Le ministère de l’Éducation doit assurer les salaires dans le transport scolaire

La CSN interpelle Bernard Drainville, ministre de l’Éducation, afin qu’il maintienne à l’emploi des chauffeuses et des chauffeurs de véhicules scolaires, dans l’éventualité d’un prolongement des grèves dans le secteur public. Ceux-ci pourraient être mis à pied dès le 30 novembre, suivant l’application de clauses de contrats entre les transporteurs et les centres de services scolaires.

« Les grèves actuelles du secteur public risquent de se prolonger et, en ce sens, nous interpellons le ministre de l’Éducation afin qu’il s’assure, par voie de directive, qu’il n’y ait pas de mises à pied économiques dans le transport scolaire, syndiqué ou non, particulièrement dans le contexte actuel d’inflation et de pénurie de main-d’œuvre qui touche durement ce secteur, souligne Caroline Senneville, présidente de la CSN. Depuis plus de 100 ans, quand il y a des grèves dans un secteur, la CSN est et sera toujours solidaire de celles et de ceux qui ont décidé de recourir à ce moyen de pression ultime afin d’améliorer leurs conditions de travail. Nous sommes également très sensibles aux impacts indirects d’un débrayage sur les travailleuses et travailleurs, qui pourraient perdre temporairement leur gagne-pain à cause du prolongement d’un conflit de travail auquel ils ne prennent pas part. »

À partir du 30 novembre prochain, un grand nombre de chauffeuses et de chauffeurs pourraient être mis à pied en raison de clauses dans les contrats entre les transporteurs et les centres de services scolaires qui prévoient une diminution de 50 % des sommes versées à leurs employeurs. Cette réduction risque d’occasionner des démissions, réduisant ainsi la capacité des transporteurs à assurer un service fiable et sécuritaire dès la fin des conflits.

« Le secteur du transport scolaire vit déjà une crise, qui a un impact direct sur l’attraction et la rétention des chauffeuses et chauffeurs de véhicules scolaires. Nous avons donc des routes qui, chaque jour scolaire, ne sont pas couvertes par ce service pourtant garanti aux parents et aux élèves par les centres de services scolaires. Des ententes récentes sont enfin venues bonifier les conditions de travail de centaines d’entre elles et eux, mais nous redoutons l’effet de mises à pied économiques qui viendraient précariser davantage le service et réduire encore leur revenu annuel, qui avoisine les 25 000 $, ajoute Frédéric Brun, président par intérim de la Fédération des employées et employés de services publics–CSN. Le ministre peut agir en ce sens et nous l’invitons à le faire dès que possible. »

La FEESP–CSN compte plus de 425 syndicats affiliés représentant 65 000 membres œuvrant dans le domaine des services publics et parapublics. Le Secteur transport scolaire de la FEESP–CSN regroupe près de 3000 membres conduisant des autobus et des berlines scolaires.

Aujourd’hui, on écrit l’Histoire

Le jeudi 23 novembre 2023 est une journée qui passera à l’Histoire.

Aujourd’hui, nous sommes 570 000 travailleuses et travailleurs en grève, soit plus de 10 % de la population active québécoise. Jamais dans l’histoire du Québec, du Canada et même de l’Amérique du Nord (depuis la grève d’AT&T en 1983), n’avons-nous été si nombreux à faire valoir ce droit pour améliorer notre condition.

Peut-être qu’en lisant ces lignes vous nous entendez, depuis la rue, avec nos crécelles et nos cris. Peut-être entendez-vous les klaxons d’encouragement que nous recevons de la population.

Sachez que nous débrayons pour vous aussi.

Oui, nous avons grandement besoin d’améliorer nos salaires qui sont en retard par rapport au reste des travailleuses et des travailleurs du Québec.

Oui, nous avons besoin d’améliorer nos conditions de travail et de pratique pour attirer du monde et cesser l’exode qui affaiblit les services publics.

Mais si nous sommes dans la rue aujourd’hui c’est aussi pour vous, vos enfants, vos parents, vos proches. C’est pour pouvoir continuer de les soigner, de les soutenir, de les servir et de leur enseigner. C’est pour que les générations qui viennent puissent, elles aussi, bénéficier de l’expertise exceptionnelle des travailleuses et des travailleurs de nos services publics.

Des 570 000 personnes dans la rue aujourd’hui, 450 000 sont des femmes. Celles qui ont été tenues pour acquises pendant des siècles, au nom de leur soi-disant vocation. Aujourd’hui encore, cette idée de « vocation » n’est jamais bien loin. Certains dinosaures oseront le dire tout haut, alors que plusieurs le pensent tout bas.

Notre lutte est donc aussi celle de femmes qui se tiennent debout et qui disent « ça suffit! ». Notre profession, nous l’aimons, mais n’ayons pas peur des mots, c’est un travail. Un travail souvent difficile, un travail qui se paie à sa juste valeur.

Aujourd’hui, François Legault et son gouvernement passeront à l’Histoire, mais pour les mauvaises raisons. Cela faisait longtemps qu’une colère aussi grande nous avait envahis. Les mots nous manquent pour exprimer notre désarroi devant la manière dont la CAQ traite ses « anges gardiens ». Désobligeant, déplorable, déconnecté, duplessiste et sexiste sont les premiers mots qui nous viennent à l’esprit. Imaginez la suite.

Si vous nous croisez aujourd’hui, venez nous appuyer le temps d’un instant. Passons à l’Histoire toutes et tous ensemble, pour doter le Québec de services publics pour tout le monde.

 

Caroline Senneville, présidente de la CSN

Éric Gingras, président de la CSQ

Magali Picard, présidente de la FTQ

Robert Comeau, président de l’APTS

Julie Bouchard, présidente de la FIQ

Mélanie Hubert, présidente de la FAE

Guillaume Bouvrette, président du SPGQ,

au nom des 570 000 travailleuses et travailleurs des services publics en grève.

La ministre Freeland n’en fait pas assez pour contrer la hausse du coût de la vie

Malgré différentes nouvelles annonces dans son énoncé économique d’aujourd’hui, la ministre Freeland n’en fait pas encore assez pour juguler la crise du logement quand on sait qu’il manque quelque 3,5 millions d’unités d’ici 2030 pour répondre à la demande dans le secteur résidentiel canadien. Or, on sait que l’inflation est plus élevée sur les loyers que sur l’ensemble des dépenses des ménages. Le logement représente par ailleurs 30 % et plus des dépenses du tiers des locataires au Canada. De 2015 à 2022, l’OCDE a calculé que le prix de l’habitation a progressé 43 % plus rapidement que les revenus au Canada ! L’étau se resserre !

« Il y a des pas dans la bonne direction, mais l’ampleur de la tâche pour régler la crise du logement est telle que nous aurions souhaité un plan encore plus vigoureux et qui se met en marche beaucoup plus rapidement, notamment au Québec », affirme Caroline Senneville, présidente de la CSN. Cette dernière rappelle que la hausse du coût pour se loger est rapide et que c’est celle qui fait le plus mal au budget d’une majorité des ménages. Or, il n’y a que 141 M$ d’argent frais pour 2024-2025 dans le volet logement !

Freeland appuie sur le frein

Le déficit budgétaire est encore maîtrisé par rapport au PIB et le Canada est dans la meilleure position des pays du G7 à cet égard. « Le resserrement budgétaire pour 2023-2024, avec seulement 0,8 % de hausse des dépenses de programmes, s’apparente de plus en plus à de l’austérité », insiste la présidente de la CSN.

Assurance-emploi

 L’ajout de quatre semaines de prestations additionnelles pour les travailleuses et les travailleurs saisonniers est une bonne chose, mais il en faudrait plus. « On demande toujours 15 semaines de plus pour les personnes qui travaillent dans les industries saisonnières et surtout, une solution permanente et une réforme globale du régime », indique Caroline Senneville.

Médias

La CSN salue la bonification du crédit d’impôt sur la masse salariale journalistique, mais souligne sa déception de voir les journalistes radio et télé exclus de la possibilité de bénéficier de ce crédit. L’organisation syndicale fait remarquer que les nombreuses pertes d’emplois, notamment en région, touchent l’ensemble des médias.

Assurance médicaments

La CSN rappelle par ailleurs que le gouvernement actuel s’est engagé à mettre en place un régime d’assurance médicaments universel. Elle souligne que le moment pour réaliser cette promesse aurait été le bon, car l’assurance médicaments donnerait un répit financier à la population et aux entreprises.

