Là pour rester

Le mot de la présidente

Si c’est au cours des années 1800 que le syndicalisme québécois apparaît dans l’illégalité, c’est au commencement du siècle suivant qu’il se consolide. Naît alors la première grande centrale syndicale au Québec (et au Canada), la vôtre, qui adoptera son nom définitif en 1960 : la CSN.

Pourquoi le syndicalisme ? Il y a 100 ans, les conditions de travail étaient rudes. Les ouvrières et les ouvriers, bousculés par l’industrialisation et la croissance rapide de l’économie, œuvraient souvent dans des conditions insoutenables, 14 h par jour, 6 jours semaine, afin de respecter le rythme de production des entreprises. Des enfants travaillaient en usine pour aider leur famille à survivre, des femmes aussi. Et plusieurs en mouraient. Mais les choses ont changé. La CSN s’est battue pour la journée de 8 h, pour des mesures de santé et de sécurité au travail, pour de meilleurs salaires. Et la société a évolué.

Au fil du temps, votre centrale syndicale a lutté pour des enjeux cruciaux : assurance-maladie, lois sur l’assurance automobile, sur la santé et la sécurité du travail et sur l’équité salariale, mise en place des CPE, régime québécois d’assurance parentale et plus encore. Toutes des mesures qui ont façonné le Québec d’aujourd’hui.

En toute pertinence
Il est bien connu que les syndiqué-es gagnent de meilleurs salaires que les non-syndiqué-es occupant des fonctions identiques dans une entreprise. On sait aussi que leurs avantages sociaux sont plus nombreux et les protègent mieux. Comme le disait l’ancien président de la CSN Gérard Picard, « les travailleurs, dans l’histoire, n’ont jamais reçu de cadeaux. Ce qu’ils ont, ils l’ont arraché par la force des poignets. » C’est encore la triste réalité dans la plupart des domaines.

Alors que l’inflation bat des records, que trop de gens peinent à combler leurs besoins de base, bien des patrons offrent des salaires ridicules, en pleine période de rareté de main-d’œuvre. En fait, les emplois ne sont pas rares : ce sont les bons postes qui manquent. Le secteur public a le plus grand patron du Québec, le gouvernement. Celui-ci propose des miettes pour ses centaines de milliers d’employé-es en santé et services sociaux, en éducation et en enseignement supérieur. Alors que les réseaux publics sont en pièce. Où est le respect ?

La CSN est la centrale syndicale la plus combative. Avec le grand nombre de titres d’emploi qu’elle représente, elle forme un véritable microcosme de la société. Cette pluralité syndicale est porteuse de transformations sociales, à condition de s’unir et de parler d’une seule voix. Plusieurs secteurs d’activités (culture, technologies, restauration, commerce de détail et j’en passe) ont besoin de ce moteur pour forcer le respect de l’employeur. La solidarité ne veut pas seulement dire se serrer les coudes au sein d’une même organisation : c’est le faire entre syndiqué-es de domaines différents et pour les non-syndiqué-es, qui goûtent aussi aux retombées des luttes menées par la CSN et par ses membres.

Se poser des questions et avancer
Le slogan Solidaire depuis 1921, que vous voyez en une, accompagnera maintenant le logo de la CSN et viendra ainsi positionner qui l’on est et d’où l’on vient. Avec ce numéro spécial à saveur de 100e anniversaire qui marque le retour du Point syndical, nous posons notre regard sur le passé, sur le présent et sur l’avenir. Les combats pour lesquels nous nous levons chaque matin sont multiples : système de santé vraiment public, loi anti-briseurs de grève au fédéral, préservation des services et des programmes sociaux, protection du français, santé-sécurité au travail, augmentation significative du salaire minimum, politique de développement durable et transition juste pour les personnes en emploi, politique industrielle, mesures d’inclusion en milieu de travail et lutte contre le harcèlement et programmes de formation en continu. La route syndicale ne sera jamais un long fleuve tranquille. Nous devons continuer à nous poser des questions, à faire évoluer nos pratiques et nos réflexions. Bien que le Québec ait le plus haut taux de syndicalisation en Amérique du Nord – 4 travailleurs sur 10 y sont syndiqués – il reste encore beaucoup de salarié-es à soutenir afin qu’un maximum de personnes façonnent à leur manière un monde du travail meilleur.

D’où vient le deuxième front de la CSN ?

L’économie doit être au service de la société et non l’inverse. Il s’agit là du parti pris fonda­mental contenu dans les rapports moraux de la CSN, rédigés par Marcel Pepin dans les années 1960-1970. Retour sur une pensée toujours très actuelle.

Les rapports moraux de Marcel Pepin servaient d’ouverture au congrès de la CSN ; on parle aujourd’hui de rapports du comité exécutif. Ils étaient cependant rédigés dans un autre esprit et cherchaient à prendre un pas de recul face aux luttes quotidiennes des syndicats dans leurs milieux de travail (premier front). Le 20 octobre 1968, Pepin livre aux membres de la CSN l’un des discours les plus importants de l’histoire de la confédération et du syndicalisme au Québec. Pour accompagner ce discours, il présente un document révolutionnaire pour le monde syndical, son deuxième rapport moral intitulé Le Deuxième front dans lequel il appelle les membres à mener des luttes sociales qui vont servir l’ensemble de la société. Pour celui qui fut président de la CSN de 1965 à 1976, les travailleuses et les travailleurs doivent avoir leur mot à dire dans l’économie : c’est la démocratisation du système qui lui est si chère. Comme cela ne peut se réduire à la négociation de la convention collective, il faut ouvrir le deuxième front. « La pauvreté d’une partie de notre population s’explique dans une certaine mesure par les disparités extrêmes de revenus dans une économie abandonnée au libéralisme économique », écrit-il.

Des problèmes qui persistent aujourd’hui
Déjà, en 1966, les syndicats sont pointés du doigt lorsque l’économie s’emballe. « On nous reproche d’accentuer la hausse du coût de la vie. Ce reproche peut vraisemblablement être adressé à d’autres qu’à nous, et nous allons certainement chercher à savoir dans quelle mesure ceux qui spéculent sur les prix sont responsables de la hausse exorbitante de ces derniers », constate Pepin. Pendant cette période inflationniste, il parle de « danse des profits » et, se basant sur l’analyse de l’économiste Jean-Guy Loranger, il écrit : « Il y a eu des contrecoups terribles pour ceux qui prennent l’argent à la cuillère, mais il n’y en a pas eu pour ceux qui le ramassent à la pelle. Bien au contraire. » Pepin dénonçe ainsi l’augmentation des taux d’intérêt utilisée pour freiner l’inflation, politique de subterfuge qui n’a pas eu d’effet réel sur la hausse des prix.

Marcel Pepin est également catastrophé par la pénurie de logements à Montréal et par la gourmandise des promoteurs immobiliers qui, faisant fi des besoins de la population, ne construisent que de petits logements lucratifs. Il est évident pour lui que la spéculation et le peu de terrains dont dispose la ville afin de construire des logements abordables sont responsables du problème.

L’héritage des rapports moraux
« La lutte se poursuit sur le deuxième front encore aujourd’hui, notamment avec nos batailles pour un système de santé vraiment public, pour la protection du français, pour la santé-sécurité au travail et pour l’augmentation notable du salaire minimum », souligne pour sa part la présidente de la CSN, Caroline Senneville.

En effet, plusieurs problèmes actuels font toujours écho aux propos de Marcel Pepin, alors que la société de l’époque se trouvait elle aussi en pleine période d’inflation.

Pour éviter que le contrôle de l’argent des retraites échappe complètement aux travailleuses et aux travailleurs, Pepin suggérait notamment de confier l’argent des retraites à la Caisse de dépôt. Dans cette optique, la CSN avait mis sur pied le Service de budget familial ainsi que des comités d’action politique et une presse populaire militante. Elle a de plus développé une critique articulée des idées de la classe dominante pour s’attaquer aux problèmes qui dépassent la convention collective. Certains de ces moyens sont encore très utilisés aujourd’hui alors que d’autres n’ont pas perduré. Mais une chose est sûre : tous ont eu leur pertinence pour lutter contre la recherche de profits effrénés. « Il faut continuer à s’en inspirer tout en renouvelant nos façons de lutter pour des conditions de vie meilleure », affirme Caroline Senneville.

Car pour reprendre les mots de Pepin, « lorsque le syndicalisme tend à devenir l’équivalent d’une police d’assurance plutôt qu’un instrument de réforme totale de la société, il dépérit et les vrais militants tendent à s’en désintéresser. »

La CSN au cœur de l’édification du Québec moderne

Le Québec moderne s’est construit en grande partie grâce aux luttes courageuses des travailleuses et des travailleurs. La CSN a été au cœur de plusieurs d’entre elles. Même parmi les batailles que nous avons initialement perdues, on trouve les germes d’avancées sociales considérables qui ont bénéficié à l’ensemble de la société.

Lorsque naît la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC) en 1921, qui deviendra la CSN, le mouvement syndical canadien a déjà réussi quelques conquêtes par la mobilisation. Même si plusieurs syndicats internationaux sont déjà implantés au Québec, ce n’est qu’en 1872 que le gouvernement canadien décriminalise les organisations syndicales, à la suite de la grève menée par les typographes de Toronto. La CTCC vient combler un énorme vide en offrant aux travailleuses et aux travailleurs un véhicule qu’ils pourront contrôler complètement, selon leurs valeurs, et ce, dans leur langue : le français.

Ce sera d’ailleurs l’un des premiers chevaux de bataille des syndicats catholiques : faire reconnaître leur droit de gérer leurs propres affaires en français. Cette revendication peut sembler aller de soi aujourd’hui, mais il y a 100 ans, les patrons étaient habitués de donner des ordres en anglais, partout dans la province de Québec. S’ils préféraient tous ne pas avoir de syndicat du tout dans leur usine, ils demeuraient plus ouverts à l’égard de syndicats internationaux, qui fonctionnaient également en anglais.

Assemblée d’un club de consommatrices et de consommateurs // Jean-Claude Champagne

Lorsqu’ils exercent une grève de six mois, en 1962, les travailleuses et les travailleurs de la Shawinigan Chemicals ne se doutent pas à quel point leur lutte va marquer l’ensemble du Québec. Ils obtiennent notamment la préséance du texte français de la convention collective, l’introduction de la notion de droit de refus et la prise en main par le syndicat des assurances collectives, en collaboration avec la compagnie d’assurance.

Pour soutenir les grévistes et leur famille, la CSN dépêche une équipe de conseillers qui mettront sur pied un bureau de soutien économique et budgétaire. C’était la première des associations coopérative d’économie familiale (ACEF) qui se multiplieront partout au Québec et qui constitueront le mouvement phare de la défense des droits des consommateurs. Cela faisait déjà plusieurs années que la CTCC, et notamment les conseils centraux, s’appropriaient les questions de finances familiales, des dettes et du crédit.

De nombreuses autres avancées sociales se sont d’abord matérialisées dans les conventions collectives avant de s’imposer à l’ensemble de la société : pensons à la santé et la sécurité au travail, aux congés de maternité et aux congés parentaux, ou encore à la reconnaissance des conjoints de même sexe. La mise en place du premier régime d’assurance-chômage est également issue des luttes syndicales menées au début des années 30. Bien que la CTCC n’ait pas été aux premières loges de cette lutte à l’époque, la CSN a régulièrement mené la charge pour protéger et améliorer le régime. En 2013, pour s’opposer à la réforme des conservateurs de Stephen Harper, la CSN a assumé le leadership dans la formation d’une vaste coalition rassemblant non seulement les organisations syndicales, mais également de nombreux partenaires de divers milieux afin de former un mouvement d’opposition très large.

Dès ses débuts, la CTCC se démarque en offrant un véhicule démocratique à toutes les travailleuses et à tous les travailleurs, notamment dans les emplois peu qualifiés. C’est ainsi que malgré un discours d’exclusion à l’égard des femmes enraciné dans la doctrine catholique, la CTCC verra naître la première grève menée par des femmes, les allumettières de Hull, dont l’une des revendications consistait à voir les postes de contremaître être occupés par des femmes. La place des femmes dans l’organisation ne cessera de grandir, alors que la CTCC organise de plus en plus de milieux féminins, notamment dans les hôpitaux.

Pivot régional
Dans les régions du Québec, le fer de lance du mouvement sera sans contredit les conseils centraux. Modèle unique en Amérique, ces conseils autonomes regroupent tous les syndicats CSN d’une région donnée, qui sont appelés à s’y affilier.

Professeur agrégé de science politique au département des sciences sociales de l’Université du Québec en Outaouais, responsable de l’équipe de recherche travail et société, Thomas Collombat s’est intéressé de près au rôle des instances syndicales régionales, en particulier les conseils centraux de la CSN. « Les conseils centraux sont l’espace par excellence pour développer une solidarité entre les syndicats de divers secteurs et pour faire prendre conscience aux travailleuses et aux travailleurs qu’ils ont beaucoup d’intérêts en commun. Les organisations, surtout dans les régions, sont au cœur des solidarités parce que finalement, elles incarnent la CSN dans les régions. C’est par l’action du conseil central que les syndicats arrivent à élargir leurs luttes. Avec le temps, les conseils centraux sont devenus de véritables pivots non seulement pour les syndicats affiliés, mais également auprès de toutes sortes d’interlocuteurs de la région. »

Thomas Collombat, professeur agrégé de science politique au département des sciences sociales de l’Université du Québec en Outaouais. // Étienne Ranger

Le chercheur précise qu’il n’est pas rare, dans les régions, de voir le conseil central de la CSN prendre les devants dans la formation de coalitions à l’occasion de mobilisations larges réunissant les groupes de femmes, les conseils régionaux de l’environnement, parfois aussi des organismes autochtones, en droit du logement, des organisations étudiantes, ou encore des tables communautaires et du secteur de l’économie sociale. La présence en permanence de conseillères et de conseillers ainsi que de représentantes et de représentants élus qui côtoient au quotidien tous les syndicats de la région y est pour beaucoup.

Thomas Collombat a assisté aux congrès de trois conseils centraux en 2019. Il a constaté qu’ils peuvent effectivement s’avérer d’extraordinaires creusets de solidarité entre les syndicats. « Les moments où les délégué-es sont les plus engagés, c’est lorsqu’on les amène à discuter entre eux. Qu’ils viennent de la SAQ, des services de garde, des mines, de la construction ou du secteur public, ils partagent souvent des préoccupations semblables tout en y apportant leur perspective et leur lecture des événements, ce qui permet à chacun de s’approprier ces enjeux. »

Le chercheur insiste : le rôle des conseils centraux est primordial. « Dans le modèle nord-américain, l’idée d’avoir une structure financée par des cotisations syndicales qui ne vise pas seulement la négociation sera toujours remise en cause, notamment par la droite. C’est pourtant un atout fondamental. Quand on regarde l’héritage de Michel Chartrand au Conseil central du Montréal métropolitain–CSN, par exemple, tout le travail en santé et sécurité, la défense des travailleuses et travailleurs accidentés, l’Union des travailleuses et travailleurs accidentés ou malades (UTTAM), ça n’aurait pas pu voir le jour sans une structure comme celle-là qui permet de rassembler les forces. Encore aujourd’hui, devant des enjeux de discrimination et de racisme, le conseil central est un endroit où on peut se pencher rapidement sur de tels enjeux et développer des réponses collectives. Puis évidemment, ça peut remonter ensuite dans l’organisation. »

De la santé à la transition juste

En luttant pour leur santé, les travailleurs de l’amiante ne se doutaient pas que leur préoccupation était annonciatrice des luttes actuelles sur les droits du travail et de la justice climatique. Plus contemporain, le combat des travailleurs sylvicoles pour de meilleures conditions de travail concerne aussi la question de la transition juste. Fenêtre ouverte sur l’évolution des revendications de la CSN en matière d’environnement.

La grève de l’amiante de 1949 a marqué l’his­toire de la CSN et du syndicalisme au Québec. Les images de la résistance acharnée des mineurs, de l’intransigeance des patrons, de la violence inouïe du gouvernement Duplessis ainsi que des confrontations avec les forces de l’ordre et les scabs se sont imprégnées dans l’imaginaire collectif. Oui, ces travailleurs luttaient surtout pour de meilleurs salaires, mais ils revendiquaient aussi des mesures pour limiter la poussière d’amiante qui les rendaient malades.

