Pour Alain Savard, auteur du livre Organiser, mobiliser, gagner et conférencier invité à l’ouverture de ce congrès, l’élection de Donald Trump et la montée en puissance des mouvements d’extrême droite marquent la fin d’une ère : celle où le libéralisme économique allait de pair avec les droits démocratiques et la liberté d’expression.
Conseiller syndical de la Fédération du commerce (FC–CSN), Alain Savard en sait quelque chose : c’est lui qui accompagnait à la table de négociation le syndicat de l’entrepôt DXT4 d’Amazon à Laval, premier syndicat de la multinationale accrédité au Canada.
Les mandats donnés par Amazon à ses avocats étaient clairs : rien ne devait contrevenir au droit de gérance absolu de l’employeur, que ce soit en matière d’octroi des horaires de travail ou d’imposition de mesures administratives. Rien ne devait non plus contrevenir à l’algorithme et à l’intelligence artificielle faisant office de gestionnaires, pour leur part inexistants. Surtout, ne rien conventionner, pas même les services existants.
Tout, chez Amazon, est géré par l’intelligence artificielle. Chacun des petits retards est comptabilisé, les employé-es fautifs se faisant retrancher des « points » sur une échelle dont l’utilisation demeure inconnue. Quoi qu’il en soit, cette échelle joue sans aucun doute un rôle lors des vagues régulières de mises à pied qui, chaque fois, touchent quelques douzaines d’employé-es précaires – jusqu’à la dernière de toutes, le 22 janvier, responsable de la perte de plus de 4700 emplois au Québec.
« Un coût énorme, bien supérieur à ce qu’aurait coûté l’ensemble de nos demandes sur 10 ans », souligne Alain Savard.
La Silicon Valley aux commandes
Pour Alain Savard, la syndicalisation d’Amazon remet en question « tout le modèle d’affaires des entreprises liées aux nouvelles technologies et qui ont l’intelligence artificielle au cœur de leur développement ».
Avec la montée en puissance des algorithmes, « les firmes de la Silicon Valley ont évacué l’être humain des processus décisionnels. Ceux-ci demeurent, ils continuent à déplacer des boîtes avec leurs bras, mais c’est l’intelligence artificielle qui octroie les horaires de travail, qui impose les cadences de travail et qui conçoit les routes de distribution. Et pour Amazon, la moindre règle, le moindre élément de convention collective qui viendrait intervenir contre l’algorithme constitue un accroc à son modèle d’affaires.
Avec les patrons de la Silicon Valley et Donald Trump au pouvoir, tout cela constitue la base d’un autoritarisme très préoccupant pour les libertés syndicales.
Le syndicalisme, rempart contre le pouvoir
Plus que jamais, propose Alain Savard dans Organiser, mobiliser, gagner, les travailleuses et les travailleurs doivent organiser leur milieu de travail pour résister à ces nouvelles formes d’oppression.
L’ouvrage renferme les enseignements du syndicalisme d’organisation – plus porteur de changement, selon l’auteur, que le syndicalisme de représentation ou de mobilisation – accumulés par le mouvement syndical américain regroupé autour du collectif Labor Notes. Ces enseignements misent surtout sur la reconnaissance des leaders naturels, leur mise en réseau et le renforcement de leurs capacités, notamment par la formation.
Voilà pourquoi cette expertise a été reprise puis adaptée par la FC–CSN, qui a ajouté la formation Organiser, mobiliser, gagner au calendrier de formations offertes par la fédération.