Un grand nombre d’organisations ayant à cœur le développement durable et la pérennité du territoire et des activités agricoles, dont la CSN, craignent pour l’avenir de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) et de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA).
La Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles (CAPERN) a terminé hier l’examen des orientations, des activités et de la gestion administrative de la CPTAQ. Or, cet exercice a été mené dans un climat particulièrement inquiétant. « L’attitude des élus porte à penser que l’exercice vise à faire mal paraître la CPTAQ alors que son travail est déterminant au regard de la protection des terres agricoles, une richesse collective qu’il faut préserver pour les générations futures, au même titre que l’environnement », a déclaré le président général de l’Union des producteurs agricoles, Marcel Groleau.
Rappelons que la zone agricole cultivée ne représente que 2 % du territoire québécois. Malgré la rareté de cette ressource, un certain nombre d’intervenants ont tout de même profité des audiences de la CAPERN pour demander des assouplissements à la LPTAA et aux procédures de la CPTAQ. Certains ont même proposé de transférer une partie des pouvoirs de la CPTAQ aux municipalités. Ces dernières, de plus en plus confrontées à la pression des promoteurs immobiliers et à l’intolérance d’un certain nombre de citoyens envers la pratique quotidienne de l’agriculture, peuvent toutefois difficilement protéger les activités agricoles.
« La zone agricole est déjà amputée d’environ 4000 hectares chaque année par le biais d’exclusions, d’implantations et d’agrandissements d’usages non agricoles. Tous les dix ans, c’est l’équivalent de la superficie de l’île de Montréal qui disparaît. Est-il raisonnable de demander plus de flexibilité alors que 80 % des demandes, toutes catégories confondues, sont déjà acceptées par la CPTAQ ? », s’est questionné le président général de l’UPA.
Karel Mayrand, directeur général de la Fondation David-Suzuki pour le Québec et porte-parole pour le Mouvement Ceinture verte, a abondé dans le même sens. « La zone agricole est une partie intégrante de la ceinture verte que nous souhaitons voir apparaître sur le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal. L’adoption en 2011 du Plan métropolitain d’aménagement et de développement était un pas dans cette direction. Il serait irresponsable d’aller à l’encontre d’un cadre consensuel et cohérent qui vise à concilier le développement urbain, la protection des milieux naturels et l’agriculture ».
« Les impacts des changements climatiques, tels que la sécheresse dramatique qui sévit en Californie, nous démontrent à quel point nos terres agricoles sont précieuses et le deviendront de plus en plus », a déclaré Steven Guilbeault, directeur principal d’Équiterre. « Il nous faut de nouveaux modèles de développement qui ne reposent pas sur plus d’étalement urbain sur nos meilleures terres agricoles », a-t-il ajouté.
« L’utilisation optimisée du territoire en zone blanche permet d’accueillir toute la croissance démographique prévue dans la majorité des municipalités québécoises. Il faut donc dorénavant rejeter tout dézonage agricole, et ainsi envoyer le signal aux développeurs qu’il faut construire des milieux plus compacts et moins énergivores. Dans ce contexte, il est hors de question d’affaiblir la CPTAQ ou la LPTAA », a pour sa part indiqué Christian Savard, directeur général de Vivre en Ville.
L’heure n’est définitivement pas à l’assouplissement de la LPTAA et des procédures de la CPTAQ, bien au contraire. L’analyse des orientations, des activités et de la gestion administrative de la CPTAQ ne doit pas être un prétexte pour remettre en question la pertinence des lois. Il faut plutôt s’assurer que la CPTAQ dispose des moyens nécessaires pour accomplir sa mission qui est de protéger et garantir la protection du territoire et des activités agricoles. « Il faut cesser de voir les territoires agricoles, exploités ou non, comme des zones en attente d’urbanisation. Les élus de la CAPERN doivent faire preuve de discernement et questionner les motivations profondes de ceux qui réclament des assouplissements. L’avenir de notre garde-manger est en jeu », ont déclaré messieurs Groleau, Mayrand, Guilbeault et Savard.