« Les décès liés à l’exposition à l’amiante sont très pénibles, » explique Anne Lagacé Dowson, journaliste et militante syndicale détenant une maîtrise en histoire du syndicalisme. « Avant la grève de l’amiante, il était inconcevable de négocier des dispositions pour protéger la santé des travailleurs. Ces luttes ont permis aux syndicats de faire le lien entre l’environnement et la santé de leurs membres. »

Les mineurs ont attendu près de vingt ans avant d’obtenir des gains concernant les dangers environnementaux rattachés à leur travail. En 1975, une étude révèle que 61 % d’entre eux souffrent d’amiantose. L’amiante n’est pas seulement dommageable pour les travailleurs, elle l’est également pour la population de la région. La grève est déclenchée et servira d’élé­­ment catalyseur à la création de la Loi sur la santé et la sécurité du travail ainsi qu’aux mouvements citoyens pour l’environnement.

L’avenir est en jeu
Les dangers posés par les contaminants toxi­ques dans les milieux de travail continuent d’être un enjeu d’envergure pour le mouvement syndical, tel qu’illustré par les débats autour de la Fonderie Horne. Sans l’ombre d’un doute, la lutte pour une transition juste occupera aussi une place importante dans les priorités du mouvement au cours du prochain siècle. En effet, le chaos climatique imposera des changements importants dans divers secteurs d’emplois. En ce sens, les travailleuses et les travailleurs doivent être à la table pour contribuer à la sortie de crise.

Et la sylviculture ?
Au Québec, peu de secteurs sont aussi touchés par les bouleversements climatiques que celui de la sylviculture. Pourtant, la forêt a un rôle primordial à jouer pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. C’est la raison pour laquelle les gouvernements souhaitent planter une énorme quantité d’arbres au cours des prochaines années. En 2019, Justin Trudeau visait 2 milliards d’arbres de plus au Canada d’ici 2030. Or, en 2021, moins de 0,5 % de la cible était atteinte.

Les canicules ne sont pas le seul obstacle auquel les travailleurs sylvicoles sont confrontés. La relève n’est pas au rendez-vous en raison de la dévalorisation de leur métier et des piètres conditions de travail. Cette lutte pour de meilleures conditions ne date d’ailleurs pas d’hier. Dans une lettre datée de 1948, Mgr Labrie, évêque du diocèse du Golfe Saint-Laurent, déplorait déjà la destruction des forêts et le mépris de la profession de bûcheron. En réponse à ces enjeux, il recommandait « des programmes scolaires pour favoriser la conservation des ressources grâce aux méthodes de sylviculture et une reconnaissance professionnelle des bûcherons ». Cette proposition fut reprise par le congrès de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (ancêtre de la CSN).

Serge Desrosiers, président du Syndicat national de la sylviculture–CSN, conclut : « C’est nous, les travailleurs sur le terrain, qui comprenons les problèmes et qui avons des solutions à apporter. Mais ça fait des décennies que les décideurs n’écoutent que les employeurs. Et on s’étonne que personne ne souhaite faire ce métier ? C’est pour ça qu’il nous faut une transition juste : pour qu’on ait une place à la table afin de discuter de l’avenir de nos jobs. On ne le dira jamais assez : rien sur nous, sans nous.

Des avancées spectaculaires malgré les embûches

Les négociations dans le secteur public et parapublic voient le jour au début des années 1960. Alors que la ronde actuelle sur le renouvellement des conventions collectives est bien entamée, Le Point syndical propose un retour sur l’évolution de ces négociations toutes particulières.

Avant la Révolution tranquille, la plupart des syndicats des hôpitaux et des écoles négocient leurs conditions de manière dispersée. Comme la répression est féroce – on se rappellera ici du règne de Maurice Dupessis – des conflits de travail éclosent ici et là. En 1962 est créé le Car­re­four syndical de la fonction publique, appelé à représenter quelque 135 000 salarié-es au fil du temps. Ancêtre du Front commun, ce carrefour facilite l’adoption du Code du travail en 1964.

Avant le front
Les négociations de 1966 et de 1969 ont posé les pierres d’assise des conventions collectives actuelles. C’est à ce moment que le gouvernement prend plus de place dans la négociation et se positionne comme État employeur. En santé, le droit de supplantation et des augmentations de salaire de 15 à 20 % sur deux ans sont notamment obtenus non sans une lutte importante, puisque les pourparlers durent 14 mois, avec grève générale en prime.

Naissance du Front commun et grèves générales 1970
Alors que l’État s’organise, la CSN, la FTQ et la CEQ se rencontrent à l’initiative de la CSN et mettent sur pied le Front commun, qui développe ses revendications sous fond de crise d’octobre. Devant la lenteur des négociations, le Front commun déclenche une grève générale à la fin mars, puis une autre en avril 1972. Un peu partout, des grèves spontanées éclatent pour appuyer les employé-es du secteur public. L’ampleur de la révolte est telle que le gouvernement libéral de Robert Bourassa impose une loi spéciale décrétant un retour au travail immédiat et interdit le recours temporaire à la grève. Les présidents Pepin (CSN), Laberge (FTQ) et Charbonneau (CEQ) invitent les grévistes à respecter le décret, mais le fait d’avoir défié les injonctions précédant la loi leur méritera des accusations pour outrage au tribunal. Les chefs de même que plusieurs dirigeants syndicaux feront deux séjours en prison.

Rassemblement du Front commun au Forum de Montréal, mars 1972.

Ces péripéties n’auront pas été vaines : à l’automne 1972, les syndiqué-es obtiennent notamment le salaire de 100 $ minimum par semaine (une hausse de 30 %), la création du régime de retraite de la fonction publique, des augmentations salariales et une clause d’indexation au coût de la vie. Marc Comby, archiviste de la CSN, précise toutefois : « Le Front commun de 1972 a marqué l’imaginaire, mais les gains les plus importants ne se sont pas faits lors de cette ronde. Marcel Pepin, qui était un étapiste, comprenait que tout ne pouvait pas être obtenu sur-le-champ. Il avait raison, puisque les rondes suivantes ont permis aux membres de faire des gains historiques. »

En effet, même si les syndiqué-es se sont heurtés à un lock-out et à une autre loi spéciale, les gains de la ronde de 1975-1976 ont été immenses : obtention de 165 $ par semaine, 48,84 % d’augmentation sur 4 ans, ajustements automatiques liés à l’inflation, congé de maternité sans solde de 17 semaines, un mois de vacances, assurance-salaire en cas d’invalidité… Quand même !

Des reculs et des gains
Front commun de 1981-82. Le gouvernement de René Lévesque fait subir aux syndiqué-es les contrecoups de trois lois spéciales très dures. Évoquant la crise économique majeure, il impose un recul salarial de 20 % à plusieurs titres d’emploi et décrète les conditions de travail jusqu’en décembre 1985. Une véritable douche froide après l’euphorie entourant la réélection du Parti Québécois. « Des syndiqué-es de la CSN ont déchiré leur carte de membre du parti », évoque Marc Comby.

Malgré toutes ces lois spéciales, bien d’autres gains ont été réalisés de 1980 à aujourd’hui : cinq semaines de vacances, congé de maternité payé et autres droits parentaux, programme d’accès à l’égalité pour les femmes, clause pour contrer la précarité, règlement sur l’équité salariale, reconnaissance de l’enseignement collégial et attention particulière aux bas salarié-es. « On peut dire chapeau au Front commun ! », souligne l’archiviste.

Tout le monde y gagne
Dès les années 1960, la CSN souhaitait que la négociation du secteur public serve de locomotive à l’ensemble de la société en tirant vers le haut les conditions de travail et les salaires du secteur privé. « Des gains du secteur public comme les salaires d’entrée plus élevés pour l’ensemble des gens et la bonification des droits parentaux ont servi de référence pour le marché du travail de façon générale », explique Philippe Morin, conseiller syndical au Comité de coordination des secteurs publics et parapublics de la CSN.

Manifestation du Front commun, Québec, 2022.

Cinquante ans après le premier Front commun, la CSN, la CSQ, la FTQ et l’APTS ont choisi de négocier de manière regroupée pour la ronde 2023. « Notre slogan Nous d’une seule voix se veut un clin d’œil au slogan Nous le monde ordinaire de 1972. Car même si le contexte change, l’union des forces dans le secteur public, elle, est bien enracinée », conclut François Enault, premier vice-président de la CSN et responsable de la négociation du secteur public.