Environnement

Dans son dernier budget, la ministre Freeland voulait transformer l’économie canadienne pour la rendre plus propre. Force est de constater que l’abandon de la taxe carbone sur le mazout pour le chauffage n’envoie pas le bon signal. « La suspension de la taxe carbone est un mauvais signal et c’est incohérent avec la lutte aux changements climatiques. On aurait par ailleurs souhaité de nouveaux investissements en transport en commun », ajoute Caroline Senneville.

À propos

Fondée en 1921, la CSN est une organisation syndicale qui œuvre pour une société solidaire, démocratique, juste, équitable et durable. À ce titre, elle s’engage dans plusieurs débats qui intéressent la société québécoise. Elle regroupe plus de 330 000 travailleuses et travailleurs réunis sur une base sectorielle ou professionnelle dans 8 fédérations, ainsi que sur une base régionale dans 13 conseils centraux, principalement sur le territoire du Québec.

 

 

 

Le Front commun demande la conciliation

Alors que le mouvement de grève historique des 420 000 travailleuses et travailleurs des réseaux de l’éducation, du collégial et de la santé et des services sociaux s’amorce partout à travers le Québec cette semaine, le Front commun annonce qu’il a interpellé le ministre du Travail, jeudi dernier, afin de faire intervenir un conciliateur à la table de négociation.

« À contexte d’exception, mesure exceptionnelle. Demander l’intervention d’un conciliateur à la table centrale, ça ne s’est jamais fait! », ont lancé les porte-parole du Front commun, François Enault, premier vice-président de la CSN, Éric Gingras, président de la CSQ, Magali Picard, présidente de la FTQ, et Robert Comeau, président de l’APTS.

Le Front commun souligne que cette initiative vise à générer un réel mouvement dans la négociation et à faire cheminer les parties vers une entente. « Depuis le début, le gouvernement joue largement dans l’espace public et sur les réseaux sociaux. Nos membres sont tannés de ces stratégies de relations publiques au détriment de réels travaux aux tables et nous aussi. La conciliation apparaît donc comme une voie de passage pour avancer vers une autre étape et arriver à un règlement satisfaisant », d’indiquer les leaders syndicaux, qui insistent sur le sérieux de la démarche.

S’il est vrai que les négociations du secteur public sont hautement politiques et que l’opinion publique joue un rôle important, il importe que les travaux soient menés aux tables. Or, à l’heure actuelle, quoi qu’en dise le gouvernement, ce n’est pas le cas.

L’histoire du Forum paritaire Québec autochtones de 1993

L’implication de la CSN auprès des autochtones ne date pas d’hier. La CSN a tenu, le 2 octobre, un midi-causerie dans le cadre de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation avec les peuples autochtones pour revenir sur un évènement marquant de 1993 où la CSN était un acteur de premier plan.

Gérald Larose, président de la CSN de 1983 à 1999, est venu expliquer l’histoire du Forum paritaire Québec Autochtones, tenu en 1993, qu’il avait co-présidé à l’époque avec Roméo Saganash. Des recommandations constructives pour une réelle réconciliation avaient été dégagées, mais n’ont jamais été appliquées par la suite. 

Katia Lelièvre, vice-présidente de la CSN et responsable du groupe de travail sur les réalités autochtones, a fait le point sur les actions actuelles et à venir de la CSN en lien avec les Premières Nations et les Inuit.

Version courte du midi-causerie   

Version intégrale  

 

Sondage en santé et services sociaux : qu’est-ce que ça va prendre pour que le gouvernement nous entende ?

À quelques jours d’une nouvelle séquence de grève, la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN) dévoile les résultats d’un vaste sondage sur les conditions de travail du personnel du réseau. Surcharge de travail, postes vacants et salaire insuffisant sont les maux qui frappent les travailleuses et les travailleurs. Près d’un an après le début de la négociation, le gouvernement tarde toujours à prendre le taureau par les cornes.

La parole aux travailleuses et aux travailleurs

  • Le sondage électronique mené du 30 octobre 2023 au 10 novembre 2023 a permis de rejoindre 20 900 travailleuses et travailleurs du réseau de la santé et des services sociaux.
  • Le salaire insuffisant (selon 78 % des personnes interrogées), le manque de reconnaissance du gouvernement (30 %), les mauvaises conditions de travail (30 %) et les problèmes de gestion (30 %) sont les aspects qui rendent le quotidien au travail le plus difficile, selon les travailleuses et les travailleurs.
  • Pour 84 % des répondantes et des répondants, la charge de travail s’est alourdie dans les trois dernières années.
  • Les postes vacants sont un problème récurrent qui ne fait qu’accentuer la surcharge de travail. Par ailleurs, 72 % des personnes sondées indiquent qu’il y a des postes vacants dans leur département.
  • S’ajoute le fait que 70 % des répondantes et des répondants mentionnent qu’au cours des six derniers mois, des collègues n’ont pas été remplacés d’une à trois fois par semaine.
  • Finalement, 55 % des personnes sondées mentionnent songer à quitter le réseau.

« Si le gouvernement avait besoin d’un signal de plus que le temps presse, le voici ! Les travailleuses et les travailleurs le disent sans ambiguïté : leur charge de travail augmente sans arrêt. Pour devenir un employeur de choix, il va falloir en faire plus. Quand on lui dit aux tables de négociation, il ne nous entend pas. Maintenant que ce sont les travailleuses et les travailleurs qui leur disent, souhaitons qu’il entende raison. Investir dans nos services publics et celles et ceux qui les donnent, c’est un choix politique. Le gouvernement doit revoir ses priorités. Ce qui urge, c’est d’aider celles et ceux qui donnent des services dans le réseau, pas de donner des fonds publics aux richissimes propriétaires d’une équipe de hockey », explique Réjean Leclerc, président de la FSSS-CSN.

La négociation doit nous sortir du statu quo

Le sondage de la FSSS-CSN visait aussi à avoir le pouls des travailleuses et des travailleurs sur la négociation sectorielle en cours.

  • Seulement 11 % des personnes interrogées considèrent que la solution proposée par le gouvernement pour attirer et retenir le personnel dans les régions éloignées est la bonne.
    • Le gouvernement offre un montant forfaitaire au personnel acceptant d’aller travailler temporairement dans ces régions. Pour les répondantes et les répondants, la solution passe davantage par une augmentation des salaires et par des primes de disparité régionale.
  • Les personnes répondantes identifient des solutions qui permettraient d’améliorer leurs conditions de travail :
    • Bonifier et améliorer les règles et la rémunération pour les heures effectuées en temps supplémentaire et en disponibilité (selon 44 % des personnes sondées)
    • Introduire des ratios qui tiennent compte des besoins des usagères et des usagers dans certains services ou titres d’emploi (38 %)
    • Bonifier et améliorer les mesures de conciliation famille-travail-études (36 %)

« Les travailleuses et les travailleurs du réseau de la santé et des services sociaux s’attendent à ce que la négociation mène à des améliorations de leurs conditions de travail. Elles et ils ont besoin d’espoir pour continuer de desservir la population. Les mesurettes et les reculs du gouvernement ne font pas le travail. Le gouvernement dit qu’il veut parler d’organisation. Qu’il vienne le faire aux tables de négociation et ça presse ! », conclut Nadia Joly, représentante des professionnelles en soins de la FSSS-CSN.

La ministre Freeland doit répondre à la crise des médias d’information

Devant la multiplication des mauvaises nouvelles qui accablent le secteur des médias d’information, la ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland, doit agir rapidement. La CSN et la FNCC–CSN demandent à la ministre de profiter de sa mise à jour économique, prévue la semaine prochaine, pour annoncer trois mesures d’aide aux médias d’information.

La ministre doit d’abord égaler le Québec en élevant à 35 % (plutôt que 25) le crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique et en augmentant de 55 000 à 75 000 $ le seuil salarial maximal prévu par ce dernier. Les critères d’admissibilité doivent également être élargis afin d’inclure les médias électroniques (radio et télé) dans ce programme jusqu’à maintenant réservé à la presse écrite.

« Le crédit d’impôt à la masse salariale a été mis en place pour répondre à deux objectifs : pallier l’exode des revenus publicitaires vers les géants du numérique, tout en assurant le maintien des emplois pour ceux et celles qui produisent de la véritable information, à savoir les journalistes et les travailleuses et travailleurs de l’information. Il est temps de renforcer ce programme, alors que la chute des revenus est pire que jamais avec le retrait des nouvelles d’actualité des plateformes de Meta », rappelle la présidente de la FNCC–CSN, Annick Charette.

