En retardant depuis des mois la construction d’une buanderie publique autofinancée au coût de 21,4 millions de dollars, le ministre Gaétan Barrette se rend-il coupable de céder à une influence malsaine de la part d’un compétiteur privé frustré d’avoir perdu un appel d’offres, il y a un an et demi ? Après des années d’analyses et de démarches, le ministre a conclu que la solution publique était la meilleure en comparaison du secteur privé, en l’occurrence la Buanderie Blanchelle inc. Que s’est-il passé dans le dossier de la buanderie Lavérendière, dans Lanaudière, alors que dans le même temps, un autre projet public, Partagec à Québec, a reçu l’aval du ministre et que les travaux de construction vont bon train ?
Le respect des règles
Dans sa décision du 24 mars 2016, le ministre justifiait son choix du public en se basant notamment sur une étude sérieuse et indépendante réalisée par la firme Raymond Chabot Grant Thornton sur la viabilité des projets de buanderies publiques en comparaison du secteur privé. Il concluait que la mise en commun des résultats d’un appel d’offres avec les analyses du secteur public avait permis d’appuyer sa décision de garder ces services dans le secteur public, en s’assurant de la rentabilité du modèle retenu.
Or, deux jours plus tard, le 26 mars 2016, le propriétaire de Blanchelle, Pierre Ferron, fustigeait cette décision ministérielle sous prétexte d’un traitement inéquitable envers le secteur privé, impliquant des enjeux de près de 55 millions de dollars. Buanderie Blanchelle a pu compter sur cinq lobbyistes renommés payés à prix fort (en plus de près de 100 000 $ versés en frais d’inscription au registre des lobbyistes) pour tenter d’obtenir la révision du programme de construction de buanderies publiques.
Déjà en 2014, deux lobbyistes œuvraient à tenter de « convaincre le gouvernement de cesser d’investir dans la construction de nouvelles buanderies publiques et de confier plutôt ces services au secteur privé, qui, aux dires de Blanchelle inc., peut le faire mieux et à meilleur coût, notamment en procédant par appel d’offres et non par des décisions unilatérales (sic !) », selon les mandats apparaissant au registre des lobbyistes.
Les cibles de ces lobbyistes ? Le ministère de la Santé et des Services sociaux, le ministère des Finances, le ministère du Conseil exécutif, le premier ministre (ministère du Conseil exécutif) et le Secrétariat du Conseil du trésor. Les moyens de communication utilisés ? Des rencontres, des communications écrites et des appels téléphoniques auprès des décideurs publics dont des ministres, le tout derrière des portes closes.
Un acharnement aveugle
En outre, Buanderie Blanchelle a frappé aux portes du Vérificateur général et de la Commission permanente de révision des programmes, apparemment sans succès. À l’évidence, Blanchelle n’a jamais accepté les règles du jeu, sauf celles qui consistent à user de tous les moyens à sa disposition pour tenter d’influencer de façon indue les décideurs.
Pour leur part, la cinquantaine de travailleuses et de travailleurs de la Buanderie Lavérendière et les décideurs de Lanaudière ont respecté entièrement les règles du jeu, en présentant un projet assurant à la fois le maintien des buanderies dans le secteur public ainsi que des emplois bien rémunérés, sans cette contrepartie que sous-tend la notion de profit à tout prix, même au détriment de l’éthique publique.
Le ministre doit mettre fin à l’incertitude créée par certains chantres de la privatisation, et donner les autorisations nécessaires pour, enfin, permettre le début des travaux de construction et ainsi rassurer la population de Lanaudière et les travailleuses et travailleurs concernés. Au ministre de montrer qu’il peut se soustraire à toute forme d’influence pour mieux préserver l’intérêt public.
Jean Lacharité, vice-président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN)