début de session. « Souvent, les enseignants se font appeler la veille pour donner un cours le lendemain. S’il n’y a pas assez d’étudiants qui restent inscrits au cours, on ne le rappelle pas. Il aura tout préparé pour rien, sans être payé », déplore-t-elle.