La ministre Freeland doit également mettre en place un fonds d’urgence pour les médias en difficulté, demande la FNCC–CSN. « Nous avons perdu Métro Média, les quotidiens de la CN2i doivent abolir des postes dans toutes les salles de rédaction, TVA coupe le tiers de ses effectifs : nous avons besoin d’un fonds spécial qui soit en mesure de pallier les urgences pour que cesse l’hécatombe », souligne Annick Charette.

Enfin, le gouvernement doit exiger de l’ensemble de ses ministères, sociétés d’État et organismes publics une politique intégrée d’achats publicitaires en soutien aux médias d’information.

Pour la présidente de la CSN, Caroline Senneville, l’heure n’est plus au simple boycottage de Meta. « Le gouvernement et l’ensemble de l’appareil public doivent se donner comme objectif d’axer leurs campagnes de publicité pour maintenir les médias d’information au cœur de l’équilibre démocratique québécois et canadien. Que ce soit en matière d’accessibilité aux services publics, d’éducation citoyenne ou de santé publique, le gouvernement fédéral dépense des sommes astronomiques en campagnes publicitaires. Qu’on cesse d’éparpiller nos fonds publics sur des plateformes étrangères et qu’on soutienne nos médias d’information », réclame la présidente de la CSN.

La FNCC–CSN regroupe 6 000 membres dans 80 syndicats œuvrant dans les domaines des communications, du journalisme et de la culture. Elle est l’une des huit fédérations de la CSN qui réunit près de 330 000 travailleuses et travailleurs des secteurs public et privé, et ce, dans l’ensemble des régions du Québec et ailleurs au Canada.

Organisation du travail : le gouvernement parle des deux côtés de la bouche

Alors que le gouvernement martèle que l’organisation du travail est sa priorité, les pourparlers font du surplace depuis des mois aux tables de négociation sectorielles. Pour accélérer les travaux, les organisations syndicales représentant le personnel de la santé et des services sociaux membre du Front commun ont proposé de nombreuses solutions, concernant entre autres l’organisation du travail. Bien que cela soit justement une priorité du gouvernement, celui-ci n’y répond pas aux tables de négociation.

« Chaque semaine nous rappelle à quel point la crise qui frappe notre réseau est majeure. Malgré cela, le gouvernement continue de proposer des reculs, des mesures temporaires ou ne s’adressant qu’à quelques titres d’emploi. Ce n’est pas avec le statu quo qu’on va réussir à attirer et à retenir le personnel. Nous avons fait des propositions, discutons-en ! », lancent Réjean Leclerc, président de la FSSS-CSN, Jessica Goldschleger, 1re vice-présidente de la FP-CSN, Josée Fréchette, 1re vice-présidente de l’APTS, Maxime Ste-Marie, président du Conseil provincial des affaires sociales (CPAS-SCFP), Sylvie Nelson, présidente du SQEES-FTQ et Isabelle Dumaine, présidente de la FSQ-CSQ.

Plus précisément, les solutions syndicales portaient sur des enjeux également priorisés par le gouvernement, soit la révision des primes en santé et services sociaux, le recours à la main-d’œuvre indépendante, l’aménagement du temps de travail, la rémunération du temps supplémentaire et les vacances. D’ailleurs, bien que la question des primes soit présentée comme une priorité gouvernementale, les porte-paroles patronaux peinent à répondre aux questions de la partie syndicale à ce sujet.

De son côté, le gouvernement a fait grand cas de sa priorisation aux tables sectorielles mais le constat est clair : ses propositions sont loin d’améliorer les conditions de travail du personnel. Alors qu’il prétend vouloir devenir un employeur de choix, il propose entre autres de déplacer le personnel selon son bon vouloir.

« Après avoir entendu tourner en boucle les cassettes de Sonia LeBel et de Christian Dubé sur la difficulté de négocier l’organisation du travail, c’est tout simplement incompréhensible de voir le gouvernement traîner de la patte. Cela force un questionnement quant à la bonne foi du gouvernement dans ces négociations. Il est temps qu’il arrête de spinner et qu’il passe aux choses sérieuses », ajoutent les porte-paroles.

Alors que la pression monte et que de nouvelles journées de grève sont prévues, les travailleuses et les travailleurs membres du Front commun – tout comme la population du Québec – s’attendent à ce que les parties patronales et syndicales travaillent vigoureusement à parvenir à une entente. Les organisations syndicales enjoignent au gouvernement de démontrer qu’il souhaite lui aussi régler rapidement ces négociations et se disent prêtes pour des travaux intensifs au cours des prochains jours.

Nouvelle convention collective pour les travailleuses et les travailleurs de l’information de La Presse

Le Syndicat des travailleurs de l’information de La Presse (STIP-FNCC–CSN) a signé son nouveau contrat de travail lundi. Le 3 novembre dernier, les membres avaient adopté, dans une proportion de 98,5 %, l’entente de principe survenue entre leur comité de négociation et la direction du quotidien montréalais.

« Nous sommes très heureux de la conclusion de la négociation et de l’appui des membres », a affirmé Janie Gosselin, présidente du STIP–CSN.

Des hausses salariales de 7 % s’appliquent aux employé-es dès la signature de la convention. Les salaires seront bonifiés de 2 % chaque année à partir de 2025, jusqu’à l’échéance de la convention, en 2027.

La majorité des employé-es aura aussi droit à une reclassification salariale variant entre 2,5 et 3,5 %, en fonction d’écarts constatés avec le secteur journalistique. Depuis 2016, les syndiqué-es n’avaient eu droit qu’à une seule augmentation de salaire, de l’ordre de 1 % en 2020.

La question de l’équité s’était retrouvée au cœur des négociations. Le STIP–CSN et La Presse ont conclu une lettre d’entente prévoyant la possibilité pour l’employeur de verser de la rémunération additionnelle en raison de l’expertise ou de la notoriété, selon des critères bien précis. La direction de La Presse s’est engagée à atteindre la zone paritaire dans le versement de ces bonus d’ici le 1er janvier 2024.

« Pour nous, c’était important que l’octroi de rémunération additionnelle soit balisé, transparent, et qu’il prévienne toute forme de discrimination », a souligné Janie Gosselin.

 

À propos

Le Syndicat des travailleurs de l’information de La Presse–CSN représente environ 200 journalistes, chroniqueuses et chroniqueurs, caricaturiste, photographes-vidéastes, pupitreurs et pupitreuses, réviseurs et réviseuses, recherchistes, chefs de division et graphistes. Le syndicat est affilié à la Fédération nationale des communications et de la culture (FNCC–CSN), qui regroupe 6 000 membres dans 80 syndicats œuvrant dans les domaines des communications, du journalisme et de la culture. Elle est l’une des huit fédérations de la CSN.

Maîtriser l’inflation sans nuire à celles et ceux qui travaillent

Jusqu’à maintenant, nos gouvernements réagissent au problème de l’augmentation du coût de la vie à la pièce. On envoie un chèque et l’on se contente de laisser aller la Banque du Canada avec sa hausse accélérée des taux d’intérêt. Le problème est si sérieux et si pernicieux qu’il faudrait une stratégie globale beaucoup plus élaborée.

Ça ne va plus. Ça fait mal à des millions de Québécoises et de Québécois. Des travailleuses et des travailleurs se retrouvent de plus en plus à la banque alimentaire. Un récent sondage montre que cette épreuve est le lot de 12 % du personnel de soutien scolaire ! Les loyers ou les hypothèques sont extrêmement difficiles à trouver et à payer et rognent le budget pour l’alimentation.

La dernière offre du gouvernement aux travailleuses et travailleurs du Front commun, à 10,3 % d’augmentation sur cinq ans, ne leur permettrait même pas de conserver la tête hors de l’eau. C’est encore un appauvrissement, puisque ce salaire ne suivrait pas l’inflation.

Il faut que les grandes entreprises comme les épiceries ou les pétrolières cessent d’engranger des profits records sur le dos du monde ordinaire. Quand on sait que les personnes à la tête de ces entreprises gagnent 243 fois le salaire moyen de leurs employé-es, on comprend qu’ils sont déconnectés des vrais problèmes actuels.

La CSN a fait plusieurs recommandations pertinentes en consultation prébudgétaire au fédéral pour casser ce cercle vicieux et faire en sorte que la vie soit enfin plus abordable. En voici quelques-unes :

  • Le gouvernement doit mettre en place des politiques complémentaires à celle de la Banque du Canada pour lutter contre l’inflation : mieux contrôler le prix des loyers et des habitations, investir dans la construction de logements hors marché, réduire le prix des services gouvernementaux ou les offrir gratuitement et augmenter les transferts financiers aux ménages à faibles revenus.
  • Instaurer un régime universel d’assurance médicaments.
  • Permettre aux travailleurs étrangers temporaires de changer d’employeur.
  • Bonifier le financement du transport en commun.

