Boissons alcooliques artisanales

Québec doit consolider la place de la SAQ

Bien que favorable au fait de permettre le développement de l’industrie des produits alcoolisés artisanaux, la CSN s’inquiète de plusieurs aspects du projet de loi 88, Loi sur le développement de l’industrie des boissons alcooliques artisanales, et craint que celui-ci ouvre une nouvelle brèche au privé dans le secteur de la vente des produits de l’alcool. Sa participation à la commission parlementaire ayant été refusée, la CSN entend tout de même faire connaître publiquement sa position dans le débat.

Une brèche qu’il faut absolument éviter d’ouvrir
La plus grande inquiétude de la CSN est que ce projet de loi ne soit que le premier jalon vers une privatisation du marché des produits de l’alcool. Le gouvernement Couillard profite d’un sujet populaire, le développement de l’industrie des boissons alcoolisées artisanales, pour démanteler pièce par pièce la position qu’occupe la SAQ sur ce marché. « C’est très préoccupant, actuellement, on semble instrumentaliser cette industrie pour faire avancer un autre agenda politique, celui de la libéralisation et du démantèlement d’un fleuron du Québec, soutient Jean Lortie, secrétaire général de la CSN.

Moins de contrôle dans le privé
Pour la CSN, il faut tenir compte de l’opinion de la vaste majorité des experts en santé publique, qui s’entendent pour dire que pour limiter les méfaits liés à l’usage des produits de l’alcool, la distribution devrait en être assurée par un monopole public. La SAQ a développé une sensibilité pour ces enjeux, comme en témoignent les 800 visites de clients-mystères mineurs en 2014-2015, dont 93,7 % ont vu leur demande refusée après l’intervention des employé-es. « Nos membres en succursales ont été sensibilisés depuis longtemps à l’éthique de vente, ils ont donc développé des réflexes afin d’éviter de vendre aux mineurs ou à des personnes en état d’ébriété », affirme Alexandre Joly, président du Syndicat des employé-es de magasin et de bureau de la SAQ (SEMB SAQ-CSN).

La CSN se demande si le gouvernement a réfléchi au danger que représente une augmentation de la présence de produits de l’alcool dans les épiceries et autres points de vente privé. « Est-ce que les employé-es de ces magasins auront la même sensibilité ? se questionne Alexandre Joly. La SAQ ce n’est pas qu’une entreprise commerciale juste là pour vendre davantage. La SAQ a aussi un rôle social à jouer et nos membres sont les mieux placés pour maintenir cet équilibre. »

Un laboratoire pour vérifier la provenance et s’assurer de la qualité des produits
Le projet de loi 88, tel qu’il est formulé actuellement, ne prévoit pas que les boissons alcoolisées artisanales soient produites exclusivement à partir de produits de l’agriculture québécoise. La CSN craint donc que l’ouverture de ce nouveau marché augmente la pression sur les producteurs, les poussant ainsi à s’approvisionner à l’extérieur du Québec.

La CSN constate également que le projet de loi actuel ne prévoit pas l’obligation de faire analyser les produits par le laboratoire de la SAQ pour en vérifier la provenance et s’assurer de leur qualité. Ces analyses pourraient donc être effectuées par des laboratoires indépendants, ce que déplore la présidente du Syndicat du personnel technique et professionnel de la Société des alcools du Québec (SPTP SAQ CSN), Sandrine Thériault : « Nous avons développé une expertise mondialement reconnue, nous nous assurons de la qualité de tous les produits vendus au Québec en analysant quelque 15 000 produits annuellement, pourquoi ne pas rendre obligatoire l’analyse par le laboratoire de la SAQ ? Il me semble que le libellé actuel est risqué, tant sur le plan de la provenance que sur celui de la qualité des produits mis en marché. »

Une violation des accords internationaux ?
La CSN s’interroge aussi sur la vigilance du gouvernement en matière d’application des accords internationaux. Pour l’organisation syndicale, le projet de loi 88 présente des risques de contrevenir au principe du traitement favorable (principe qui fait obligation à un pays d’accorder aux autres le même traitement qu’à ses propres ressortissants) prévu à certains accords internationaux conclus avec le reste de l’Amérique du Nord (ALENA), l’Europe (AECG) ou encore le fameux Partenariat transpacifique (PTP) qui vient tout juste d’être signé. Le Québec pourrait-il être poursuivi par des producteurs ou des distributeurs étrangers ? Aux yeux de la CSN, oui.

La CSN est en faveur du développement de l’industrie des boissons alcoolisées et elle est convaincue que cela peut se faire en s’appuyant sur la SAQ. « Il faut que la société d’État joue un rôle proactif dans le développement de cette industrie, ce qui constituerait un élément structurant autant pour ce secteur ainsi que pour l’ensemble de l’agriculture québécoise. Le rôle de la SAQ est déjà considérable, mais peut-être qu’elle peut en faire davantage », lance Jean Lortie. Pour la CSN, le gouvernement doit aussi s’impliquer plus activement, notamment par l’élaboration d’une politique globale de développement de cette industrie.

À propos
Le SEMB SAQ-CSN représente quelque 5500 membres répartis sur tout le territoire du Québec. Le SPTP SAQ-CSN représente quelque 700 membres, à Montréal et à Québec.

La Confédération des syndicats nationaux (CSN) représente quelque 325 000 travailleuses et travailleurs œuvrant dans tous les secteurs d’activité et regroupés dans plus de 2000 syndicats.

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