Pays basque
Effervescence syndicale
Les huit dernières années ont été mouvementées au Pays basque, frappé de plein fouet, comme toute l’Europe, par la crise économique. La centrale syndicale ELA (Solidarité travailleurs basques), revendiquant quelque 100 000 membres au Pays basque espagnol a été très active pour dénoncer le train de politiques antisociales et anti-ouvrières imposées par les gouvernements dans la foulée de la crise.
Le démantèlement des acquis sociaux a entraîné une forte hausse des inégalités au Pays basque, une tendance qui va en s’accélérant alors que l’économie renoue avec la croissance et crée de nouveaux emplois, pour la plupart précaires. En coalition avec d’autres syndicats et des organisations sociales, l’ELA a organisé pas moins de cinq grèves générales au cours des dernières années afin de dénoncer ces politiques d’austérité ainsi qu’une sixième pour promouvoir, cette fois, une charte des droits sociaux.
L’effritement du filet social a aussi provoqué une recrudescence des grèves et des luttes ouvrières. « Plusieurs grèves ont lieu en ce moment même, explique le secrétaire général d’ELA, Adolfo Munoz. Par exemple, le personnel des centres d’hébergement et de soins aux personnes âgées est en grève depuis plus de 200 jours. »
Pour les gouvernements de droite tant au niveau national que régional, l’ELA dérange. La centrale porte des revendications sociales en matière de partage de la richesse, de santé, d’éducation et de fiscalité. Pour le patronat et pour la plupart des politiciens, son rôle devrait se limiter aux relations de travail, point final. Il faut savoir qu’en Espagne, les organisations syndicales reçoivent des sommes de l’État pour participer à diverses structures de concertation. L’ELA ne partage pas cette orientation et se targue d’être complètement indépendante tant aux plans politique que financier.
La semaine prochaine, l’ELA tiendra d’ailleurs son propre congrès. La question de l’action sociale dans les syndicats sera au programme, de même qu’un vaste chantier sur l’équité entre les genres, en partant de l’ELA elle-même. Après avoir mené un diagnostic complet de la situation, l’ELA s’apprête à revoir l’ensemble de ses pratiques comme organisation, bref sa propre culture syndicale, afin de favoriser l’équité entre les genres. Des horaires des instances aux pratiques quotidiennes, tout sera évalué dans l’atteinte de cet objectif. Pour Adolfo Munoz, c’est un des moyens qui permettront à l’ELA de passer à travers une conjoncture économique difficile et de renouer avec les conquêtes sociales.
France
Des rendez-vous importants
Pour Force ouvrière, la réforme annoncée du Code du travail et la révision des traités européens mobiliseront beaucoup d’énergie au cours des prochains mois.
Le nouveau président français, Emmanuel Macron, souhaite, en fait, aller plus loin dans les réformes engagées par son prédécesseur, François Hollande, qui avaient suscité un vaste mouvement d’opposition des syndicats.
Un des points les plus sensibles sera la décentralisation des négociations pour qu’elles se déroulent entreprise par entreprise. Actuellement, les grands paramètres sont négociés nationalement. Les salarié-es des petites et moyennes entreprises sont donc particulièrement à risque de voir leurs conditions de travail se dégrader.
« Si nous ne sommes pas entendus, il est clair que nous reprendrons le chemin de la mobilisation ! » explique la secrétaire confédérale de FO, Andrée Thomas.
À la suite de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, il faudra réviser les traités de l’union. Pour les syndicats européens, ce sera l’occasion de défendre une Europe sociale, par exemple en instaurant un seuil de salaire minimum équivalent dans tous les pays d’Europe.
Brésil
Course contre la montre
La Centrale unique des travailleurs du Brésil (CUT) est engagée dans une lutte sans merci avec le gouvernement issu du coup d’État constitutionnel d’août 2016. Le décompte est commencé pour une deuxième journée de grève générale prévue le 30 juin.
Selon Carmen Helena Ferreira Foro, vice-présidente nationale de la CUT issue du secteur de l’agriculture familiale, le peuple brésilien a choisi d’appuyer dans quatre élections successives le programme de réforme sociale du Parti des travailleurs et de rejeter le programme néolibéral. Elle nous raconte qu’alors que les élections de 2014 ont été extrêmement serrées, les opposantes et opposants au PT ont profité d’une procédure de destitution pour imposer un programme néolibéral qui n’a jamais obtenu de majorité électorale.