Salaire minimum

Rappelons par ailleurs qu’il est impératif d’augmenter le salaire minimum, lequel n’a jamais suivi l’inflation. Les personnes qui gagnent le salaire minimum, environ 60 % étant des femmes, ont beaucoup moins de marge de manœuvre que les autres quand la facture d’épicerie et le loyer augmentent. Nous le disons et le redirons tant qu’il le faudra, on doit hausser le salaire minimum de façon très importante. Ces travailleuses et ces travailleurs ont souvent montré leur très grande utilité sociale pendant la pandémie, cette augmentation est nécessaire et méritée.

Un toit avant tout

La question du logement en particulier devient centrale. La hausse du coût de la vie engendre de l’itinérance ou des gens qui sont mal logés et qui utilisent une beaucoup trop grande part de leurs revenus pour le faire.

À Montréal en particulier, les mises en chantier sont à un creux historique. Ça n’a aucun sens ! Démarrer plus de chantiers, ça va demander des bras, il n’y a pas de miracle. Il faudra donc une stratégie pour attirer et conserver encore plus de travailleuses et de travailleurs de la construction.

Nous demandons aux deux gouvernements de faire leur part pour nous sortir de cette impasse qui ne se règlera clairement pas en laissant le secteur privé mener le bal. Si ça marchait, on le saurait ! La débandade des services publics au profit du privé ne fait qu’accentuer l’appauvrissement des ménages et compromettre l’accès au logement.

En cette période d’inflation élevée, nous devons, plus que jamais, rester solidaires avec tous les salarié-es qui luttent pour continuer à améliorer leur sort, à commencer par celles et ceux du secteur public qui font Front commun.

 

Autopsie d’une grève imminente

Voilà un peu plus d’un an déjà, le Front commun et ses organisations membres déposaient leurs demandes aux différentes tables de négociation en vue du renouvellement des conventions collectives du secteur public. Devant l’inflexibilité du gouvernement depuis ce dépôt, la grève se pointe maintenant le bout du nez.

Des demandes qui sont souvent des solutions à des problèmes vécus depuis longtemps sur le terrain, dans les établissements de santé et de services sociaux, dans les écoles et dans les collèges. Les solutions n’ont aucun impact si elles sont proposées à un gouvernement qui, dans ses meilleures semaines, se contente d’observer la chute de nos réseaux publics. « On fait quoi avec un gouvernement qui nous prend de haut comme ça, qui refuse d’écouter ? ». Une question lancée par François Enault, 1er vice-président de la CSN et responsable de la négociation du secteur public, à laquelle il s’empresse de répondre : « On l’oblige à bouger, on lui montre toute l’ampleur de la force de frappe des 420 000 travailleuses et travailleurs du secteur public ».

Celles et ceux qui aident ont besoin d’aide

À compter de mars 2020, les services publics ont été propulsés malgré eux au-devant d’une crise sanitaire sans précédent. « Au cœur de la crise, le Québec a réalisé toute l’importance qu’ont nos services publics. Des “ anges gardiens”, voilà ce qu’on a dit des femmes et des hommes qui ont tenu le Québec à bout de bras », rappelle François Enault. « Si la population s’en souvient et en est encore reconnaissante, M. Legault et la CAQ ont rapidement oublié tout le travail accompli quand est venu le temps de discuter des améliorations à apporter aux conditions de travail et au salaire de ces centaines de milliers de personnes », poursuit-il.

Des solutions sur la table depuis un an déjà

Le 28 octobre 2022, plus de 2000 membres étaient venus accompagner les porte-paroles du Front commun au dépôt des demandes syndicales. « Dès cet instant, on sentait déjà la grogne », indique François Enault. « Deux mille personnes à l’étape du dépôt, c’est un signe clair, mais le gouvernement ne l’a pas entendu et, un an plus tard, il ne l’entend toujours pas ».

Alors que la crise sanitaire a exacerbé les enjeux et les défis qui touchent les salarié-es des réseaux publics, il aurait été normal de s’attendre à ce qu’au moins quelques-unes des solutions proposées soient accueillies avec bienveillance, sinon avec un peu d’écoute. « C’est insultant ! La partie patronale est au courant des problèmes, tout le monde connaît les problèmes, on en parle dans les médias chaque semaine », s’insurge François Enault, « mais quand les gens sur le terrain proposent des solutions, les patrons font la sourde oreille ».

Des dépôts patronaux qui frisent le ridicule

À la fin de décembre 2022, la présidente du Conseil du trésor, Sonia Lebel, et les comités patronaux de négociations présentaient leurs « offres » aux syndicats. Alors que les salarié-es réclament des augmentations importantes et justifiées, ainsi qu’un mécanisme pour les protéger face à une inflation hors de contrôle, le gouvernement répond maintenant par une offre de 10,3 % sur cinq ans, sous ses propres prévisions d’inflation et des attaques au régime de retraite. Là où les employé-es réclament des améliorations à leurs conditions de travail comme des outils pour contrer la surcharge et l’épuisement professionnel, et des améliorations à la conciliation famille-travail-études-vie personnelle, les employeurs répondent par des demandes de « souplesse », la possibilité de refuser plus facilement les congés, des horaires de travail plus longs, etc. François Enault est clair « c’était injurieux au moment du dépôt. Après un an sans mouvement significatif, je ne pense pas trouver de mots assez polis pour décrire la situation. Il ne reste qu’une solution pour faire comprendre au gouvernement le sérieux de nos demandes. »

Voyage au pays des essentiels

On les surnomme avec raison les « essentiels ». Ils sont partout. Que deviendraient sans eux nos services de santé, nos entreprises ou nos récoltes ? Ces personnes venues d’ailleurs apportent des savoirs indispensables. Sans elles, la société québécoise tournerait au ralenti. Depuis plusieurs années, la CSN a choisi de les accueillir, de faciliter leur intégration et de leur offrir des conditions de travail égales aux nôtres. Le défi est de taille, les embûches ne manquent pas, mais chaque jour nos syndicats font preuve d’une ouverture et d’une générosité remarquables. Portrait d’un syndicalisme inclusif.

Chez Beauce-Atlas de Sainte-Marie, une entreprise de charpente métallique, près de 30 % des employé-es sont des travailleurs étrangers temporaires, originaires des Philippines.

Comme quarante-cinq de ses camarades philippins, Ryan Mance est maintenant bien établi à Sainte-Marie avec sa femme et ses trois enfants. Le petit dernier est même né ici. Sans l’aide du syndicat, des collègues et des gens de la communauté, il affirme que rien de tout cela n’aurait été possible : « Nous avons eu beaucoup d’aide et j’ai réussi à développer mes compétences de machiniste. Ç’a été une opportunité de vivre une meilleure vie pour moi et ma famille. Je veux absolument obtenir mon statut de travailleur permanent et de citoyen canadien, je veux demeurer au Canada ». Comme la majorité des travailleurs étrangers temporaires, Ryan devra débourser des montants importants, faire preuve de patience et surtout maîtriser le français, qui est une troisième langue pour lui et ses collègues.

Son ami Wennie Varga, 38 ans, est devenu, lui, opérateur de pont roulant chez Beauce-
Atlas. Et comme il travaille à l’extérieur, il a dû s’adapter au grand froid. Depuis février dernier, sa famille est ici avec lui et il se sent en sécurité parmi nous. « Les gens de la communauté nous ont beaucoup aidés, l’accueil a été très bon, je ne regrette pas mon choix, j’aime la vie ici au Canada », affirme Wennie.

Parfois, l’arrivée massive de travailleurs étrangers donne lieu à des manifestations de racisme en milieu de travail. Chez Beauce-Atlas, la vigilance du syndicat et de l’employeur a permis de révéler les comportements déplacés d’un contremaître et de mettre en place une formation interculturelle obligatoire pour tous les employés de l’usine. Cette formation, payée par l’employeur, était destinée à briser les tabous et à apprendre aux gens à mieux se connaître, nous dit le directeur de production de l’usine, Patrice Fillion : « Certaines personnes disaient “ils viennent voler nos jobs”. Nous, on dit, ils sont là pour nous aider à maintenir la production. Il fallait changer les mentalités et je pense que ça a bien fonctionné. Il faut que les gens comprennent que ces immigrants-là font de méchants sacrifices pour arriver ici. C’est le message qu’on voulait lancer ». Et le message a été entendu comme en témoigne Doris Marcoux, trésorière du STT Beauce-Atlas : « Moi, je vois la différence. Il y a certains de mes collègues qui ont changé de comportement depuis la formation. Les mots racistes, c’est terminé. Il y a beaucoup de choses qui ont changé. C’est important que chacun comprenne vraiment la réalité de l’autre ».