L’histoire de la CSN–Construction est intimement liée à celle de la CSN

La FCMB est donc créée par des unions de métiers de Montréal, de Hull et de Trois-Rivières, qui rassemblent des menuisiers, des plombiers, des ferblantiers, des peintres, des charpentiers, des briqueteurs et des journaliers. Se joindront par la suite des unions de Québec, de Sherbrooke et d’autres régions. « Toutes ces organisations contribueront vivement à l’émergence de la CSN en joignant les rangs de la FCMB », souligne l’archiviste de la CSN, Marc Comby.

Fait intéressant à noter, dès le 3 novembre 1924, moins d’un mois après sa création, les délégués du bureau fédéral de la Fédération catholique des métiers du bâtiment dénoncent la compagnie Eddy Match de Hull et soutiennent la lutte des allumettières, qui deviendra historique.

L’ADN des luttes
« Avant même que la FCMB ne soit fondée, la question de la santé et de la sécurité sur les chantiers est au centre des préoccupations des unions », rappelle Marc Comby. Dès le 18 décembre 1925, le comité exécutif de la fédération propose la création d’une police d’assurance décès de 300 $ et d’une police d’assurance maladie de 5 $ par semaine, durant 10 semaines.

Lors du second congrès, des résolutions sont déposées afin de prévenir la transmission de maladies contagieuses sur les chantiers, de revoir la couverture de la loi des accidents de travail afin de prévoir une compensation financière dès le premier jour d’un événement et de demander au gouvernement provincial une inspection sanitaire obligatoire des installations de plomberie dans les villes de plus de 20 000 habitants. « Ces résolutions témoignaient déjà de l’engagement militant et social, qui était solidairement ancré dans les communautés des membres de la fédération », fait remarquer Pierre Brassard, président de la CSN–Construction.

Le 8 septembre 1929, les membres de la FCMB décident en congrès de mandater la fédération pour qu’elle voit avec le gouvernement à la mise en place d’un bureau préventif des accidents. Le vice-président de la CSN–Construction, Félix Ferland, rappelle que tout au long de son histoire et de concert avec la CSN, la fédération a milité pour que la prévention soit priorisée sur tous les chantiers du Québec. « Avec la récente loi 27, l’enjeu de la santé-sécurité au travail (SST) demeure au cœur des préoccupations sur les chantiers québécois », ajoute-t-il.

Autres luttes
La question des disparités salariales entre les grandes villes et les régions du Québec pousse la FCMB et la CTCC à militer dès 1934 en faveur de la Loi sur les décrets de con­ven­tion collective qui rendra uniformes les conditions de travail dans plusieurs secteurs économiques, dont celui de la construction. Au début des années 1970, les travailleurs de la construction obtiennent la parité salariale. « Un clou de six pouces planté à Gaspé a autant de valeur qu’un clou planté à Montréal », disait un slogan de la CSN.

Au début des années 1960, les luttes pour la réduction du temps de travail font passer la semaine normale de travail de 54 à 44 heures en moyenne dans plusieurs régions et même à 40 heures à Montréal. Dès 1970, la reconnaissance de l’ancienneté par employeur et par région devient un autre cheval de bataille défendu par la fédération. Cette revendication demeure non réglée aujourd’hui – les employeurs ayant toujours combattu toute avancée à ce sujet – et sera au centre de plusieurs négociations en alliance syndicale.

Placement syndical
Puisque le placement faisait partie de la dynamique de la construction dès les années 1920, la défense de la sécurité d’emploi deviendra rapidement un enjeu majeur pour la CSN–Construction. Or, le placement syndical, dont le monopole sur les chantiers avait été donné aux organisations syndicales, est une lame à double tranchant qui menace justement la sécurité d’emploi.

Plusieurs propositions furent mises de l’avant par la CSN–Construction dans le but de régler ce problème en confiant le placement sur les chantiers à un organisme paragouvernemental indépendant, la Commission de la construction du Québec, par exemple. « L’argument central demeurait toujours le même : dans la mesure où le placement ne serait plus un enjeu de division syndicale, les organisations pourraient enfin se consacrer à leur rôle fondamental, soit celui de faire respecter les droits des travailleuses et des travailleurs », explique Pierre Brassard.

Rendez-vous avec son histoire
Au moment d’écrire ces lignes, la CSN–Construction prépare son 69e congrès qui marquera aussi le lancement de son 100e anniver­saire. Longue vie à la CSN–Construction !

Donner une voix à la diversité

De la catholique et « canadienne française » Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC) à la plus moderne Confédération des syndicats nationaux (CSN), l’organisation s’est ouverte à la diversité culturelle, nationale, sexuelle et de genre.

Dans les années 20, le clergé est fermé à l’immigration de confession non catholique, qu’elle soit francophone ou anglophone. Les décennies qui suivent sont marquées par une plus grande ouverture de la CTCC. Les dirigeants voient bien qu’il s’agit d’une question de survie et que plane le risque de perdre notamment la grande région de Montréal.

Entre le 1er décembre 1951 et le 1er octobre 1952, le service des immigrants de la CTCC accueille dans ses bureaux de Montréal environ 6 000 immigrantes et immigrants à qui l’on fournit des renseignements, des lettres de recommandation, voire une aide financière et des emplois. « Un tel effort d’assistance a valu à la CTCC de nombreuses adhésions de ces Néo-Canadiens », peut-on lire dans Le travail en 1952.

Toujours de son temps
À la fin des années 80, la majorité des travailleuses et des travailleurs immigrants touchent encore un salaire qui ne correspond pas à leur formation et sont victimes de pratiques discriminatoires au travail. En 2019, la CSN adopte la Déclaration contre le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie. Cette année coïncide avec l’arrivée de Ramatoulaye Diallo à la trésorerie du Conseil central du Montréal métropolitain–CSN. L’implication syndicale de la femme originaire de la Guinée remonte à 2007, après qu’elle se soit fait « passer un sapin » en devant travailler à Noël et au Jour de l’An. Cet horaire contrevenait à sa convention collective, qui prévoyait une seule journée de travail lors de ces deux jours fériés. « Les immigrants cumulent souvent les emplois et n’ont pas le temps de s’impliquer », souligne-t-elle. « Des outils sont de plus en plus créés pour faciliter leur intégration sociale et leur inclusion syndicale. Il faut éviter qu’il y ait deux catégories de travailleurs ! » Cette préoccupation est croissante dans les syndicats CSN, alors que le marché du travail favorise la précarité et l’inégalité des droits des personnes immigrantes en faisant appel au programme de travailleuses et de travailleurs étrangers temporaires plutôt qu’à l’immigration permanente.

Femme de chambre lors d’une manifestation dans l’hôtellerie, dans les années 1980.

Dès 1993, le président de la CSN de l’époque, Gérald Larose, ainsi que Romeo Saganash, alors grand chef adjoint du Grand Conseil des Cris de la Baie James, dirigent le Forum paritaire québécois-autochtones dans le but d’établir un nouveau contrat social entre les deux peuples. Au début des années 2000, des ententes sont signées entre la CSN et des groupes de défense des droits des autochtones. « Ces initiatives ont permis de développer la solidarité au niveau local », résume la directrice générale de l’Observatoire québécois des inégalités, Nathalie Guay, qui a œuvré à la CSN comme conseillère à la recherche et adjointe au comité exécutif.

La CSN a aussi joué un rôle actif dans l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones par le Canada et le Québec.

Fierté syndicale
Tout au long de son existence, la CSN a multiplié les tribunes pour faire valoir les droits des gais et des lesbiennes. Line Chamberland a fait partie des toutes premières luttes en ce domaine. En 1988, la professeure du cégep Maisonneuve prend part à la fondation du premier groupe gais et lesbiennes de la CSN. Le comité se voit ainsi confier un mandat d’enquête pour mettre en lumière la réalité des gais et des lesbiennes. « À cette époque, juste aller aux rencontres du comité, c’était un coming-out. On voulait sortir du silence, briser le tabou », se rappelle Mme Chamberland.

Fierté Montréal, août 2019. // Laurence Philemon

L’enquête du comité révèle des faits troublants. Outre les moqueries et les paroles dénigrantes dont ces personnes sont fréquemment la cible, plusieurs gais et lesbiennes sont victimes de congédiements, de refus d’embauche ou de mesures disciplinaires pour des raisons fallacieuses. L’absence de reconnaissance des conjointes et conjoints de même sexe mène à de tristes injustices. Des gens se voient refuser une journée de congé pour assister aux funérailles de leur conjoint. D’autres perdent même la garde de leurs enfants.

