Les compressions, pertes d’emplois et fermetures de salles de nouvelles se multiplient partout au Québec depuis quelques années, comme ailleurs dans le monde. En cinq ans, la presse écrite a perdu le tiers de ses effectifs, selon les dernières données de l’Institut de la statistique du Québec. « C’est la conséquence de revenus publicitaires en chute libre et qui sont engrangés de plus en plus par les géants américains du web tels Google ou Facebook, qui eux, ne produisent aucun contenu chez nous », déplore Pascale St-Onge, présidente de la FNC–CSN. « Tant qu’un cadre règlementaire et fiscal ne viendra pas protéger nos médias, je ne vois vraiment pas pourquoi la courbe s’inverserait », ajoute la présidente qui en appelle à une intervention urgente des gouvernements fédéral et provincial.
Jeunes et moins jeunes migrent vers internet. L’idée n’est pas de lutter contre ce phénomène, mais bien de baliser la transition numérique de nos salles de nouvelles afin d’assurer la survie d’une information de qualité, produite ici, pour les gens d’ici. La Fédération nationale des communications (FNC–CSN) et la Confédération des syndicats nationaux (CSN) ont donc confié à la firme MCE Conseils le mandat de produire une étude pour identifier des moyens d’intervention pour soutenir le secteur dans son adaptation au nouvel environnement technologique et commercial.
Recommandations
De façon urgente et pour une période transitoire, la FNC–CSN recommande à l’État de soutenir la presse écrite qui est particulièrement fragilisée. Il faut dire que, contrairement à la télévision, cette dernière n’est à peu près pas financée par l’État.
La fédération propose donc les trois mesures suivantes : (A) un crédit d’impôt remboursable sur la masse salariale, inspiré de ce qui existe dans le secteur des titres multimédias ou de la production cinématographique et télévisuelle. Encore une fois, l’objectif est de maintenir les emplois et d’assurer la production de contenu québécois.
Aussi, le gouvernement du Québec devrait contribuer financièrement et inciter à (B) l’adaptation des pratiques commerciales pour augmenter la capacité de mise en marché des producteurs de contenus d’information québécois. Aujourd’hui, les investissements québécois en matière de publicité sur les plateformes internet et mobiles représentent près de 25 % des dépenses des annonceurs. « La presse écrite est le principal segment touché par l’érosion de ses parts de marché. C’est de l’argent directement versé aux États-Unis à des entreprises qui ne paient aucune taxe à la consommation au Québec », explique Claude Dorion, directeur général de MCE Conseils. Afin d’ériger une barrière entre l’État et le 4e pouvoir, un tel crédit d’impôt dédié à augmenter la mise en marché devrait être administré par un organisme parapublic autonome et compétent tel que la SODEC.
Enfin, le gouvernement du Québec devrait bonifier d’au moins 3 millions de dollars son actuel Plan culturel numérique de 115 millions de dollars en ajoutant (C) un volet « médias » pour soutenir l’innovation des sites de presse en ligne et des nouvelles plateformes qui offrent des publications numériques quotidiennes d’information politique et générale.
Ces trois recommandations transitoires engagent la responsabilité de l’État afin qu’il s’assure de la viabilité de la presse. Le droit à l’information et le rôle névralgique de la presse écrite dans le débat démocratique justifient à eux seuls cette intervention.
Cependant, à moyen et long terme, ces mesures ne sauront garantir l’avenir de l’information au Québec et au Canada, que ce soit en ce qui concerne la presse écrite, la télévision, la radio ou même les plateformes numériques.
Aussi, ces trois propositions ne doivent pas avoir pour effet de libérer certains joueurs importants de leur responsabilité à plus long terme. La FNC–CSN invite donc les gouvernements à mettre en place le plus rapidement possible des mesures afin de forcer les géants du web à contribuer au financement de la production de contenus et à la fiscalité des pays où ils font des affaires.
Comme évoqué lors du colloque « L’information : le 4e pouvoir sous pression » en mai dernier, plusieurs avenues peuvent être étudiées :
- une taxe aux entreprises de nouvelles technologies, telles Google et Facebook, qui utilisent nos infrastructures pour rejoindre le public canadien ;
- une redevance télévisuelle distribuée aux médias de l’information ;
- une taxe sur les services internet ;
- une taxe additionnelle sur les achats d’équipement électronique par les ménages et entreprises.
« Les Québécoises et les Québécois doivent pouvoir compter sur une information riche, partout, alimentant des réflexions de fond sur la politique, l’économie, la société, la culture et l’actualité en général, afin de jouer leur rôle de citoyen et d’électeur de manière éclairée. À terme, il en va de la survie de la démocratie », de conclure Jacques Létourneau, président de la CSN.