Depuis 2019, ces « nouveaux Beaucerons » assurent le salut et l’avenir de l’entreprise. Car sans eux, nous dit Patrice Fillion, l’usine tournerait au ralenti : « Pour nous, ces gens sont vraiment essentiels, je ne sais pas ce qu’on ferait s’ils n’étaient pas là. Si on veut continuer à opérer, on a vraiment besoin d’eux ».

Pour garder ces travailleurs, l’employeur a dû faire preuve de souplesse, car le syndicat était bien déterminé à bonifier les conditions de travail de ces nouveaux employés qui disposent, par ailleurs, des mêmes droits et obligations que leurs collègues. Au chapitre des congés, les travailleurs philippins peuvent maintenant amasser une banque d’heures supplémentaires de six semaines qui leur permet, tous les deux ans, d’aller visiter leur famille demeurée là-bas.

Autres initiatives syndicales : le conseiller au dossier est bilingue et les assemblées se déroulent dans les deux langues. De plus, la convention collective est traduite en anglais et les titres d’emplois ont été modifiés pour permettre aux travailleurs étrangers temporaires de garder leur poste et de se conformer aux exigences très pointues d’immigration Canada.

Au fil des ans, les travailleurs philippins sont devenus de « vrais Beaucerons », accent local en moins. Leur intégration est un succès. On apprécie leur ardeur au travail et en prime, leur sourire. Pour Doris Marcoux, les travailleurs philippins sont plus que des collègues de travail : « On fait des sorties en dehors de l’usine, on fait du sport ensemble, ils sont devenus mes amis ».

Les Viandes du Breton, un modèle d’intégration

Les Viandes du Breton de Rivière-du-Loup accueille aujourd’hui au-delà de deux cents travailleurs guatémaltèques, algériens, marocains et tunisiens. C’est presque la moitié des effectifs de l’usine.

Nelson Geovany Par Costop est arrivé du Guatemala en 2017. Fuyant une situation économique très difficile, ce père de trois enfants a fait le choix du Canada, mais sa famille et ses amis sont restés au pays. Comme ses collègues travailleurs étrangers temporaires, il travaille fort, expédie pratiquement tout son argent dans son pays d’origine et profite des excellentes conditions de travail obtenues par son syndicat : « Notre convention collective est traduite en espagnol, le syndicat a beaucoup fait pour nous, nos assemblées syndicales se font en espagnol et notre représentant syndical Tony nous aide beaucoup. Notre convention prévoit mille dollars par année travaillée pour payer notre billet d’avion et aussi deux cent cinquante dollars comme argent de poche pour le transport vers l’aéroport et vers notre maison au Guatemala ». Au-delà des efforts consentis aux travailleurs étrangers temporaires comme lui, Nelson apprécie l’accueil des Québécois : « Les gens ici sont très gentils, ils nous ont bien accueillis et sont très fraternels. Pour moi c’est très positif. C’est une nouvelle culture, un nouveau pays. Nous sommes cinquante Guatémaltèques, on se visite, on a des vélos ». Il aime le Québec, mais son « cœur » est encore au Guatemala, contrairement à plusieurs de ses collègues, il ne se sent pas encore prêt à immigrer définitivement au Canada.

La liste des avantages négociés par le syndicat des Viandes du Breton pour ses travailleurs étrangers temporaires est particulièrement bien garnie. Elle comprend aussi l’accès à un service internet de qualité qui leur permet de communiquer avec leurs familles. L’employeur fournit également le logement (il a fait construire des duplex pour les héberger) et le transport, notamment pour aller suivre des cours de français pour lesquels ces travailleurs sont rémunérés à « temps simple ».

Mais tous ces avantages consentis aux travailleurs étrangers ne sont pas sans faire sourciller certains employés québécois, nous dit le président du syndicat Tommy Lizotte : « Des fois, les collègues trouvent que c’est deux poids deux mesures à l’égard des travailleurs étrangers, mais il faut leur laisser le temps de s’intégrer. Ils sont ici pour travailler. C’est normal de se faire aider quand on n’est pas dans son pays. Pour faire fonctionner l’usine à 100 %, ils sont essentiels, c’est certain. Avant leur arrivée, on devait faire beaucoup d’heures supplémentaires et des gens devaient occuper deux postes par manque de personnel. Maintenant c’est plus facile, ça donne du répit aux travailleurs et ça fait l’affaire de l’entreprise. »

Mansour Mansouri, lui, est tunisien. Arrivé chez Les Viandes du Breton il y a un an et demi, il a pu s’intégrer rapidement, en raison de sa langue maternelle, le français : « Ça a été facile pour moi de communiquer avec mes collègues, donc l’intégration s’est bien passée. Je suis célibataire et je veux construire ma vie ici. La qualité de vie est très bonne, j’ai acheté mon char, j’ai mon salaire, j’ai des ami-es québécois, je veux devenir citoyen canadien. Ici avec le syndicat, ce n’est pas compliqué. Tu demandes une chose et tu as la réponse rapidement. »

Santé : cessera-t-on de centraliser et de privatiser ?

Après Couillard et Barrette, la réforme du réseau de la santé et des services sociaux concoctée par le ministre Dubé, qui s’incarne notamment dans le projet de loi 15, va complètement centraliser le réseau dans une seule agence nationale !

Une autre conséquence moins en évidence de cette réforme sera de placer le réseau public en concurrence plus constante avec le privé. Ce faisant, on risque fort d’assister à une croissance de la part des services assurés par le secteur privé, dont les trois nouveaux mini-hôpitaux annoncés par le ministre. Même si la majorité des services est encore aujourd’hui couverte par notre carte d’assurance maladie, nous payerons collectivement la facture supplémentaire qui viendra du privé, un peu comme la télémédecine offerte par certaines assurances collectives privées.

Le gouvernement et les partis d’opposition discutent encore des amendements possibles à faire au projet de loi. Malgré certaines modifications, la CSN estime toujours que ce projet de loi ne s’attaque pas aux racines du problème du réseau, soit la difficulté d’accès aux soins et services. Si le gouvernement avait consulté et tenu compte des demandes des citoyennes et des citoyens et de l’expérience des gens sur le terrain, le ministre Dubé aurait laissé tomber le recours à des services coûteux du privé et se serait plutôt intéressé à améliorer le réseau public en décentralisant les services afin de mieux répondre aux besoins de chacune des régions du Québec et des acteurs du réseau de la santé et des services sociaux. En Suède par exemple, le système de santé est principalement géré par les 21 régions du pays et mise beaucoup sur les soins ambulatoires plutôt que sur le nombre de lits dans le réseau. Or, ce pays réussit à respecter des délais rapprochés pour l’accès aux soins, dont les opérations ou les traitements appropriés qui se font dans les 90 jours.1 Ce pays réussit ce tour de force en utilisant significativement moins le privé que le Québec !

L’accès, pas la centralisation

Selon un sondage SOM dévoilé le 11 septembre dernier, l’amélioration de l’accès au système de santé est la priorité au Québec, avec 40 % des répondantes et répondants qui classent ce problème au sommet de leurs préoccupations. Malgré l’expérience traumatisante de la pandémie et après cinq ans au pouvoir, le gouvernement actuel n’a pas plus corrigé le tir que les précédents. Pire, le projet de loi 15 ne résout pas le problème d’accès, il risque même de l’empirer en diminuant le nombre de leviers régionaux.

Le projet de loi 15 du ministre Christian Dubé a été vendu sur la place publique comme une nécessité pour améliorer l’efficacité du réseau. Tout le monde s’entend là-dessus : il faut faire quelque chose. Or, le problème d’accès est en partie lié à celui du manque de main-d’œuvre. Il faudrait donc d’abord agir vigoureusement pour devenir un employeur de choix et ainsi faciliter l’embauche et la rétention du personnel.

La présentation de la réforme Dubé misait sur des mots avec lesquels il est difficile d’être en désaccord : efficacité et décentralisation. Mais au-delà des mots, où sont les mesures qui vont réellement en ce sens et qui règlent les problèmes constatés sur le terrain ? La création de l’agence Santé Québec sera, au contraire, une forme de centralisation. Remonter à Québec pour prendre certaines décisions risque souvent d’être encore moins efficace que dans les mégastructures actuelles que sont les CISSS. Imaginez des relations de travail à Québec lorsque l’on habite le Saguenay ou l’Abitibi ! Tout ça pour donner l’impression au gouvernement qu’un seul organisme peut tout contrôler. Si cette stratégie fonctionnait, la réforme Barrette aurait été un franc succès ! L’agence Santé Québec aura aussi comme effet collatéral d’éloigner la responsabilité des échecs de la cour du ministre. Ce dernier pourra en effet renvoyer les plaintes à l’agence.