Actuellement, la CUT se mobilise pour que les travailleuses et les travailleurs ne subissent pas de reculs de leurs droits et ne perdent pas d’acquis. L’État attaque les classes populaires sur plusieurs fronts, entre autres avec des projets de contre-réformes du droit du travail et de la sécurité sociale. De plus, la politique fiscale du gouvernement s’avère désastreuse : afin de consacrer 45 % du budget au remboursement de la dette interne, le gouvernement propose de geler pendant 20 ans les investissements publics et de permettre à des multinationales d’exploiter les ressources naturelles du pays comme l’eau ou le pétrole. Résultat : « il ne reste presque plus rien pour maintenir les dépenses en santé et en éducation », dénonce Mme Foro.
Face à cette situation, la CUT a deux grands axes d’intervention, explique la syndicaliste : la lutte contre les contre-réformes et la revendication d’élections générales directes. En effet, comme une procédure de destitution est en cours contre l’actuel président et son vice-président, le risque est grand que le prochain gouvernement soit une fois de plus choisi parmi les élus du Sénat et qu’il n’y ait pas d’élections directes à court terme.
Or la majorité de la population s’oppose aux projets de l’actuel gouvernement et la centrale syndicale est confiante que le projet néolibéral ne sortirait pas victorieux des urnes. La mobilisation sociale prend donc de plus en plus d’ampleur. Après des manifestations monstres des syndicats et des mouvements sociaux durant la première année suivant le coup d’état constitutionnel, la CUT s’est tournée vers une lutte acharnée contre les projets précis du gouvernement.
Depuis la fin 2016, l’affrontement est de plus en plus frontal sur la question des dépenses publiques et la répression policière féroce. Une grève générale très suivie a paralysé le pays au printemps. Une opération « Occupons Brasilia » fut suivie par 200 000 personnes et a tourné en affrontement de trois heures avec la police. Une deuxième grève générale est programmée pour le 30 juin.
Pour la CUT, l’enjeu est de savoir qui, du peuple ou du gouvernement, tiendra la minute de plus permettant de mettre en échec les projets néolibéraux et de rétablir la démocratie.
La CUT en bref
- La plus grande centrale syndicale d’Amérique latine
- Plus de 13 000 syndicats
- 18 secteurs professionnels
- 20 millions d’affilié-es
- 8 millions de cotisantes et cotisants*
- 33 % des syndiqué-es du Brésil
*Les affilié-es ont le choix de cotiser ou pas à la confédération
Argentine
Thérapie de choc néolibérale et résistances populaires
L’Argentine vit actuellement une période difficile. Selon Julio Durval Fuentes, de la Central de los trabajadores argentinos autònoma (CTA-A), le néolibéralisme frappe le pays de plein fouet après une accalmie de plusieurs années de gouvernement progressiste. « On revient au point où nous en étions avant la crise de 2001, qui a vu cinq présidents se succéder en huit jours sur fond de soulèvement social, les mêmes recettes sont appliquées avec les mêmes résultats désastreux », explique le syndicaliste invité international au congrès de la CSN.
Dès son arrivée au pouvoir à la fin 2015, le gouvernement de Mauricio Macri a montré ses couleurs en intégrant plusieurs gestionnaires issus de l’entreprise privée (par exemple le ministre de l’Énergie est un ancien dirigeant de Shell). « Ce gouvernement est un représentant des groupes économiques présents dans le pays », dénonce le délégué de la CTA-A. Les premières mesures du gouvernement ont frappé extrêmement dur : ouverture des marchés à l’importation, dévaluation de la monnaie, politique inflationniste, licenciements massifs dans la fonction publique. En un an et demi, le pays a perdu 600 000 emplois.
« La réponse ne s’est pas fait attendre du côté des travailleuses et des travailleurs », raconte M. Fuentes. « En ce moment, l’Argentine vit une période de mobilisation permanente où se succèdent grèves générales, grèves sectorielles et mobilisation de rue des syndicalistes et du peuple en lutte contre les politiques d’appauvrissement et pour défendre ses droits. » Selon lui, on revient au niveau de mobilisation et de chaos social du début des années 2000.
Développer des alliances
« Pour sortir de cette situation de gouvernement néolibéral, il faut examiner les causes qui nous ont amenés là », pense le camarade Fuentes. « Un des enseignements de la période de gouvernement progressiste en Argentine et sur le reste du continent, c’est qu’il n’y a pas de capitalisme à visage humain, le capitalisme doit être confronté, régulé et encadré parce que si on laisse les choses aller, le système devient rapidement une menace pour l’environnement et la société. »
La CTA-A souhaite construire les alliances les plus larges possible avec les mouvements sociaux, féministes, écologistes. « La classe ouvrière ne s’exprime pas que dans les syndicats, elle est également présente dans ses combats », estime le syndicaliste. Le défi des alliances est de créer un lien fort et permanent entre mouvements, sans hégémonie syndicale, afin de rassembler une force et une masse critique. « C’est dans cette unité populaire que l’on peut développer des alternatives politiques qui vont mettre la table pour un changement en profondeur de la société. »