En 1988, le Front commun arrache la reconnaissance des conjoints de même sexe dans la fonction publique. Or, la discrimination, la violence et le harcèlement règnent toujours dans certains milieux.

En outre, toutes les communautés, qu’elles soient gaie, lesbienne, bi, trans ou non-binaire, vivent leur lot de difficultés. Les revendications prennent donc de nouvelles formes et encore bien des batailles restent à mener. « Des aménagements tels que des congés de paternité pour les deux pères d’un couple ou des congés médicaux pour les gens qui font une transition de genre pourraient être mis en place », précise l’ex-titulaire de la Chaire de recherche sur l’homophobie de l’Université du Québec à Montréal.

 

Là où l’action syndicale tire des leçons de l’histoire

Peut-on agir sur le plan syndical sans mémoire historique ? Peut-être, mais les avancées marquantes des luttes syndicales sont la plupart du temps le fruit d’une lecture actualisée des leçons du passé.

Au centre de documentation et des archives de la CSN, Marc Comby est convaincu que les organisations syndicales gagnent à investir dans la conservation de leurs archives. Récemment, l’homme, bardé d’une seconde maîtrise – celle-là en histoire – a mis tous ses talents et toute son énergie à nourrir le livre de son confrère Yves Desjardins, Le Québec à l’ouvrage, lancé à l’occasion du centenaire de la CSN.

Dur conflit à la Robin Hood qui donnera naissance à la loi anti-briseurs de grève,
Montréal, 1977

Les jeunes générations ont parfois tendance à tenir bien des choses pour acquises, souligne l’archiviste. « Le jeune qui entre à l’usine avec un bon salaire ne sait pas toujours que son grand-père crevait de faim dans la même usine. Il a fallu qu’il se batte pour obtenir des conditions de travail décentes. »

« Pour le centenaire de la CSN, on a voulu raviver notre mémoire historique afin que les jeunes prennent conscience que ce qu’ils ont, ils le doivent à des gens qui, avant eux, ont bossé fort et ont milité activement. La mémoire historique sert à perpétuer et à consolider l’institution et l’action syndicale. »

Manifestation lors de l’emprisonnement des présidents des trois centrales syndicales, Québec, 9 mai 1972.

La façon de conserver les archives diffère d’une centrale syndicale à l’autre. « Les archi­ves des différentes organisations en disent long sur leur propre histoire », explique-t-il.

« À la CSN, nos origines sont catholiques. Du point de vue des archives, c’est notre avantage. Les aumôniers savaient parler français. Ils savaient écrire et étaient minutieux. Ils notaient tout, ils conservaient tout. On a donc des archives fascinantes et des milliers de documents, dont nos procès-verbaux. »

Campagne de boycott du chocolat Cadbury, 1978.

Le dernier inventaire du centre de documentation fait état de 141 fonds d’archives de la CSN, des conseils centraux et des fédérations, d’une quarantaine de journaux et d’un nombre incalculable de procès-verbaux et de mémoires numérisés depuis 1921. Des pans entiers de l’histoire du Québec moderne accessibles aux militantes et aux militants, aux médias ainsi qu’aux chercheuses et aux chercheurs universitaires.

Les allumettières, Hull (Gatineau),1924

À elle seule, la photothèque de la CSN compte plusieurs dizaines de milliers de photos argentiques, dont la majorité a été numérisée. Celles-ci n’ont toutefois pas encore été entièrement indexées ni cataloguées. « Il y a encore du travail pour des années. Lentement mais sûrement, le centre continue à mettre à la disposition des membres documentation et archives », conclut Marc Comby.

Un mariage heureux

Au cours de ses 100 ans d’action collective, la CSN a pu compter dans ses rangs des femmes d’exception qui ont fait avancer la cause syndicale.

En 1921, lors de la fondation de la CSN, connue alors comme la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC), les femmes sont relativement peu nombreuses sur le marché du travail. Néanmoins, l’un des premiers grands combats de la CTCC sera mené par les allumettières de la compagnie Eddy Match. Depuis 1921, la centrale est passée « d’une approche défensive et paternaliste à l’égard des syndiquées à un engagement actif et militant envers l’égalité », souligne Claudette Carbonneau dans un récent article du Bulletin d’histoire politique. Il s’agit d’un parcours qui, bien qu’ayant grandement subi l’influence de l’Église, a su s’adapter à l’évolution de la société québécoise.

Celle qui a dirigé la CSN de 2002 à 2011 se remémore des « grèves courageuses et historiques » menées à la CTCC/CSN par des femmes, comme celles du textile et de la chaussure. Fatiguées d’être méprisées par leur employeur qui leur accorde un salaire de misère, les employées de Dupuis frères mènent la grève en 1952. Leur lutte bénéficiera à toutes les travailleuses des autres grandes enseignes. L’histoire se rappellera également les infirmières de l’hôpital Sainte-Justine en 1963. Épuisées et inquiètes de la qualité des soins offerts, elles déclenchent la grève et forcent « la Reine à négocier avec ses sujets », pour paraphraser l’ancien premier ministre du Québec, Jean Lesage.

Assemblée des travailleuses de garderies, années 1970. // Archives CSN

Au sein même de la centrale, un comité féminin sera mis en place en 1953. Les femmes veulent qu’on cesse de voir leurs problèmes comme des « affaires de bonnes femmes » !

Dans les années 1990, peu de femmes occupent des postes de responsabilités à la CSN. « Au comité exécutif, je trouvais que ça n’avait pas de bon sens d’être la seule femme sur six personnes, alors que 50 % de nos effectifs sont des femmes ! » L’ancienne présidente de la CSN évoque la « conviction profonde et la mobilisation des femmes » qui ont mené les batailles pour les centres de la petite enfance, les congés parentaux et l’équité salariale. Ce dernier enjeu, une véritable saga, a entraîné les militantes à multiplier les manifestations. Face aux stratagèmes juridiques et gouvernementaux, la CSN a porté à bout de bras ce dossier devant les tribunaux, et la bataille pour l’équité salariale se poursuit.

Viser la parité
Le comité exécutif de la CSN est aujourd’hui à parité. « Ça prêche par l’exemple », fait valoir la secrétaire générale de la CSN, Nathalie Arguin. Au milieu des années 90, la cigarette est toujours autorisée dans les lieux publics. Son syndicat du Casino de Montréal se bat pour que les employées enceintes puissent bénéficier du retrait préventif ». « Je suis bien fière de cette lutte qui a contribué, avec le soutien d’autres organisations, à faire changer les choses. » D’un point de vue militant, la touche féminine, tout comme la diversité en général, « amène une meilleure action syndicale et crée moins d’angles morts. »

Agir pour l’avenir
L’intersectionnalité, c’est lorsqu’une même personne subit une accumulation de discriminations en lien avec son origine, son sexe, son âge, sa religion, son orientation sexuelle, sa classe sociale ou ses capacités physiques. Ramatoulaye Diallo, trésorière du Conseil central du Montréal métropolitain–CSN, peut en témoigner. À son arrivée au Québec dans les années 90, la Guinéenne envoie plusieurs curriculums vitae pour tenter de décrocher un poste de technicienne de laboratoire. Cette diplômée universitaire en microbiologie ne reçoit même pas un appel !

« Il y a des alliances à faire avec d’autres mouvements sociaux pour lutter contre les systèmes qui nous oppriment », note pour sa part Emilia Castro, militante depuis plus de 30 ans et ex-vice-présidente du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches–CSN.

Au dernier congrès de la CSN, une proposition demandant l’engagement de la CSN pour un modèle inclusif et intersectionnel des milieux de travail a été adoptée. Il y a de l’espoir !