Le leitmotiv de l’efficacité pourrait par ailleurs mener à des décisions qui manquent d’humanité. La mission de productivité de l’agence Santé Québec et la reddition de compte qui l’accompagnera vont se concentrer sur les statistiques de temps d’attente, ou sur le temps consacré à chaque traitement. Cette approche comptable n’aura pas le bien-être de la population et des employé-es du réseau comme priorité. Pour que le tableau de bord à Québec paraisse bien, on risque de donner moins de latitude à celles et ceux qui donnent les soins aux patientes et aux patients. On s’expose plutôt à chronométrer chaque tâche. Or, prendre la main d’une personne qui souffre n’est peut-être pas nécessaire ou important pour une ou un gestionnaire qui croit qu’un hôpital se gère comme une usine automobile, mais est essentiel pour lui donner un peu de dignité.

Vers de vraies solutions

La CSN estime qu’il n’est pas trop tard pour déclencher des états généraux sur la santé. Il faut réfléchir à ce que l’on veut comme système de santé, il faut identifier les solutions que l’on souhaite. C’est notre filet social qui est en jeu !

La santé et les services sociaux représentent près de la moitié des dépenses de l’État québécois. Le vieillissement de la population pourrait même accentuer cela. Ça mérite certainement que l’on revoie l’ensemble de l’œuvre pour s’assurer qu’il correspond à ce que les Québécoises et les Québécois veulent et que nous cessions de gaspiller collectivement des fonds publics qui vont aller grossir les profits du secteur privé. Le ministre Dubé a raison, il faut une réforme en profondeur.

Un modèle forestier parti en fumée

L’été 2023 a été marqué par des feux de forêt d’une ampleur jamais vue au Québec. Près de 4 millions d’hectares de forêt sont partis en fumée depuis le début de l’année. Quelles en seront les conséquences pour l’avenir du secteur ?

À titre de comparaison, les feux ont ravagé 92 000 hectares au total durant la période 2018-2022. Il s’agit d’une catastrophe à plusieurs égards, notamment pour les travailleuses et les travailleurs qui vivent de la forêt québécoise.

Cela a amené la Fédération de l’industrie manufacturière (FIM–CSN) à former une coalition avec divers acteurs du milieu, dont des associations d’employeurs, afin de réclamer diverses mesures à court et moyen terme et ainsi assurer la pérennité de l’industrie.

À court terme, la coalition réclame notamment des mesures pour s’assurer que tous les travailleurs et travailleuses touchés pourront réclamer l’assurance-emploi. De plus, elle réclame une aide financière du gouvernement pour épauler les entreprises qui ont dû faire face à de nombreuses dépenses d’urgence et des pertes d’équipements. Sans un tel coup de main, on peut craindre que de nombreuses entreprises soient forcées de mettre un terme à leurs activités.

États généraux

Pour la coalition, au-delà du reboisement, il y a une occasion à saisir pour revoir le régime forestier et l’adapter aux réalités d’aujourd’hui et de demain. Il est proposé de tenir, d’ici le 1er avril 2024, des états généraux sur la forêt réunissant tous les intervenants du milieu : entreprises, syndicats, Premières nations, scientifiques, environnementalistes et élu-es régionaux. Des représentantes et représentants de la FIM–CSN ont récemment rencontré la ministre québécoise des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette-Vézina, pour lui demander d’organiser ces états généraux. Le gouvernement doit se prononcer sur cette idée au cours des prochaines semaines.

Pour la coalition, au-delà du reboisement, il y a une occasion à saisir pour revoir le régime forestier et l’adapter aux réalités d’aujourd’hui et de demain. Il est proposé de tenir, d’ici le 1er avril 2024, des états généraux sur la forêt réunissant tous les intervenants du milieu : entreprises, syndicats, Premières nations, scientifiques, environnementalistes et élu-es régionaux. Des représentantes et représentants de la FIM–CSN ont récemment rencontré la ministre québécoise des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette-Vézina, pour lui demander d’organiser ces états généraux. Le gouvernement doit se prononcer sur cette idée au cours des prochaines semaines.

Enfin, la coalition propose qu’on développe de la formation pour tous les salarié-es afin qu’ils puissent contribuer davantage au déploiement des plans d’urgence face à de futurs feux de forêt.

« Ça fait des années qu’on parle de la nécessité de diversifier l’industrie », rappelle le président de la FIM–CSN, Louis Bégin. « L’objectif, c’est de mieux occuper le territoire et de mieux préserver les forêts pour les générations futures. Ce qui nous préoccupait il y a quelques années, c’était la prolifération des insectes qui ravageaient tout sur leur passage. Avec les feux qu’on a connus l’été dernier, c’est clair qu’il faut accélérer nos réflexions. Notre modèle industriel doit être revu non seulement pour garantir des emplois de qualité, mais surtout pour préserver l’environnement, les forêts, la faune et la flore, et assurer un développement véritablement durable dans l’ensemble du vaste territoire Québécois. »

Quand les jeunes se syndiquent

En quoi les syndicats composés de jeunes travailleuses et travailleurs se démarquent-ils ? Sans tomber dans les généralités, le Point syndical a tenté de comprendre leur réalité. Un constat se dessine : l’importance de transmettre les valeurs de solidarité et de bien commun à la nouvelle génération qui intègre le marché du travail.

Le Syndicat des travailleurs et travailleuses d’Oasis Animation–CSN constitue un bel exemple de cette nouvelle dynamique syndicale avec un grand nombre d’employé-es dans la vingtaine et la trentaine. Chez Oasis Animation, un studio d’animation numérique qui compte dans son carnet de commandes des géants comme Netflix, la démarche de syndicalisation remonte à 2018. À l’époque, les employé-es n’étaient pas payés selon un taux horaire, mais plutôt sur la quantité d’images produites. « Bonne chance si tu tombais sur une image compliquée, illustre Jessica Dalpé, animatrice depuis sept ans au studio. Tu devais faire beaucoup d’heures supplémentaires et tu te ramassais avec une petite paye ! »

Devant ce rythme de travail effréné, les cas d’épuisement professionnel se succèdent et le taux de roulement du personnel s’accélère. De plus, chaque production étant dotée d’un budget différent, le tarif à l’image varie d’un projet à l’autre. « Il n’y avait pas de sécurité financière », souligne Jessica. Les travailleuses et les travailleurs couraient aussi le risque de ne pas être rappelés après un contrat, sans aucune explication, sinon celle de ne pas être dans les bonnes grâces de l’employeur. Épuisé par cette iniquité, ce favoritisme et autres « coups de cochon », un groupe d’animatrices et d’animateurs entame des démarches de syndicalisation avec la CSN. La requête en accréditation est déposée en novembre 2019, signant ainsi une première dans l’industrie de l’animation numérique au Canada !

Jessica Dalpé, animatrice depuis sept ans au studio Oasis Animation // Photo : Anne-Marie Gareau

Le groupe entame alors la négociation de sa première convention collective. En cours de route, un changement de porte-
parole patronal mène à un recul important à la table de négociation. L’équipe se serre les coudes et sort dans la rue pour manifester son mécontentement. Le lendemain, le vent tourne à la table et une entente de principe est conclue. Celle-ci prévoit des salaires basés sur un taux horaire, la reconnaissance de l’ancienneté, de même qu’un meilleur encadrement de la sous-traitance. « Un syndicat, c’est une réponse à une mauvaise gestion », résume Jessica Dalpé. « Notre syndicat nous a apporté une échelle salariale basée sur l’expérience ainsi que des augmentations annuelles pour s’ajuster à l’inflation », ajoute-t-elle. Les employé-es mis à pied temporairement sont désormais placés sur une liste de rappel prioritaire. Chez Oasis Animation, le mélange des générations fut une recette gagnante. « Peu importe la génération, tout le monde s’est vraiment impliqué », précise l’animatrice de 35 ans qui est considérée comme une senior.

