Dans un mémoire qu’elle vient de déposer, la CSN exprime ses inquiétudes relativement à plusieurs aspects du projet de loi 59 sur les discours haineux. « Dans son état actuel, le projet de loi compromet sérieusement la liberté d’expression. Il risque également d’empêcher le gouvernement d’atteindre ses objectifs de renforcement de la protection des personnes ainsi que de prévention et de lutte contre les discours haineux et incitant à la violence », a déclaré le secrétaire général de la CSN, Jean Lortie.
Selon lui, le caractère flou et subjectif de la notion de discours haineux pourrait entraîner des dérapages et le développement d’une culture de dénonciation. Le projet de loi prévoit également que la Commission des droits de la personne et de la jeunesse devra assurer la mise à jour, sur son site Internet, d’une liste des personnes déclarées coupables par le Tribunal des droits de la personne d’avoir tenu un discours haineux ou incitant à la violence. « Nous éprouvons un malaise profond face à la création d’une telle liste noire de condamnés. Les personnes figurant sur cette liste risquent la stigmatisation, notamment en matière d’embauche », poursuit Jean Lortie. Jean Lortie rappelle aussi qu’il existe déjà un recours criminel en matière de propagande haineuse. « Quelle est la pertinence d’un autre recours au civil en cette matière? », questionne-t-il.
Les enseignants plus surveillés La partie du projet de loi visant les établissements d’enseignement est aussi très préoccupante pour la CSN, puisqu’elle accorde des pouvoirs de sanction au ministre de l’Éducation à l’égard de tout « comportement pouvant raisonnablement faire craindre pour la sécurité physique ou morale » des étudiants ou des élèves. « Un établissement d’enseignement qui tolère un tel comportement pourrait être privé de financement, et les établissements privés pourraient voir leur permis révoqué. Une telle épée de Damoclès au-dessus de leur tête est inadmissible », ajoute Jean Lortie, très préoccupé par la remise en cause de la liberté académique des enseignantes et enseignants.
« De peur d’être sanctionnés, les enseignants pourraient développer une retenue excessive lors de discussions en classe ou encore se montrer frileux dans le choix des thèmes abordés dans les cours. Pourtant, l’école doit être un lieu qui expose l’étudiant à différents courants de pensée, qui favorise les débats et qui développe l’esprit critique. Le projet de loi pourrait avoir un effet paralysant à cet égard », ajoute-t-il. La CSN estime que c’est par la prévention et l’éducation qu’on peut le mieux enrayer les manifestations haineuses ou violentes. La sensibilisation et l’information du public de même que l’éducation aux droits et libertés devraient aussi être privilégiées comme moyens d’enrayer le discours haineux et les propos discriminatoires. « À cet égard, les compressions dans les sommes qui devaient servir aux campagnes gouvernementales contre l’homophobie et la transphobie ou la lutte à l’intimidation dans les écoles sont incompréhensibles », conclut Jean Lortie.