L’histoire du mouvement vue de près

Michel Rioux a été aux premières loges de plusieurs pans de l’histoire du syndicalisme québécois. Journaliste et chroniqueur syndical, notamment au Soleil où il a été congédié pour activités syndicales, il arrive à la CSN en 1969 comme directeur de l’information. L’un de ses premiers tests de politique interne se déroule lors du « bill 63 » de 1969 qui donne le libre-choix d’envoyer ses enfants à l’école anglaise. Le débat est houleux dans l’espace public, il l’est aussi dans les rangs de la confédération. Alors président de la CSN, Marcel Pepin demande des changements au projet de loi ; Michel Chartrand, lui, s’y oppose carrément. « Pepin a été à deux cheveux de démissionner. C’est une lettre aux militants qui a raccommodé les choses », souligne Rioux en ajoutant que la langue et la question nationale faisaient l’objet d’une mésentente entre Pepin et Chartrand, qui abordaient ces sujets différemment.

On se transporte en pleine crise d’octobre 1970, après la mort de Pierre Laporte, ministre du Travail du Québec. Rioux assiste Marcel Pepin dans une conférence de presse cruciale qui se tient à la CSN avec Claude Ryan, directeur du Devoir, René Lévesque, chef du Parti Québécois, Louis Laberge, président de la FTQ et Yvon Charbonneau, président de la CEQ. On y demande de négocier pour libérer le diplomate britannique James Cross. Une déclaration commune dénonce par ailleurs les mesures de guerre.

Front commun de 1972. La loi spéciale sur le retour au travail est adoptée. À Télé-Québec, les trois présidents ne demandent pas à leurs membres de la défier, au grand dam du bouillant Chartrand. « Ça commence à chauffer un peu partout », raconte Rioux. On connait la suite : les chefs syndicaux sont condamnés pour outrage au tribunal en raison du non-respect des injonctions précédant la loi.

Michel Rioux prend sa retraite de la CSN en 1998, sous la présidence de Gérald Larose. Toujours très actif aujourd’hui, celui qui siégea au conseil d’administration du Devoir de 2001 à 2022 a écrit de nombreux articles et ouvrages sur l’histoire de la CSN. « Je veux raconter aux gens qui arrivent à la CSN l’histoire du mouvement auquel ils s’intègrent », conclut-il.

De fières héritières de Donalda !

Véritable symbole de courage et de ténacité, Donalda Charron s’est sacrifiée pour la cause ouvrière féminine. Aujourd’hui, les militantes de la CSN portent toutes un peu son héritage.

Cette fille de manufacture, comme on les appelait à l’époque, devint la première femme à présider un syndicat au Canada. En 1919 et en 1924, Donalda affrontera les employeurs de l’une des plus grandes entreprises au pays lors de deux grèves à l’usine d’allumettes E.B. Eddy de Hull. Comme le souligne l’anthropologue Serge Bouchard dans un épisode de la série De remarquables oubliés, « Donalda Charron s’est battue en sachant que les femmes, encore moins que les ouvriers, n’avaient aucune autre arme que celle de leur courage pur. Donalda Charron est l’héroïne d’une période historique tellement dure, où le capitalisme industriel tuait littéralement les gens ».

Contrairement à ce qui est parfois véhiculé, cette pionnière syndicale n’est pas morte seule et complètement oubliée. « C’est tout le contraire, souligne Julie Charron, sa petite nièce. Mon père s’est occupé de Donalda jusqu’à sa mort. Aujourd’hui, il repose au cimetière Notre-Dame de Gatineau avec elle.

Bien que Julie n’ait pas connu sa grand-tante, la tradition familiale parle d’une ardente militante qui n’avait pas la langue dans sa poche. Donalda avait aussi, paraît-il, tout un caractère ! « C’était une battante. Elle se tenait debout. Elle avait du cran pour l’époque », ajoute fièrement Julie. Lors de la grève de 1924, la contremaîtresse des allumettières « protège ses filles » en bloquant la voie à la voiture du surintendant Wood qui fonce sur les grévistes.

À l’évidence, la fibre syndicale court dans la famille Charron, puisque Julie a été présidente et trésorière de son syndicat local, le Syndicat des travailleuses et travailleurs de la santé et des services sociaux dans la région de l’Outaouais (Papineau)–CSN.

Cette fille de nature plutôt réservée s’est impli­quée afin de défendre les droits des syndiqué-es dans un souci de justice, de droiture et d’équité, toutes des valeurs familiales partagées aussi par ses frères, Sylvain et André. À l’aube du 100e anniversaire de la grève des allumettières de 1924, ces valeurs demeurent également bien ancrées dans le mouvement CSN.

La force d’une image

Plus qu’une représentation identitaire, le logo de la CSN constitue le symbole syndical par excellence de résilience et de solidarité pour des générations de camarades. Alors qu’il fait partie des icônes les plus facilement reconnues par le grand public, son histoire est souvent entourée de mystère pour les militantes et les militants du mouvement.

Pour Marc Comby, archiviste et historien à la CSN, l’origine du logo se place à l’intersection de deux trajectoires : « Celle réelle, physique et tridimensionnelle de Jean Gauguet-Larouche. Puis celle graphique et visuelle, dans le contraste, de Jean Gladu. »

Sculpteur né à la Malbaie et diplômé des beaux-arts de Montréal, Jean Gauguet-Larouche façonne dans les années 60 trois anneaux de fer entrelacés. Il puise ainsi dans la mémoire ancestrale des peintures rupestres et des symboles celtiques. Dans cette vision fédératrice, personne n’est le maillon faible : les trois chaînons entrelacés – symboles d’autonomie, de démocratie et de solidarité – forment un triangle. Celui-ci représente à son tour le triptyque syndicats-fédérations-conseils centraux.

Plus tard, Jean Gladu, alors graphiste à la CSN, conçoit le logo en photographiant les anneaux en haut contraste. « Mon mandat était de créer une version efficace et contemporaine d’une idée qui existait déjà », résume-t-il. Derrière le choix du logo se cache aussi une réalité technique de l’époque, quand il fallait choisir entre pouvoir imprimer plus rapidement un grand nombre de prospectus ou encore imprimer en couleur, avec toutes les difficultés que cela impliquait. Le choix défendu par Jean Gladu de garder la couleur noire honore cet héritage né d’une contrainte, mais résume encore, à sa manière, une philosophie inclusive.

En 1974, lors de son 46e congrès, la CSN adopte officiellement cet emblème un peu « trône de fer » et « métal » avant l’heure. Alors qu’elle entre dans son deuxième siècle de lutte pour la dignité et les droits au travail, la plus vieille organisation syndicale du Canada rend hommage à son histoire en gardant ce symbole et y ajoute le nouveau slogan patrimonial et historique Solidaire depuis 1921.

Télémédecine : la privatisation tranquille se poursuit

Après avoir permis aux médecins œuvrant dans le réseau public d’offrir des services de télémédecine dans le secteur privé, le gouvernement a adopté un règlement, en décembre, autorisant les assureurs privés à couvrir ce type d’intervention.

Voilà des précédents fort inquiétants. En effet, devrons-nous attendre encore plus longtemps pour voir notre médecin de famille pendant que celui-ci sera occupé par des consultations privées plus lucratives ? Aurons-nous encore accès aux médecins spécialistes déjà pris par leur pratique privée ? Quel sera le niveau de qualité de ce service alors qu’il n’est pas possible en ligne d’ausculter ou de prendre les signes vitaux ?

Tout porte à croire que la télémédecine sera appelée à se développer très rapidement au cours des prochaines années. Ce développement pourrait se faire dans le réseau public, de manière multidisciplinaire, et pourrait constituer une partie de la solution aux problèmes d’accessibilité vécus actuellement dans le secteur public.

Au contraire, la CAQ a choisi de donner ce domaine d’avenir au secteur privé en légalisant un nouveau type d’assurance privée. De nombreux joueurs, dont des entreprises multinationales, ont déjà lancé l’offensive afin de profiter de la manne de ce nouveau marché lucratif. Quel sera l’impact de ces services sur les coûts d’assurance déjà très élevé ?

Puisque cette modification a été effectuée par règlement, il n’y a eu aucun débat ni aucune consultation sur la question. Cependant, on ne peut ignorer le lobbying exercé par les compagnies d’assurance qui y voient une occasion supplémentaire d’engranger des profits.

Pour la CSN, c’est clair : le développement de la télémédecine devrait se faire dans le secteur public avec les objectifs d’universalité, d’équité et d’accessibilité pour toute la population, peu importent l’épaisseur du portefeuille et la possibilité ou non d’avoir accès à des assurances privées.