Les animateurs d’Oasis Animation ont pavé la voie à la syndicalisation dans l’industrie du multimédia, reconnue pour presser le citron de ses artisanes et artisans. Toutefois, Jessica a pu constater que la dynamique s’avère différente selon les studios. Dans une autre boîte syndiquée qui compte beaucoup de « juniors », elle remarque que les employé-es y sont plus craintifs. « Chez Oasis, nous avons de la chance. Nos juniors comprennent bien que le syndicat ne les met pas en danger, bien au contraire ». Néanmoins, l’animatrice comprend la réalité différente des jeunes qui arrivent pour la première fois sur le marché du travail. « Quand tu commences en tant que junior, c’est la grosse affaire. Tu as travaillé tellement fort pour enfin avoir un poste et c’est tellement mieux que de travailler chez McDonald ! Tu vas baisser les yeux et faire ce que l’employeur te demande. En te battant avec le syndicat, tu as peur que l’employeur te mette sur une liste noire », se souvient Jessica. D’où l’importance de démystifier chez les jeunes leurs droits en matière de travail.

Des défis générationnels ?

La nouvelle réalité des syndicats composés majoritairement de jeunes travailleuses et travailleurs touche surtout les emplois considérés traditionnellement comme des « jobs d’étudiantes et d’étudiants ». Prenons l’exemple du Syndicat des employé-es des piscines et plans d’eau de Cowansville. Ce dernier compte près d’une vingtaine de membres majoritairement dans la vingtaine, mais aussi quelques jeunes d’âge mineur. « Même si nous sommes syndiqués, ce n’est pas toujours évident. Les patrons nous considèrent comme des étudiants. C’est très difficile de diminuer l’écart entre nos conditions et celles des cols bleus et des cols blancs », témoigne Jade Galipeau, qui occupe la présidence du syndicat depuis trois ans. La jeune femme a aussi constaté qu’il était difficile de garder les troupes motivées lors de la dernière négociation, au printemps dernier. Jade a également remarqué davantage de « je-m’en-foutisme » et un manque d’implication chez les jeunes. Est-ce une question de génération ou plutôt un autre signe de la montée de l’individualisme dans la société ? Peu importe la raison, l’actuelle présidente songe déjà à l’avenir du syndicat et espère une relève à sa tête afin de maintenir les acquis durement gagnés.

Crise du logement : en quête de sens et de solutions

Longtemps négligée, la crise immobilière s’est finalement invitée dans le débat politique. Il était temps : en septembre 2023, le loyer moyen au Canada a dépassé pour la première fois la barre symbolique des 2000 dollars.

Le 1er juillet, le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) a dénombré 490 ménages au Québec sans nouveau bail. Pour Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU, ces chiffres ne sont que la partie émergée d’un archipel de la misère, sans « tous ceux et celles hébergés chez des proches, obligés de camper dans leur voiture ou dans un motel, en maison de transition, ni tous ceux et celles ne s’étant pas manifestés auprès d’un service d’aide ou en situation d’itinérance ». Et sans les millions de travailleurs pauvres, de jeunes, d’immigrants, d’aînés, de minorités, et/ou de familles monoparentales qui louent un logement trop cher, trop petit ou insalubre. Ailleurs au Canada, la situation est encore pire, et la crise immobilière se conjugue avec deux autres crises : celle des opioïdes et de la santé mentale.

Le phénomène n’est plus seulement à Montréal ou quelques grandes villes, il percole partout au Québec. Il est même devenu un frein au développement économique des régions puisqu’on peine à loger les travailleuses et les travailleurs nécessaires à certains nouveaux projets comme ceux de la filière batterie.

Tous coupables ou (presque) tous victimes ?

Le grand jeu du blâme politicien, de l’inversion accusatoire et des explications pseudo-économiques a fonctionné tout l’été. Toutes les contrevérités ont été dites sur cette crise : elle serait la faute des jeunes incapables de tenir un budget. La faute des travailleurs mal payés et donc… de leurs syndicats. La faute des cessions de bail qui pénaliseraient les propriétaires. La faute des immigrants, alors que leur arrivée prévisible n’a été accompagnée d’aucun plan national de création de logements. Et même la faute de l’augmentation des salaires des travailleurs et travailleuses de la construction ! « Nos membres subissent aussi de plein fouet cette crise et l’inflation », réagit cependant Pierre Brassard, président de la CSN–Construction.

Dernières coupables en date : la Banque du Canada (BDC) et l’envolée rapide des taux d’intérêt. Cet été, la CSN a déposé un mémoire pour les consultations prébudgétaires fédérales, dans lequel elle critique l’utilisation de la BDC comme seul outil pour juguler l’inflation. La centrale estime qu’agir ainsi accentue les inégalités sociales. D’autres politiques significatives sont nécessaires pour s’attaquer à l’inflation, y compris des moyens concrets de rendre le logement plus abordable.

Des solutions existent

Pour sortir de la « crise de l’offre », le FRAPRU estime la création de 50 000 logements sociaux à but non lucratif indispensable au Québec. Il s’agit là d’un minimum puisque la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL) estime qu’il faudrait 620 000 nouveaux logements au Québec pour rétablir un équilibre dans le marché ! Une très grande corvée nationale est donc nécessaire.

Hélas, le secteur de la construction manque de bras, malgré une productivité record. « Nous alertons depuis longtemps sur le manque de main-d’œuvre. Une des causes sont de piètres conditions de sécurité dans l’industrie, car le secteur est le plus meurtrier au pays et montre de graves carences en matière de formation et de conditions de travail, pour attirer et garder ces professionnel-les », explique Pierre Brassard. Commentant la récente promesse par le premier ministre d’une formation accélérée payée et calquée sur celle des préposé-es aux bénéficiaires pendant la COVID, il ajoute : « la formation peut être attrayante, mais ce n’est pas en coupant dans les heures obligatoires pour obtenir un DEP qu’on formera les professionnel-les qualifiés dont on a tant besoin. Et la question de la rétention de ces travailleuses et travailleurs se pose toujours ».

En attendant, l’achat d’immeubles résidentiels existants par les villes sera nécessaire pour contrer « la financiarisation du logement » qui jette, chaque jour, des citoyennes et citoyens à la rue. Mais la volonté politique manque. Ainsi, la proportion de logements sociaux sur l’ensemble des logements locatifs québécois a diminué pour la première fois de l’histoire de la Belle Province, en passant de 11,2 % en 2016, à environ 10,1 % en 2021. Le FRAPRU estime que ce chiffre doit doubler et atteindre 20 % pour peser sur le marché locatif privé et permettre à tous de se loger dignement.

Tensions numériques à la SAQ

Alors que de nombreux secteurs ont vu leurs ventes en ligne exploser depuis les dernières années, pourquoi la SAQ fait-elle si piètre figure ? En misant sur le mauvais cheval, juge le Syndicat des employé-es de magasins et de bureaux de la SAQ (SEMB-SAQ–CSN).

Lors de la divulgation de son rapport annuel en juin dernier, la SAQ confirmait que les achats effectués sur SAQ.com avaient plafonné à 3,1 % pour l’année 2022. Au deuxième trimestre de l’année en cours, ils avaient reculé de près de 6 % par rapport à l’an dernier.

Aucunement mécontent du plafonnement des ventes qui échappent aux succursales, le syndicat pointe du doigt les interminables délais de livraison (jusqu’à cinq jours !) entraînés par la centralisation de la préparation et de l’expédition des commandes à partir de Montréal, au détriment des régions.

Le syndicat réclame depuis des années que les commandes effectuées en ligne puissent être préparées en succursale et disponibles beaucoup plus rapidement. Un système pourtant efficace à la SQDC, où l’on peut collecter, en 90 minutes, une commande préalablement passée en ligne.

Tout le contraire de la SAQ : les commandes sont assemblées à l’entrepôt de Montréal, expédiées par camion jusqu’en Gaspésie, cinq jours plus tard, malgré la disponibilité des mêmes bouteilles dans un rayon de quelques kilomètres. Bonjour les gaz à effet de serre !

Malgré l’échec annoncé, le gouvernement a pourtant accepté, en juin dernier, de tripler l’enveloppe accordée pour la construction d’un nouveau centre de distribution, toujours à Montréal. En deux ans, le budget est passé de 48 M$ à 137 M$, sans qu’une seule pelletée de terre soit effectuée. Un budget qui n’inclut pas le coût de l’immense robot chargé d’assembler les commandes à partir de 20 000 produits… plutôt fragiles.

Un véritable non-sens aux yeux des 5 500 membres du SEMB-SAQ–CSN. Dans le cadre du renouvellement de leur convention collective, ils demandent à ce que les ventes en ligne puissent être préparées rapidement en magasin, par des employé-es, et que les commandes puissent être ramassées par la clientèle du quartier.

« Si des clientes et des clients préfèrent faire leurs achats en ligne, qu’on leur offre au moins la possibilité de passer en magasin plus rapidement en s’occupant de la préparation sur place », souligne la présidente du syndicat, Lisa Courtemanche. « Tout le monde serait gagnant, que ce soit sur le plan environnemental ou économique, que du point de vue de la clientèle et des employé-es ».

