Photo : Pascal Ratté

Racisme systémique

Comprendre le racisme pour s’y attaquer

Michael Brown, Sandra Bland, Trayvon Martin, Eric Garner. Les ravages du racisme systémique chez nos voisins étatsuniens font beaucoup parler depuis quelques années. Mais cette violence ne se limite pas au sud du 49e parallèle.

Les victimes de la brutalité policière au Québec et au Canada ont, elles aussi, des noms qui méritent de ne pas être oubliés : Freddy Alberto Villanueva, Sammy Yatim, Abdi Abdirahman, Jean-Pierre Bony. Le décès de ce dernier, abattu par la police en avril dernier à Montréal-Nord, a été la goutte qui a fait déborder le vase pour plusieurs groupes antiracistes du Québec. Depuis, ils réclament la tenue d’une commission parlementaire sur le racisme systémique afin d’examiner ses effets et sa portée à travers l’ensemble des sphères de la société civile et des institutions québécoises. La campagne pour la tenue de cette commission est principalement menée par des militantes et militants de Montréal Noir, de Québec inclusif, de l’Association des Musulmans et des Arabes pour la laïcité au Québec, et du Réseau jeunesse des Premières Nations du Québec et du Labrador.

D’emblée, notons que le racisme est par définition systémique et qu’il ne se limite pas aux propos et gestes discriminatoires et aux préjugés d’une poignée d’individus incultes. Le racisme est un système conçu pour favoriser l’avancement social et économique basé sur la race, avantageant et protégeant avant tout les « groupes privilégiés » au détriment des « groupes racisés ». Ce système produit et reproduit des inégalités criantes qui se manifestent dans tous les domaines de la société : l’éducation, la justice, le travail, la santé, etc.

Se regarder dans le miroir

Certes, plusieurs pensent que les problèmes de racisme sont moins graves au Québec et au Canada qu’ailleurs en Amérique du Nord, mais de nombreuses études dénotent une réalité bien plus sombre.

En fait, un Picard ou un Cloutier ont 60 % plus de chance d’être convoqués à un entretien d’embauche qu’un Abdallah ou un Setshwaelo. Au cours de la dernière décennie, la population carcérale d’origine autochtone a grimpé de 46 %, et celle des Noirs, de 90 %. À Montréal, bien que 30 % de la population soit racisée, à peine 6 % des postes de la haute direction de la fonction publique sont occupés par des personnes issues des communautés racisées. Quant à l’Assemblée nationale, il n’y a que cinq députés sur 125 élus qui viennent de groupes racisés.

Pour un syndicalisme inclusif et antiraciste

Le 25 août dernier, la CSN a joint sa voix à celle des groupes qui revendiquent la tenue d’une commission parlementaire sur le racisme systémique. Pour Emilie Nicolas, présidente de Québec inclusif, il est essentiel que le mouvement syndical emboîte le pas dans la lutte contre le racisme et qu’il s’oppose, lui aussi, aux politiciens et aux autres influenceurs qui sont plus à l’aise de discuter de ce qui se passe aux États-Unis que de s’attaquer aux problèmes d’ici. « Ce n’est pas parce qu’on n’est pas en Arabie saoudite qu’on n’a pas besoin d’avoir un mouvement féministe au Québec, explique-t-elle. Qu’on dise qu’il y a certains endroits dans le monde où la situation est pire est une stratégie pour faire dévier la conversation et éviter de s’attaquer aux problèmes vécus quotidiennement ici. »

D’ailleurs, Emilie Nicolas incite tous les syndicalistes à s’engager dans la lutte antiraciste en utilisant les outils à leur disposition afin de renforcer le message des communautés racisées sur l’urgence d’une commission parlementaire. « Les gens issus de groupes racisés sont des citoyens à part entière et non des citoyens de seconde zone, et le gouvernement nous appartient autant qu’il appartient à tout le monde. Ce message doit être entendu dans les coulisses du pouvoir ! »

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