Plus d’information visitez Vraiment public 

 

Le STTuBAnQ–CSN déclenche la grève

Ce mardi 14 février, les membres du Syndicat des travailleuses et travailleurs unis de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (STTuBAnQ–CSN) ont déclenché une grève de cinq jours, et ce, dans les 13 points de service de Bibliothèque et Archives nationales du Québec.

« En négociation depuis octobre 2021, nous sommes sans contrat de travail depuis le mois de mars 2020. Cela fait près de cinq ans qu’aucune augmentation salariale ne nous a été accordée, et l’inflation actuelle nous touche durement. Notre négociation s’étire inutilement depuis plus d’un an et l’impatience des salarié-es de BAnQ nous a poussés à déclencher cette première séquence de cinq jours de grève. Le Conseil du trésor devra impérativement revoir ses offres à incidence financière, puisque celles-ci ne comblent toujours pas nos attentes », souligne la présidente du syndicat, Sylviane Cossette. Rappelons encore une fois que nos conditions générales d’emploi sont nettement inférieures à celles de nos collègues qui œuvrent dans les autres bibliothèques et centres d’archives du Québec et que, de ce fait, nous revendiquons toujours un rehaussement salarial conséquent qui reconnaîtra enfin notre travail à sa juste valeur. »

Le 16 janvier dernier, les membres du STTUBAnQ–CSN ont voté à 94 % en faveur d’une banque de 10 jours de grève à déclencher au moment jugé opportun.

« Puisque les budgets de BAnQ ne sont pas indexés, quand arrive un contexte de rareté de main-d’œuvre et d’inflation, l’établissement doit assumer un déficit constant qui augmente d’année en année et qui affecte directement ses opérations. Le Conseil du trésor comprend très bien cette problématique et doit donc impérativement bonifier l’enveloppe budgétaire de BAnQ, ce qui favorisera l’attraction et la rétention de ses salarié-es », ajoute Stéphanie Gratton, présidente par intérim de la Fédération des employées et employés de services publics. Les demandes du syndicat sont fondées sur des comparatifs d’emplois bâtis de concert avec la direction de BAnQ, elles sont donc plus que légitimes et réalistes. Nous interpellons donc à nouveau Sonia LeBel, présidente du Conseil du trésor, afin qu’elle comprenne cet enjeu majeur pour la survie de BAnQ. »

« Le sous-financement de BAnQ cause des problèmes de stabilité de la main-d’œuvre et provoque des vagues de mises à pied à chaque augmentation salariale, puisque l’employeur ne peut plus soutenir ses coûts de main-d’œuvre. Alors que l’établissement se positionne comme LA référence en bibliothéconomie et en archivistique, le Conseil du trésor ne semble pas comprendre la réalité du marché de l’emploi dans ce secteur, les villes et les universités offrant à leur personnel qualifié de bien meilleures conditions salariales », conclut Chantal Ide, vice-présidente du Conseil central du Montréal métropolitain–CSN.

À propos

Le Syndicat des travailleuses et travailleurs unis de BAnQ–CSN rassemble 350 salarié-es œuvrant dans 13 établissements de BAnQ.

Un système de santé VRAIMENT public – Un choix logique pour l’économie

Des travailleuses et des travailleurs des secteurs public et privé se sont rassemblés ce midi face au Club Mont-Royal, où le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon prenait la parole devant des gens d’affaires. Pour la Confédération des syndicats nationaux (CSN), un système de santé et de services sociaux VRAIMENT public constitue un argument majeur en faveur du Québec pour convaincre des entreprises de s’y installer, notamment par rapport aux États-Unis où les coûts globaux du système sont beaucoup plus élevés qu’ici et sont très souvent aux frais des employeurs.

La CSN est préoccupée par l’intention annoncée du gouvernement de soustraire des ressources du secteur public pour les diriger vers le secteur privé, comme c’est le cas par exemple du projet de création de deux nouveaux hôpitaux privés. « Évidemment, dans un premier temps, le gouvernement veut rassurer la population : personne n’aura à payer ces services de sa poche, nous dit-on, explique la présidente de la CSN, Caroline Senneville. Sauf qu’on sait que les services sociaux et de santé coûtent systématiquement plus cher dans le secteur privé que dans le secteur public. Ça va créer une pression supplémentaire sur les finances publiques. Et qui va payer pour ça ? Eh bien, c’est l’ensemble de la population avec ses taxes et ses impôts. »

La CSN craint également l’impact de la privatisation sur l’augmentation des coûts des assurances collectives qui constituent déjà un fardeau de plus en plus important pour les travailleuses et les travailleurs.

En matière de santé et de services sociaux, les données sont implacables : le secteur coûte beaucoup plus cher. C’est frappant lorsqu’on compare les systèmes sur le plan international : plus le privé joue un grand rôle dans un pays, plus la facture globale est élevée.

Ceci étant dit, les exemples de cette dynamique sont nombreux au Québec. Pensons pas exemple : aux agences de placement de personnel qui exigent des montants exorbitants aux établissements pour leur fournir du personnel de remplacement qui, pour la plupart, étaient auparavant des salarié-es du réseau ; aux cliniques privées qui facturent des frais à leurs patients pour des services qui sont pourtant payés par l’assurance maladie ; aux dérapages des hôpitaux en PPP dont nous sommes dorénavant collectivement locataires.

On estime que la sous-traitance au privé des travaux d’entretien des bâtiments coûte quatre fois plus cher que lorsqu’ils sont pris en charge par des ouvriers employés des établissements.

Un autre exemple est celui des centres d’hébergement privés, où des multimillionnaires, sinon milliardaires, exigent des milliers de dollars chaque mois à leurs résidentes et à leurs résidents, tout en refusant un salaire décent à leurs employé-es. Rien ne permet de croire qu’il en sera autrement des projets d’hôpitaux privés.

Tout récemment, le gouvernement a offert, par décret, sans débat public, un tout nouveau marché fort lucratif aux compagnies d’assurances privées, soit celui de la télémédecine.

« Nous ne sommes pas ici pour dire que tout fonctionne à merveille au Québec et qu’il ne faut rien y changer, souligne le vice-président de la CSN, David Bergeron-Cyr. Au contraire, nous voulons changer les choses. Nous portons plusieurs propositions pour améliorer la situation, notamment en matière d’accessibilité. Pour nous, ce dont on a le plus besoin au Québec, en santé et services sociaux, c’est la décentralisation, la démocratisation et la déprivatisation des soins et services. Nous n’accepterons jamais que des politiciennes et des politiciens utilisent les ratés du système pour sacrifier le réseau public au lieu de se retrousser les manches pour le réparer. Notre réseau public est un joyau pour toutes les travailleuses et les travailleurs au Québec. »

La CSN met en avant de nombreuses pistes de solution qui peuvent être consultées au https://www.csn.qc.ca/vraiment-public.

La ministre Pascale Déry devrait présenter ses priorités

La CSN, la centrale syndicale la plus représentative en enseignement supérieur au Québec, estime que Pascale Déry tarde à faire connaître ses priorités, comme l’a fait son collègue Bernard Drainville, alors que les collèges et les universités ont pourtant des besoins criants.

Dans une récente nouvelle de TVA, la ministre Déry a raison de vouloir augmenter le taux de diplomation, mais cela n’arrivera pas par magie. « Il faudra donner aux cégeps et aux universités les moyens nécessaires pour avoir un personnel suffisant, tant pour l’enseignement et l’aide aux étudiantes et aux étudiants en difficulté, que du côté des employé-es de soutien », soutient Caroline Senneville, présidente de la CSN, qui précise que le manque de personnel et la surcharge actuelle de travail ne permettent pas de faire un travail optimal. Les établissements d’enseignement supérieur souffrent d’un sous-financement chronique depuis plusieurs années.

La pandémie a provoqué des retards d’apprentissage et de formation qui se répercutent sur l’enseignement supérieur et il faudra des moyens suffisants pour assurer la réussite éducative du plus grand nombre. On pense notamment à l’apprentissage du français écrit qui cause des difficultés à un nombre grandissant d’étudiantes et d’étudiants. Il faut s’en occuper sérieusement.

La CSN déplore que la ministre semble préoccupée seulement par les besoins actuels du marché. Elle cite les bourses Perspectives qui ciblent certaines professions au détriment des autres. « Ces bourses ne fonctionnent pas et ne garantissent pas une rétention des personnes une fois en emploi », précise Caroline Senneville, qui estime que la vision de la ministre Déry devra dépasser cette approche centrée uniquement sur la photo des pénuries de main-d’œuvre actuelles.