Permis de travail fermé: une prison?

En vertu du régime des permis de travail fermés qui s’applique aux travailleurs étrangers temporaires, les nouveaux arrivants et nouvelles arrivantes sont liés par contrat à un seul et unique employeur. Impossible pour eux de changer d’employeur, sous peine d’être renvoyés dans leur pays d’origine.

Célestin* travaille comme préposé aux bénéficiaires dans un centre d’hébergement privé de Québec, un établissement syndiqué à la CSN. Comme travailleur étranger temporaire, il se sent prisonnier de son employeur, et ce, même s’il est protégé par une convention collective : « nous sommes à la merci de notre employeur, ce qui fait que nous avons peur de parler. Je connais à Québec plusieurs préposé-es non syndiqués originaires de mon pays qui sont abusés par leur employeur. Ils sont menacés d’être retournés dans leur pays, alors ils ne disent rien et acceptent des conditions injustes. »

Son collègue Marco*, lui aussi préposé aux bénéficiaires à Québec, est témoin de l’intimidation de certains employeurs : « Je connais beaucoup de préposé-es à Québec qui sont abusés par leur employeur, et ce, surtout dans les milieux non syndiqués. Ils sont intimidés et forcés de faire des heures supplémentaires par crainte de nuire à leur dossier d’immigration. Les employeurs détiennent leur billet d’avion et n’hésitent pas à exercer des pressions. Dans certaines résidences syndiquées, le syndicat hésite à déposer des griefs ou à porter plainte parce qu’ils sont des travailleurs étrangers avec des permis de travail fermés. »

« Théoriquement, les travailleurs étrangers temporaires syndiqués ont les mêmes droits que les autres, mais la capacité à les appliquer est plus limitée. On a quelqu’un qui a été congédié avec un permis de travail fermé, mais on a beau déposer des griefs et contester, même si on gagne la décision, la personne risque d’être déportée avant qu’elle soit rendue. Il faut mieux s’outiller pour défendre ces gens-là. », confirme Raphaël Poirier Goupil, conseiller à la FSSS–CSN.

À Québec, là où Marco travaille, 80 % des préposé-es aux bénéficiaires de son centre d’hébergement privé syndiqué à la CSN sont des travailleurs immigrants temporaires qui détenaient un diplôme d’infirmier dans leur pays d’origine. Nettement surqualifiés et sous-payés, soumis aux aléas de l’employeur, ils rêvent tous d’obtenir un permis de travail ouvert. Marco mentionne : « Si j’avais le ministre de l’Immigration devant moi, je lui demanderais de mettre fin aux permis de travail fermés et d’accorder dès le départ des permis de travail ouverts. Ça faciliterait notre intégration au Canada. Je pourrais travailler ailleurs pour combler les besoins d’autres résidences pour aîné-es et ça m’aiderait à subvenir à mes besoins. Ce serait aussi une solution à la pénurie de main-d’œuvre qu’on voit dans les résidences privées. Avec un permis ouvert, nous pourrions combler une partie des besoins de main-d’œuvre. On pourrait travailler 40 heures à un endroit et donner nos disponibilités pour faire du remplacement ailleurs et combler des besoins. Ça nous aiderait aussi à connaître d’autres personnes, d’autres expériences et ça faciliterait notre intégration. » Malgré leur faible rémunération et des conditions de travail très difficiles, les préposé-es aux bénéficiaires sont un rouage essentiel des services de santé, comme le témoigne Célestin : « Nous les préposé-es, nous sommes les pieds, les mains et la tête des résidentes et des résidents âgés. Si nous n’étions pas là, beaucoup de personnes âgées seraient mises en difficulté. Il n’y aurait personne pour s’en occuper.

De nouveaux défis pour la CSN

L’arrivée au Québec d’un grand nombre de travailleurs étrangers temporaires, c’est une histoire relativement récente, mais depuis le début, la CSN est présente pour aider ces travailleurs et travailleuses à intégrer le marché du travail et la société québécoise. La Fédération du commerce (FC) a produit un dépliant en trois langues à leur intention. Jonathan Aspireault-Massé, conseiller à la FC, a été un des premiers à les accueillir : « En 2018, je ne savais pas ce que ça mangeait un travailleur étranger temporaire. J’ai dû créer une lettre d’entente pour couvrir le plus de cas de figure possible. En fait, on a appris à piloter l’avion en plein vol. Il a fallu maîtriser rapidement les règles de l’immigration, du logement, de l’assurance-chômage et de la CNESST. »

L’arrivée d’un grand nombre de ces travailleurs, c’est du « droit nouveau » qui demande beaucoup d’adaptation de la part des syndicats, des officiers syndicaux et des collègues de travail. « Quand 30 % de ton effectif débarque en même temps dans ton entreprise, ça transforme ton milieu de travail. », nous dit Jonathan Aspireault-Massé.

À la CSN, on fait le pari que les campagnes d’information et de sensibilisation permettront d’aplanir les difficultés, car l’avenir de nos entreprises, de nos institutions et de nos services publics repose en bonne partie sur les nouveaux arrivants qui ne demandent qu’à s’intégrer à la société québécoise. On peut désormais espérer que les (nouvelles) conditions de travail négociées pour les travailleurs étrangers permettront de bonifier les conventions collectives des travailleurs québécois.

* Nom fictif destiné à protéger l’identité du travailleur

L’IA en éducation : l’ère du soupçon

Alors que la rentrée est déjà bien entamée, certains syndicats et différents intervenants et intervenantes de l’enseignement supérieur réclament des balises claires pour encadrer le recours à l’intelligence artificielle (IA) dans les salles de classe. Les acteurs de l’éducation doivent s’adapter ultra-rapidement à cette nouvelle ère pédagogique.

Ça ne fait plus aucun doute, l’IA a gagné tous les établissements d’enseignement pour y rester. Des enseignantes et enseignants craignent l’utilisation de cet outil alors que d’autres voient ce dispositif d’un bon œil, tout en demeurant critiques. Tous s’entendent et réclament des jalons clairs pour l’encadrer.

Pour Caroline Quesnel, présidente de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec–CSN (FNEEQ–CSN), il est question d’une réévaluation du système d’enseignement : « la capacité énorme de substitution de la pensée qu’offre ChatGPT est une fragilisation de la relation pédagogique ». Cette menace à l’intégrité de cette relation introduit les pédagogues dans ce qu’elle qualifie « d’ère du soupçon ».

Pour Simon Collin, titulaire de la chaire de recherche du Canada sur l’équité numérique en éducation à l’UQAM, « les professeur-es à eux seuls ne peuvent évaluer la pertinence pédagogique des outils technologiques. L’anticipation des enjeux reliés à leur utilisation doit se faire dans une réflexion collective avec les conceptrices et concepteurs, les administratrices et administrateurs, et finalement, les enseignantes et les enseignants. »

Même son de cloche pour Marianne Théberge-Guyon, chargée de cours à l’UQAM. « Avant d’établir un encadrement officiel de l’IA en éducation, il faudra qu’il y ait une discussion centralisée. Les professeur-es et les expertes et experts en IA devront établir les balises, mais ils devront surtout être appuyés par le gouvernement, car ils auront besoin de moyens financiers pour l’implantation de repères ».

Pour Sébastien Mussi et Éric Martin, professeurs de philosophie au cégep, la résistance à l’implantation de l’IA en éducation devrait être plus radicale. « Il faudrait bloquer l’entrée de ces technologies qui risquent de détruire notre profession. Il s’agit d’une mainmise des entreprises sur le marché de l’éducation. L’application d’un cadre sera insuffisante pour contrer la dématérialisation de l’enseignement. »

Les syndicats de la FNEEQ–CSN ont adopté la recommandation du Comité école et société sur l’IA : dans le cadre des négociations collectives, qu’aucune technologie faisant appel à l’IA ne soit implantée sans l’accord des syndicats et que son utilisation soit supervisée par un comité paritaire auquel participeraient des enseignantes et des enseignants.

Plusieurs intervenantes et intervenants du secteur de l’éducation réclament un moratoire sur l’informatisation de l’école. La CSN et la FNEEQ–CSN revendiquent la création d’un comité permanent dont les syndicats feraient partie, afin d’établir un guide des meilleures pratiques pour les enseignantes et les enseignants.

L’enseignement est un métier relationnel. « Quand on y ajoute des intermédiaires technologiques, ça peut être pour le mieux s’ils soutiennent cette relation-là, mais pour le pire quand ils réduisent sa richesse », conclut sagement Simon Collin.