Pour consulter la plateforme de la CSN en éducation et en enseignement supérieur

https ://bit.ly/3EAf0PY

Le rehaussement de l’âge minimal de la retraite totalement inutile, affirme la CSN

C’est aujourd’hui que la Confédération des syndicats nationaux était entendue en commission parlementaire, alors que s’amorçait une importante consultation publique sur le Régime de rentes du Québec (RRQ). Le régime, en très bonne santé financière, est assuré pour au moins les 50 prochaines années, selon le ministère. La CSN s’étonne donc de la proposition de repousser à 62 ou à 65 ans l’âge d’admissibilité aux prestations, mesure phare de l’actuelle proposition gouvernementale. La première grande centrale au Québec est plutôt d’avis que le moment est opportun pour améliorer certaines dispositions du RRQ sans effectuer de réduction de bénéfices.

« Selon le questionnaire de Revenu Québec, la consultation, obligatoire tous les six ans, est nécessaire pour “accroître la sécurité financière des retraité-es”. Du même coup, on propose d’appauvrir celles et ceux qui en ont le plus besoin, alors que près de 3 travailleurs sur 10 n’ont que le RRQ comme revenu à partir de 60 ans. On ne comprend tout simplement pas l’objectif, affirme Caroline Senneville, présidente de la CSN. La très bonne santé financière du régime rend tout à fait superflue et même nuisible une hausse de l’âge d’admissibilité aux prestations du RRQ. Au contraire, la situation actuelle appelle à une bonification du régime pour les personnes qui y ont cotisé toute leur vie. »

Pour la CSN, le report de l’âge d’accès aux prestations se veut une solution bien imparfaite au problème conjoncturel que représente l’actuel défi de la main-d’œuvre au Québec et aura plus d’effets négatifs sur le maintien de la main-d’œuvre expérimentée que de bénéfices. Elle serait encore plus néfaste pour la population moins bien nantie.

« Si on repousse l’âge d’accès, ce sont encore une fois les femmes et les moins nantis qui seront affectés de façon disproportionnée, puisque leur revenu moyen de cotisation au RRQ est significativement moins élevé. Forcer un report du début de la rente de retraite du RRQ conduirait inévitablement de futurs retraité-es à la pauvreté. À la CSN, on défend des valeurs de justice et de solidarité et, justement, le RRQ revêt un caractère social de redistribution pour les personnes à faible revenu. »

La CSN est en faveur d’une modification des règles de calcul de la rente afin d’éviter que les gains reliés au travail de quelqu’un qui demande sa rente après 65 ans réduisent la moyenne des gains utilisés pour le calcul de sa rente. Elle se montre également favorable aux propositions visant à mieux soutenir les travailleuses et travailleurs qui agissent comme proches aidantes et proches aidants et qui doivent s’occuper d’un enfant à charge ou encore d’une personne en invalidité. Finalement la CSN privilégie le mécanisme d’ajustement actuel en cas de déséquilibre du régime de base du RRQ, et ce, autant pour le régime de base que pour le régime supplémentaire du RRQ.

Pour consulter le mémoire de la CSN : https://www.csn.qc.ca/wp-content/uploads/2023/02/2023-02-02_memoire_rrq_csn.pdf

Les montants annoncés par Ottawa sont insuffisants

Pour la Confédération des syndicats nationaux, la proposition du gouvernement Trudeau présentée plus tôt aujourd’hui n’est pas à la hauteur des énormes besoins du réseau public de santé et des services sociaux. Si la hausse annuelle annoncée de 5 % semble un minimum en phase avec les attentes de la population, la CSN rappelle que le gouvernement fédéral doit faire davantage pour permettre un réel rattrapage maintenant, après des années de sous-investissement chronique.

Vraiment public
Pour la CSN, l’enjeu du financement adéquat des soins et services en santé et services sociaux est central. Toutefois, peu importe le montant des transferts, une véritable amélioration de la situation dépendra également des choix politiques que fera le gouvernement Legault. Pour assurer la pérennité du réseau public de santé et de services sociaux, il faudra le décentraliser, le démocratiser et le déprivatiser. La CSN met en avant de nombreuses pistes de solution qui peuvent être consultées au csn.qc.ca/vraiment-public.

« Le gouvernement de la CAQ a une occasion extraordinaire de régler plusieurs problèmes, notamment en matière d’accessibilité pour la population, en investissant dans le secteur public, souligne la présidente de la CSN, Caroline Senneville. Ce serait une grave erreur d’utiliser ces sommes supplémentaires pour accélérer la croissance du secteur privé dont le personnel proviendra du secteur public, déjà à bout de souffle. Toutes les recherches sérieuses le disent, les services en santé et services sociaux coûtent plus cher dans le secteur privé que dans le secteur public. »

Sur les traces de la CSN

Pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient. L’historien Yves Desjardins s’est peut-être inspiré de cet adage lorsqu’il travaillait sur Le Québec à l’ouvrage pour retracer les 100 ans de la CSN en textes mais surtout en photos. À travers un récit aussi captivant qu’instructif accompagné d’images éloquentes, l’auteur montre comment les grandes luttes de la CSN, tout comme les coups durs, ont fortement influencé l’évolution du Québec moderne. La rétrospective est riche et étoffée ; elle nous rappelle avec un intérêt renouvelé à quel point notre vie courante bénéficie de l’action syndicale. Tout au long de la lecture, le texte dévoile l’ampleur des luttes menées par ces femmes et par ces hommes pour faire avancer leur cause. Les photos, ces bijoux d’archives syndicales, nous font réaliser tout le chemin parcouru collectivement.

Il est aujourd’hui difficile de s’imaginer un monde sans salaire minimum, sans la rémunération des heures supplémentaires, sans vacances payées, ou sans congés parentaux et de maternité, entre autres choses. Et pourtant, ces avancées ont été gagnées de chaude lutte. Le Québec à l’ouvrage nous parle de ces gens ordinaires, ces personnes qui n’ont jamais renoncé à défendre leurs principes et leurs idéaux de justice et d’équité, même si on leur faisait la vie dure.

Ainsi, les vendeuses de Dupuis Frères se sont battues pour faire reconnaître leur syndicat comme unique agent négociateur. Les infirmières de Sainte-Justine pavèrent la voie à une véritable syndicalisation dans les hôpitaux et à la reconnaissance de la profession. La grève des travailleurs de l’amiante a assis le principe de l’élimination du danger à la source et le droit de refuser de travailler en cas de risque pour la santé ou la sécurité. La levée de boucliers des travailleurs de la Robin Hood déboucha sur l’intégration au Code du travail des dispositions anti-briseurs de grève. Les travailleuses des CPE donnèrent aux femmes l’occasion de retourner sur le marché du travail et permirent à des milliers d’enfants d’accéder à des services de garde éducatifs de qualité.

Ces legs, Desjardins nous les raconte de brillante façon. Avec sa plume ciselée, probablement un héritage de sa longue expérience de journaliste à Radio-Canada, il pose les jalons d’une grande histoire. Un livre qu’il vaut la peine de parcourir encore et encore.

Pour vous procurer le livre : documentation@csn.qc.ca

La langue, c’est l’ADN d’un peuple

Ces mots prononcés par l’ancien président de la CSN, Gérald Larose, on peut les entendre dans Une histoire sur le goût de la langue réalisé par Hélène Choquette, qui retrace l’évolution de notre rapport à la langue, de la Conquête de 1759 à nos jours. Plusieurs personnalités connues, de Louise Latraverse à Jim Corcoran en passant par Biz et Louise Beaudoin, y sont également convoquées afin de s’exprimer sur leur perception de l’état du français en Amérique. Pour étoffer son propos, la réalisatrice ne manque pas de s’appuyer aussi sur l’expertise de sociologues, d’historiens, de spécialistes en communication publique et de linguistes.

La question du français au travail est bien sûr abordée dans ce documentaire, dont l’initiative revient à la CSN. Cela dit, d’autres aspects importants y sont abordés. La langue de Molière dans les arts et en politique, par exemple, fait partie intégrante de ce voyage au cœur du français en Amérique. En résulte le portrait éclairant d’une langue qui tente de survivre sur le continent depuis plus de 250 ans. Le film est disponible au centre de documentation de la CSN.